Sur l’écotaxe comme sur l’énergie, Ségolène Royal cède aux lobbies

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Noël Mamère ÉnergieSous sa phraséologie d’« écologie positive » censée réconcilier tout le monde, Mme Royal cède régulièrement devant les lobbies. En représentante impuissante d’une oligarchie qui prend mesure sur mesure contre l’écologie.
Ségolène Royal invente l’écologie de l’épate. Moins d’une semaine après avoir présenté sa loi sur la transition énergétique, nouvelle tenue de camouflage de la filière nucléaire, elle récidive en remplaçant l’écotaxe par un péage bidon sur quelques milliers de kilomètres d’autoroute.
D’ores et déjà, on sait que ce prélèvement rabougri ne sera qu’un leurre. Il ne permettra pas de financer la politique de mobilité dont le ferroutage est l’axe central. Le « péage de transit » pour les poids lourds prévu par le gouvernement pour remplacer l’écotaxe, rapportera « 500 millions » d’euros par an, soit environ deux fois moins que le dispositif initial, qui aurait dû rapporter 1,15 milliard d’euros par an.
Des dizaines de projets de transports urbains et de modes de transports alternatifs devront être revus à la baisse ou disparaîtront faute de financement pérenne. Cela concerne 120 projets, comme des lignes de tramway à Marseille, Strasbourg ou Nantes, mais aussi deux lignes de métro (en banlieue lyonnaise et à Toulouse) ou encore des lignes de bus à Lille, Annecy, Laval... Mais aussi des funiculaires ou des téléphériques urbains, comme celui de Brest, et des navettes fluviales, pour le moment au point mort et qui, parfois, attendent déjà depuis plus de dix ans. Quel gâchis !
La ministre de l’Ecologie « positive » jongle avec les mots mais, dans les faits, à chaque fois, elle cède devant les lobbies. Ici EDF et AREVA, là les transporteurs routiers ou l’agro-alimentaire breton. Cette politique a une réalité : le renoncement d’un projet cohérent de transformation écologique du pays. Ségolène Royal fait de l’écologie, un storytelling habile. Son scénario est le suivant : « Trop longtemps, l’écologie préemptée par les Verts et les ONG s’est présentée comme une écologie punitive, taxant les plus faibles et stigmatisant les professionnels et les entreprises, bloquant la compétitivité et le progrès. Moi, je veux la rendre désirable, chatoyante. Cette écologie positive, je lui enlève tous les désagréments. Avec moi, plus de conflits, plus de polémiques stériles, je rassemble le pollueur et l’environnementaliste, le pro et l’anti-nucléaire, celui qui croyait aux OGM et celui qui n’y croyait pas. Le tout, autour de la croissance verte comme unique horizon ».
Mais ce conte pour enfants va vite trouver ses limites. Le dialogue environnemental, s’il est à sens unique et répond par des mots à la dure réalité des faits, se fracasse face à la vérité des prix. Dans le cas de l’écotaxe nous y sommes.
Mais cet épisode est aussi une leçon de chose sur la technocratie française. L’oligarchie repose sur la fusion de la haute fonction publique et la classe politique grâce à la caste de l’ENA. Nous sommes arrivés au bout de cette logique. A chaque fois, pour résoudre un problème qui n’est que l’expression de contradictions sociales mettant aux prises des intérêts particuliers et l’intérêt général, on pense là-haut que l’on peut esquiver la question en construisant une usine à gaz.
C’est ce qui est arrivé avec l’écotaxe, première formule où l’Etat s’est défaussé en déléguant sa mission de collecteur de la pollutaxe à une société privée constituée en toute hâte. Quelques aigrefins ont senti la bonne occase et se sont payés sur la bête, obtenant des privilèges faramineux. Même après la fin de l’écotaxe première version, la collecte de la taxe coûtera 40 % des recettes, qui iront directement dans les poches d’Ecomouv’, société à 70 % italienne. Résultat : tout le monde est mécontent. L’Etat recule et cède devant ceux qui crient le plus fort ou savent mieux se faire entendre dans les coulisses du pouvoir. Ce fonctionnement tue la démocratie à petit feu. La crédibilité et la confiance s’en trouvent gravement affectées. Je ne sais pas si la gauche est en train de mourir, mais j’ai compris que l’écologie et les écologistes sont une fois de plus les dindons d’une mauvaise farce.