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ChroniqueNoël Mamère

Il est temps de refonder l’écologie politique

La semaine prochaine, le 11 juin, Europe Écologie-Les Verts tient son congrès. Les compromissions gouvernementales de certains de ses membres et l’« affaire » Baupin ont fini de jeter le discrédit sur le parti. EELV n’a d’autre choix que de se refonder et de s’ouvrir, estime notre chroniqueur. Pour que vive l’écologie politique.

Noël Mamère est député écologiste.

Noël Mamère

Nuit debout, Notre-Dame-des-Landes, Bure, Europacity… Partout « l’écologie d’en bas » propose une vision de l’écologie sociale, celle qui défend les droits fondamentaux des populations et de l’environnement, menacés par le productivisme, celle qui met en avant des alternatives au mode de production et de consommation capitaliste, comme l’a montré le film Demain. Pourtant, cette écologie politique là est peu entendue sur la scène publique, si ce n’est par les images de violence que les médias donnent en pâture à l’opinion en stigmatisant les zadistes.

L’écologie sociale est recouverte par l’écologie politicienne, d’en-haut, celle de la croissance verte, qui n’en finit pas d’agoniser et de déconsidérer jusqu’à l’idée même d’écologie politique. Ceux d’entre nous qui ont choisi d’entrer au gouvernement portent une lourde responsabilité dans cette perte de légitimité de l’écologie. Parce qu’ils cautionnent la déchéance de nationalité, l’état d’urgence et la destruction massive des droits sociaux de la loi travail.

Le chant du cygne de l’écologie politique telle qu’on la connaît

Où sont les promesses de l’accord EELV/PS de novembre 2011, si vite jetées au panier par François Hollande, dont le bilan en matière d’environnement est l’un des plus médiocres de la Ve République ?

Et ce n’est pas « l’affaire » Baupin, qui s’enrichit chaque jour de témoignages plus écœurants les uns que les autres et qui a jeté l’opprobre sur tout le mouvement, qui va nous aider à reconquérir une opinion qui nous méprise comme les autres.

Le rêve de Daniel Cohn-Bendit d’une « coopérative » aux fonctions multiples, pouvant agréger les verts encartés, ceux qui ne le sont pas, mais aussi des tas de gens qui veulent défendre leurs droits, hors des partis constitués, a vécu.

Ce qui ressort de ce storytelling lamentable, c’est l’incapacité structurelle de l’écologie politique à proposer une quelconque alternative à la situation politique bloquée de la gauche et des mouvements sociaux d’émancipation.

De ce point de vue, l’assemblée générale d’EELV et le congrès qui suivra risquent d’être le chant du cygne de l’écologie politique telle qu’on la connaît depuis la fondation des Verts en 1984… À moins que le sursaut s’impose face à l’effacement progressif de l’écologie politique. Il serait possible si les délégués, qui se retrouveront le 11 juin à Pantin, décidaient de se rassembler pour mettre l’écologie debout, c’est-à-dire de tout faire pour rassembler ceux qui, dans l’écologie, dans la gauche de la gauche et dans le mouvement social, se demandent comment changer la donne, comment représenter les invisibles, cette masse d’hommes et de femmes qui subissent la violence sociale et environnementale de la marchandisation, comme ceux qui expérimentent les pratiques d’une société du bien-vivre. Mais peut-être n’est-ce qu’un rêve tant l’embourgeoisement de l’écologie politique a gagné ses responsables et cadres intermédiaires.

J’ai quitté EELV en 2013, parce que je constatai que les pratiques de l’appareil n’avaient pas changé, que le rêve de Dany — une « coopérative » aux fonctions multiples, pouvant agréger les Verts encartés, ceux qui ne le sont pas, mais aussi des tas de gens qui veulent défendre leurs droits, hors des partis constitués — avait été tué dans l’œuf.

Une alternative qui n’a pas encore de visage ni de corps constitués 

Nous sommes entrés dans une autre histoire, qui exige une refondation générale de l’écologie politique, une alternative qui n’a pas encore de visage ni de corps constitués.

Dans ce nouveau cycle, le parti Vert disparaitra sous sa forme actuelle mais l’écologie politique subsistera. Pour réussir, elle devra réunir trois conditions :

  • Un programme de transition fondé sur la résilience aux chocs climatique et énergétique et la défense des droits fondamentaux ;
  • Un récit de l’écologie sociale, reformulé comme une perspective à la fois crédible et radicale. L’An 01 avait été le film culte des années 1970, fondant un récit adapté à la naissance de l’écologie politique. Le film Demain nous en fournit un deuxième, qu’il convient de compléter par une stratégie mettant en avant la possibilité de sortir du capitalisme, au moyen d’une transition qui concerne aussi la politique, c’est-à-dire le réexamen de notre rapport à la Nation, à la République, à l’Europe , au monde.
  • Une organisation qui ne se renouvelle pas seulement en intégrant plus de jeunes, plus de femmes, mais qui transcende la forme partisane en s’adaptant aux exigences de l’horizontalité, de la coopération, de l’expertise citoyenne. Ce qui veut dire se poser dès maintenant la question d’un rassemblement remettant en cause les frontières idéologiques étanches de la gauche. Nuit debout, comme la radicalisation de nombreux secteurs contre la loi Travail, nous y invite. Il faut oser remettre en question l’autonomie contractuelle, longtemps mantra des Verts. Soit nous estimons que le champ magnétique de l’écologisme fera que nos idées l’emporteront, soit nous considérons que seule la couleur verte est la condition du rassemblement et il ne se fera pas.

Avant ou après 2017, dans la dynamique de la présidentielle ou dans la recomposition inéluctable du jour d’après, les écologistes seront devant leurs responsabilités. L’écologie vassalisée est morte. Vive l’écologie politique !

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