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ChroniqueNoël Mamère

Les inondations ne sont pas une fatalité

Alors que les Alpes-Maritimes ont été touchées par des inondations meurtrières, Noël Mamère rappelle que ces drames climatiques pourraient être prévenus si les pouvoirs publics prenaient vraiment des mesures contre ce qui les provoque, comme le mépris du principe de précaution ou l’urbanisation incontrôlée.

Noël Mamère

Noël Mamère est député écologiste


Vingt morts au moins, des dégâts humains et matériels considérables. Ce qui vient de se passer dans le sud-est de la France, de Cannes à Mandelieu, nous rappelle un vieux film déjà vu cent fois. Les mêmes images de paysages dévastés par les torrents de boue, les témoignages poignants de ceux qui ont tout perdu… 46 morts dans le Vaucluse, dont 36 à Vaison-la-Romaine, en 1992 ; Xynthia , 53 morts en 2010 ; les Cévennes, 24 morts en 1999 ; le Gard, 24 morts en 2002… Les catastrophes se multiplient et les mesures aussi. Sans succès.

Après Xynthia, j’avais demandé et obtenu, avec d’autres, une commission d‘enquête parlementaire pour « notamment faire le point sur le rôle des services de l’État dans l’entretien et le renforcement des digues, sur la responsabilité des différents acteurs pour la délivrance des permis de construire en zones inondables, sur la mise en cause de la responsabilité de l’État et de ses services dans l’application du principe de précaution inscrit dans la Constitution ». Résultat, un bon gros rapport, très documenté, plein de propositions… Qui a fini au paradis des rapports perdus dans les tiroirs de la bureaucratie ! C’est l’éternel recommencement : la mémoire des risques s’éteint rapidement et, chaque fois, les bonnes âmes s’étonnent.

Le gaspillage et la corruption, les deux mamelles du productivisme

Les mêmes qui ont encouragé la logique de déréglementation s’étonnent de la désolation et réclament des mesures à cor et à cri, vite enterrées sous la pression des lobbies. En fait, nous connaissons les causes de ces catastrophes depuis des décennies : l’artificialisation des terres et, avec elle, l’étalement urbain ; la bétonisation du sol, les digues en mauvais état et, surtout, la spéculation immobilière encouragée par la fiscalité. Mais, au cœur de ce cycle sans fin se trouve une raison structurelle : cette urbanisation sans contrôle est liée à une économie d’accompagnement de la voiture et s’appuie sur les deux mamelles du productivisme que sont le gaspillage et la corruption Ces catastrophes ne sont donc pas une fatalité. On peut les anticiper et limiter leur impact si on s’en donne les moyens. Garantir la sécurité n’est pas illusoire si l’on place au centre des politiques publiques le principe de précaution et que l’on organise une politique publique de prévention.

Pour les écologistes, passer d’une simple logique de réparation à une logique de prévention suppose de sortir de la société de démesure et donc du cercle vicieux de l’urbanisation sans contrôle. On n’en prend pas le chemin lorsqu’on apprend, la même semaine que, pour la quatrième année consécutive, le budget du ministère de l’Écologie est en baisse… Dont la ligne « Météorologie et prévention des risques ».

Un véhicule de secours accidenté après le passage de la tempête Xynthia, en 2010.

Malgré tout le respect que j’ai pour Christiane Taubira, nous attendons toujours la création de parquets spécialisés dans la poursuite contre la criminalité environnementale. Les lanceurs d’alerte sont marginalisés durant des années dans leur propre village, rasant les murs parce qu’ils dénoncent les dérives des élus locaux peu soucieux du bien commun et se voient souvent opposer le silence des autorités. Qui les protège vraiment ? Je suggère qu’une police verte de l’environnement ou, tout au moins, un corps d’inspecteurs puisse être saisi préventivement, en fonction du principe de précaution, pour enquêter sur les plaintes concernant ce secteur.

Ce genre de catastrophes se multipliera

L’autre leçon des inondations meurtrières concerne la gestion des zones inondables et le plan d’urbanisation des sols. Il ne relève pas seulement de la corruption de quelques élus mais aussi de l’inconséquence de beaucoup de citoyens qui veulent à tout prix construire dans ces zones fragiles et dangereuses, au mépris de leur vie. Or, si ces dérives individualistes face à la nature ne sont pas combattues, nous connaitrons d’autres catastrophes encore plus graves. Il est urgent d’arrêter le bétonnage systématique des côtes. On ne doit plus faire n’importe quoi sous la pression immobilière des promoteurs et des aigrefins de tout acabit.

Enfin, moins de deux mois avant la COP21, nous assistons à une leçon de choses. À l’avenir, ce genre de catastrophes se multipliera avec le changement climatique. Nous savons qu’il se traduira par plus de cyclones, de tempêtes, de pluies diluviennes que nous n’en avons jamais connus.

Une fois de plus, c’est le système qu’il faut changer, pas le climat. Une fois de plus si nous ne menons pas une lutte globale contre le changement climatique, les conséquences locales seront délétères.

Exiger que la loi nous protège tous

L’environnement n’est pas une variable d’ajustement que l’on utilise à des fins électorales, en proposant des places à quelques aventuriers de la politique, pour masquer sa propre frilosité devant les véritables mesures structurelles à prendre, comme le vote d’une loi sur l’attribution et l’utilisation des sols pour lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. Quand la vie des personnes est en danger, nous sommes dans la non-assistance. C’est bien ce qui s’est passé la semaine dernière, lorsque des milliers des personnes ont été prises au piège des inondations durant leur sommeil.

Refuser la loi de la jungle, c’est exiger que la loi nous protège tous, y compris face aux risques engendrés par les catastrophes naturelles. Personne n’est responsable d’une tempête ou d’une inondation mortelle, mais chacun est responsable de ses conséquences.

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