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Transports

Trains : pourquoi la France n’instaure pas de tarif unique

Les trains et bus en France sont gérés par différentes autorités qui mènent leurs propres politiques de mobilité.

Depuis le 1er mai, en Allemagne, un passe mensuel permet aux usagers de voyager en illimité via les transports en commun pour seulement 49 euros. Une initiative compliquée à instaurer en France.

Un billet unique, au tarif unique. La mesure, mise en place en Allemagne le 1er mai, séduit la France. Outre-Rhin, ce passe mensuel de 49 euros permet aux usagers de parcourir le pays en transports en commun (excepté les trains à grande vitesse) sans limites. L’initiative a déjà rencontré un vif succès : 750 000 tickets ont été vendus, et les transports allemands estiment qu’il pourrait y avoir près de 16 millions d’abonnés. Par cette démarche, Berlin souhaite inciter les Allemands à favoriser le train au détriment de la voiture, et ainsi réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Mais en France, cela resterait « très compliqué à mettre en place », prévient Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut). L’originalité du système allemand est d’unifier deux choses : à la fois le tarif et le support des billets. Si faire un support unique n’est pas insurmontable, la question des tarifs est beaucoup plus épineuse. Première difficulté : les transports sont gérés par des centaines d’autorités organisatrices de la mobilité (AOM) régionales, locales et d’Outre-mer. Depuis 2014, et l’instauration de la liberté tarifaire, celles-ci mènent leurs propres politiques de mobilité. Instaurer un tarif national, comme en Allemagne, nécessiterait donc de convaincre et d’harmoniser les pratiques de « tout le monde », avance Bruno Gazeau.

En Bretagne, cela fait vingt ans que la Région a mis en place la carte Korrigo. Ce support, utilisé par un Breton sur quatre, permet de se déplacer via onze réseaux de transport (TER et bus locaux) sans changer de ticket. Mais la région est encore loin d’un tarif unique. « Avant d’y arriver, un énorme chemin doit être parcouru », dit Michaël Quernez, premier vice-président de la Région Bretagne en charge du climat et des mobilités. Les négociations sont en cours pour une grille tarifaire unique bretonne.

En Bretagne, comme ici à Rennes, une offre permet déjà de se déplacer via onze réseaux de transport sans changer de ticket. Wikimedia Commons/CC0 1.0/William Brest

Vers un billet unique national ?

En plus de ces contraintes, le passe allemand ne serait pas soutenable pour le réseau ferré français, sous-investi et dont l’état s’est fortement dégradé ces dernières années. En Allemagne, où le réseau est aussi mal en point, l’explosion du nombre de voyageurs a engendré encore plus de problèmes : retards, suppression de correspondances, soucis techniques à répétition... Enfin, pointent les experts joints par Reporterre, si l’État souhaitait suivre le modèle allemand, il lui faudrait investir beaucoup d’argent. D’ici 2025, le gouvernement allemand devrait débourser environ 15 milliards d’euros pour assumer les coûts d’exploitation et la compensation des compagnies ferroviaires, selon Michaël Quernez.

Ainsi, le gouvernement français mise plutôt sur l’instauration d’un support unique, copié sur les Suisses et Néerlandais, et prévu pour fin 2023. Présenté le 8 février lors du forum de l’Agence de l’innovation pour les transports, celui-ci sera une manière de réduire « les gaz à effet de serre dans le secteur des transports » et de faciliter « le quotidien de tous les Français », a annoncé le ministre des Transports. De fait, le transport est le principal émetteur de gaz à effet de serre avec 30 % des émissions nationales, et produit toujours plus de CO2 chaque année.

Un « bon premier pas » pour Valentin Desfontaines, responsable mobilités durables au Réseau Action Climat, favorable au projet. Mais son organisation appelle le gouvernement à aller plus loin et milite pour l’instauration d’un ticket climat régional, sur le modèle autrichien, qui combinerait support unique et tarif unique. Les Régions ont toutes les compétences « pour aller plus vite et répondre à l’urgence de la transition écologique », estime-t-il. Mais c’est une responsabilité qu’elles ne sont pas prêtes à prendre en charge, objecte Michaël Quernez. Pour cela, il faudrait d’abord engager « une refondation majeure des investissements des AOM. Cela fait des années qu’on le répète », s’agace-t-il. Entendre : que l’État accorde plus de ressources aux Régions afin d’engager un vrai projet de décarbonation des transports.

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