« Un autre monde est possible » : la démonstration de force de Mélenchon

Place de la République à Paris, le 20 mars 2022. - © Mathieu Génon / Reporterre
Place de la République à Paris, le 20 mars 2022. - © Mathieu Génon / Reporterre
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Présidentielle PolitiqueJean-Luc Mélenchon a organisé dimanche 20 mars une marche « pour une VIᵉ République », suivie d’un meeting géant. Des dizaines de milliers de personnes y ont participé, exprimant leur envie de sortir d’un « système verrouillé » et de replacer les Français au cœur des décisions.
Paris (Île-de-France), reportage
« Une personne qui décide pour 67 millions d’autres, ça ne peut plus durer ! » L’ambiance était au changement, dimanche 20 mars. Plus de 100 000 personnes — selon les organisateurs — ont répondu à l’appel de Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), en marchant dans les rues de Paris « pour une VIᵉ République ».
C’est un aspect central du programme du candidat insoumis à l’élection présidentielle. S’il est élu le 24 avril, Jean-Luc Mélenchon veut organiser un référendum sur la modification de la Constitution actuelle — elle date de 1958 — et mettre en place une Assemblée constituante, qui serait chargée de rédiger un nouveau texte, plus moderne.

Un projet qui séduit. Sous le soleil du mois de mars, plusieurs pancartes siglées « Changer de République pour un vrai système démocratique » s’élevaient au-dessus de la foule de manifestants. « Le système actuel ne convient plus ! » lançait Lisa, étudiante en anglais de 19 ans, en milieu de cortège. « On est dans un régime conçu de telle façon qu’il produit de l’autocratie », estimait aussi Michel, 34 ans. Ce travailleur social, venu dans la capitale depuis Béziers (Hérault), comptait sur ses doigts les « dénis de démocratie » de ces dernières années : « L’inscription de l’état d’urgence dans la loi générale, la gouvernance par ordonnances, la répression des manifestations… »
Quelques mètres plus loin, Annabelle, 37 ans, faisait les mêmes calculs. « L’utilisation du 49.3 [article de la Constitution qui permet l’adoption d’une loi sans la faire voter], les conseils de défense sanitaire où tout se décide à huis clos… Les institutions verrouillent tout. Peu importe le président, on a toujours une république monarchique », déplorait cette professeure de français. D’où la nécessité, selon les manifestants, de ne pas seulement changer de chef de l’État, mais aussi de changer de Constitution. Et surtout, de manière de gouverner.
Consulter le peuple
« Les députés et les sénateurs n’ont plus voix au chapitre aujourd’hui. Ils ne peuvent que modifier à la marge puis entériner des décisions du président ou du Premier ministre », affirmait Jean-Yves, retraité de 60 ans venu « du fin fond de l’Indre-et-Loire » pour l’occasion. S’appuyant sur sa canne, il expliquait avec vigueur son « besoin » de voir un système « où les gens auraient le droit d’exister, d’exprimer des choses, d’influer sur les politiques ».
Parmi les leviers promus et promis par Jean-Luc Mélenchon, on retrouve le référendum d’initiative citoyenne, le fameux RIC revendiqué par les Gilets jaunes depuis 2018. Le dispositif devrait permettre aux citoyens, s’ils réunissaient un certain nombre de signatures fixé par la loi, de modifier la loi par référendum, sans accord du Parlement ou du président de la République. « C’est très important qu’on puisse consulter le peuple », insiste Gérard, 65 ans, venu d’Essonne avec son épouse Michèle et sa petite-fille Nina.

« Ce que je préfère par-dessus tout, c’est le référendum de révocation des élus », ajoute dans un grand sourire Marc, retraité de 70 ans vivant à Tours (Indre-et-Loire). L’idée serait de décider collectivement si un élu peut garder son mandat, en cas de promesses non tenues par exemple. « Les gens doivent être élus pour un mandat précis, révocable à tout moment », appuyait Manu, professeure d’EPS de 52 ans.
« Une nouvelle règle du jeu »
La marche s’est achevée sur la place de la République, pleine à craquer. Là, le dispositif audiovisuel était impressionnant : sept caméras, cinq écrans géants. Les militants serrés les uns contre les autres se hissaient sur la pointe des pieds pour tenter d’apercevoir Jean-Luc Mélenchon sur la scène.
Pendant 45 minutes, le candidat a égrainé les mesures fortes de son programme : le Smic à 1 400 euros net par mois, le blocage des prix de l’essence, la retraite à 60 ans… Et, justement, cette fameuse VIᵉ République. « Ce sera le travail d’une Assemblée constituante et pas d’un petit comité d’experts qui viendrait vous demander si oui ou non vous êtes d’accord avec leurs trouvailles », a-t-il promis, sous les cris et les applaudissements de la foule. « La Constitution c’est l’occasion pour le peuple français de se refonder lui-même », a-t-il poursuivi, comparant le texte à une « nouvelle règle du jeu ».

« Oui, un autre monde est possible, a-t-il conclu. Un monde bâti de nos mains, ayant pour but l’harmonie des êtres humains entre eux avec la nature, un monde où le vivant ne sera plus considéré comme des produits de consommation ou des marchandises. »
La démonstration de force de Jean-Luc Mélenchon était indéniable : depuis le début de la campagne, aucun autre meeting d’aucun autre candidat n’a rassemblé autant de personnes. Mais la route jusqu’au second tour est encore longue. D’après l’institut d’études d’opinion Ifop, le candidat de la France insoumise obtiendrait 13,5 % des voix au premier tour, devançant Valérie Pécresse (Les Républicains) et Eric Zemmour (Reconquête). En revanche, il n’est pas encore au niveau de Marine Le Pen (Rassemblement national), créditée de 17,5 % des votes, et du président sortant Emmanuel Macron (29 %). Ça va venir, garantissaient les militants ce dimanche. Comme Lisa, qui croisait les doigts : « Quand je vois le monde qui s’est déplacé aujourd’hui, j’y crois. »
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