Le mal élu

Emmanuel Macron à Paris après l'annonce de sa victoire, le 24 avril 2022. - © Ludovic Marin / AFP
Emmanuel Macron à Paris après l'annonce de sa victoire, le 24 avril 2022. - © Ludovic Marin / AFP
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Emmanuel Macron est encore président. Grâce au rejet de Marine Le Pen plus qu’à une quelconque adhésion à son « projet ». Ce dernier va néanmoins se poursuivre, au détriment de l’écologie, dans une spirale désastreuse que seules les forces de gauche et des luttes seront capables d’enrayer.
Il peut être content, le scénario s’est déroulé comme prévu. Après avoir en permanence mis en scène les thèmes de l’extrême droite — stigmatisation du « wokisme », évocation de Pétain et Maurras, téléphone à M. Zemmour, couverture totale des violences policières, lois faisant reculer les libertés publiques, reproche à Mme Le Pen d’être « trop molle » —, M. Macron s’est logiquement retrouvé face à l’adversaire qu’il avait choisie. Il a été facile alors de brandir la menace d’extrême droite, et d’emporter le morceau.
M. Macron est donc président de la République. Il est mal élu — l’extrême droite est au plus haut historique avec 42 % —, il est élu par le renfort des écologistes et d’une large partie de la gauche, il est élu sans un gramme d’adhésion à son « projet », mais il est élu. Le paradoxe, et c’est le cynisme de sa victoire, est qu’on ne peut qu’être soulagé de ce résultat. Même si ses chances paraissaient faibles, la perspective d’une Mme Le Pen à l’Élysée était cauchemardesque.
Mais il n’y a rien à attendre de M. Macron. Il déroulera son « projet » qu’il a évoqué dimanche soir 24 avril, dans un discours plat devant une foule maigrelette, promettant « la libération de nos forces académiques, culturelles et entrepreneuriales ». Entendez que le programme néolibéral et technophile va se poursuivre sans barguigner. Quant à l’écologie, il avait annoncé la couleur vendredi à Figeac : « On ne peut pas réussir l’écologie en produisant moins. » C’est pourtant le cœur du problème : il nous faut réduire la consommation matérielle et énergétique et donc, oui, consommer moins et produire moins.
Il y a d’autant moins à attendre sur l’écologie que, pendant la campagne finale et les discours, les affaires continuaient comme avant : ainsi que l’a révélé Reporterre, pendant l’entre-deux-tours, une ordonnance est venue imposer un Code minier exonérant les exploitants des dommages qu’ils causeraient ; depuis peu, le ministère de l’Agriculture tente de permettre aux agro-industriels de s’approprier l’appellation de fromage fermier ; quant à la politique de l’État, elle va toujours au soutien à l’agriculture intensive plutôt qu’à la sobriété et à la gestion raisonnable. Quant aux amis et soutiens de M. Macron, les patrons des entreprises du CAC40, on a appris en avril qu’ils avaient empoché des sommes records en 2021.
Rien ne viendra d’en haut. Et il n’y a que deux manières d’enrayer le projet technocapitaliste en France :
- Empêcher que M. Macron ait une majorité parlementaire à sa main en juin ;
- Poursuivre avec ténacité les centaines de luttes qui s’opposent à la destruction du monde et à la montée des inégalités.
Pour le premier point, crucial, on peut penser que les forces écologistes et de gauche, Union populaire, EELV, PC, et autres auront enfin l’intelligence de répondre à l’attente générale : s’allier, et œuvrer de concert pour imposer un nouveau rapport de force en juin.
Quant aux luttes, elles continuent comme jamais sur le front écologiste, et Reporterre vous les racontera dès demain.
Nous n’avons plus le temps de perdre. Il est mal élu. Nous sommes bien vivants.