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ÉditoPrésidentielle

Recoudre la gauche et repartir de l’avant

Dimanche 10 avril, à Paris.

L’enjeu essentiel devient les législatives. La gauche et les écologistes doivent s’allier pour former un bloc capable d’empêcher la ou le futur président d’appliquer ses projets anti-écologiques.

Le 10 avril est une date sombre dans l’histoire de ce pays. Ses citoyens ont choisi d’opposer un technocapitaliste autoritaire et une préfasciste néolibérale. Quant au représentant de l’écologie et de la justice, il reste aux portes du débat final. La bourgeoisie vieillissante de ce pays se fiche de l’avenir, du climat, de la justice : elle ne pense qu’à son confort et à ses rentes, alors que les jeunes ont voté le plus pour La France insoumise [1] (LFI).

Sortons de France. Ce résultat désastreux est un symptôme de la déréliction d’un monde qui ne veut pas changer. Après les incendies et inondations catastrophiques aux quatre coins du monde, après une pandémie, après le retour de la guerre en Europe, la montée des politiciens autoritaires se poursuit : quelques jours avant le sinistre résultat français, la Hongrie et la Serbie reconduisaient leurs présidents « illibéraux » [2]. Tout se passe comme si la course à l’abîme était inarrêtable. Mais rien ne serait plus néfaste que de s’abandonner au fatalisme. Loin des radars européens, le mouvement de fond en Amérique latine, avec la victoire d’une jeune gauche au Chili, et les signaux encourageants en Colombie et au Brésil attestent que l’aube d’une nouvelle politique commence à se lever. Et la résistance héroïque du peuple ukrainien montre que la force n’a pas toujours le dernier mot.

Revenons ici. Et voyons les signes positifs du 10 avril. Même si elle a échoué, la gauche a reconstitué un bloc solide, appuyé sur un programme, des militants, de l’enthousiasme, et le goût de la victoire à portée de main : c’est La France insoumise, dont le succès vient de ce qu’elle a articulé les préoccupations écologique et de justice. Elle a débarrassé du jeu un Parti socialiste honni, dont les trahisons multiples ont conduit la droite macronienne au pouvoir. Reste Europe Écologie-Les Verts (EELV) : son affligeant résultat exprime son incapacité à assumer la radicalité que porte l’alerte écologique. Quant au Parti communiste, nucléariste et soutenu par la presse de droite, il porte la lourde responsabilité, en ayant refusé l’alliance logique avec La France insoumise, d’avoir sans doute privé la France d’un vrai duel droite-gauche.

S’unir pour les législatives... et pour les luttes

Tout ceci peut être porteur de renouveau si les principaux acteurs du jeu ont l’intelligence de coopérer, voire de s’allier. De mettre en avant leurs convergences, et de dialoguer posément sur leurs désaccords. Les élections législatives des 12 et 19 juin permettront d’enrayer la mécanique fatale que le duo Macron-Le Pen rêve d’enclencher, chacun à sa manière. L’entreprise de démolition du pays menée par M. Macron pendant cinq ans a été possible parce qu’il disposait d’une majorité absolue de députés.

À partir des positions fortes de La France insoumise, la gauche écologiste, ou l’écologie de gauche, peut constituer un bloc parlementaire suffisamment important pour empêcher, avec les autres oppositions, au ou à la président.e de gouverner à sa guise. Cela suppose que LFI sache ne pas abuser de sa puissance : rappelons-lui qu’elle a quand même échoué à accéder au deuxième tour. Pour renverser la table, il faut savoir être bienveillant avec ceux qui peuvent vous aider. Et cela suppose d’EELV de tirer rapidement la leçon du 10 avril, en sachant tendre la main et apporter ses forces, qui ne sont pas négligeables, à l’effort commun.

Des voix de gauche volées par les médias des riches

Une telle alliance ne saurait se limiter à l’accord électoral. Car tout aussi important sera de poursuivre les luttes têtues, tenaces, locales, sur tous les fronts qu’attaquent les dominants, qu’il s’agisse de la myriade de bétonisations, des projets antisociaux, ou des atteintes aux libertés publiques que prévoient M. Macron et Mme Le Pen. Elles sont d’ailleurs souvent menées par des gens qui ne se reconnaissent pas dans les partis, ni même dans un jeu électoral si manifestement biaisé.

Car les 400 000 voix qui ont manqué à M. Mélenchon pour pouvoir se confronter à M. Macron ont été volées par le jeu médiatique. Il faut rappeler encore et encore que la majorité des médias touchant le plus grand public appartiennent à des puissances financières. Ils ont promu et soutenu les thèmes de la droite et de l’extrême droite, par leurs incessantes campagnes à propos de l’islam, de l’insécurité, de wokisme, et d’autres rideaux de fumée destinés à éviter de parler de climat, d’écologie, d’inégalités, et d’alternatives économiques.

C’est pourquoi les médias indépendants restent essentiels pour faire vivre les luttes en les racontant, pour aider au dialogue des forces écologistes et de gauche, pour animer l’esprit et la lettre des libertés publiques. À sa modeste place, c’est la tâche que Reporterre se fixe. Sans jamais désespérer. Car le jour vient.

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