Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

ReportageEau et rivières

« Un poisson, ça ne crie pas » : dans les rivières asséchées, des bénévoles à la rescousse

Ces bénévoles organisent une pêche de sauvetage dans le lit asséché de la Véore, le 25 août 2023. En vingt minutes, ils ont sauvé vingt truites farios.

L’assèchement des rivières met à mal les poissons. Dans la Drôme, des bénévoles les pêchent pour les sauver de la mort, puis les relâchent ailleurs.

Beaumont-lès-Valence (Drôme), reportage

C’est leur quatrième pêche de sauvetage en à peine deux mois. L’été, les bénévoles de l’Association des pêcheurs de la plaine de la Valence (APPV) scrutent les cours d’eau afin de sauver les poissons en cas d’assec. Le 25 août, ils étaient quatre bénévoles à progresser dans le lit asséché de la Véore à Beaumont-lès-Valence (Drôme). Un générateur sur le dos, Patrick Dard, garde-pêche, plonge une anode dans un trou d’eau. Le champ électrique généré par l’équipement induit une marche forcée du poisson vers l’appareil. Avec une épuisette, les trois autres bénévoles capturent les truites. Au plus profond, l’eau ne leur arrive qu’au-dessus du genou.

En seulement vingt minutes, dans ce petit trou d’eau de la rivière asséchée, Patrick et les autres bénévoles attrapent une vingtaine de salmonidés. S’ils étaient arrivés quelques heures plus tard, ils les auraient trouvés sans vie. Lorsqu’il y a rupture d’écoulement dans une rivière, la température de l’eau augmente et l’oxygène vient à manquer en quelques heures. « Si nos bénévoles n’étaient pas là, il n’y aurait plus de poissons dans la rivière, dit Anthony Cuoq, président de l’association, venu accompagner son équipe. Un poisson, ça ne crie pas. Les gens sont trop indifférents à l’état de nos cours d’eau. » Les bénévoles relâcheront ces poissons dans d’autres rivières ayant un meilleur débit.

La température des rivières a augmenté de 0,9 °C entre 2009 et 2022

Le 28 août, 45 départements étaient en état de crise sur au moins un de leurs bassins versants et 21 autres en niveau d’alerte renforcée. L’assèchement des cours d’eau entraîne l’augmentation du réchauffement de ces derniers. Selon une étude d’Akwaricoop menée sur cinquante-huit stations de mesure, la température des rivières a augmenté de 0,9 °C entre 2009 et 2022.

Les conséquences de cette augmentation sur la faune piscicole sont multiples, selon Yann Laroye, chargé d’études et de formation à l’Office international de l’eau. En premier lieu, les fortes températures entraînent un manque d’oxygène et menacent directement la survie de la faune piscicole : « Chaque espèce de poisson a une température avec laquelle elle peut vivre correctement. Si la température augmente, le poisson subit un stress thermique et peut, par exemple, arrêter de s’alimenter. Au-delà d’une certaine température, on atteint le seuil létal. » Les populations de salmonidés sont les plus sensibles à l’augmentation de la température et au manque d’oxygène.

Le réchauffement de nos cours d’eau entraîne un manque d’oxygène, menaçant directement la survie des poissons. © Anouk Anglade / Reporterre

Le réchauffement de nos cours d’eau rompt également l’équilibre au sein des écosystèmes. Il est notamment à l’origine de la prolifération de végétation et de cyanobactéries. Les milieux aquatiques deviennent alors saturés et l’oxygène vient encore plus à manquer. Avec la prolifération d’algues, une barrière peut se créer à la surface de l’eau empêchant le soleil de la traverser. Une situation dramatique pour les poissons qui, comme la plupart des animaux, ont besoin de lumière pour rester en bonne santé. Enfin, la pollution menace encore plus les rivières lorsque l’eau manque. « C’est ce que l’on appelle la baisse de la dilution : moins on a d’eau, plus on concentre les sources de pollution », explique Yann Laroye.

Premières victimes, les espèces de poissons indigènes voient leur population décliner, parfois au profit d’autres espèces non indigènes ou exotiques. Afin de limiter les conséquences de la sécheresse sur la faune piscicole, l’Office international de l’eau s’est donné pour mission de développer des compétences pour mieux gérer l’eau en France. Selon Yann Laroye, des actions peuvent être mises en place par les collectivités pour limiter l’impact de la sécheresse des cours d’eau : par exemple le réaménagement des étangs qui participent directement au réchauffement des rivières, l’encadrement des cultures trop gourmandes en eau ou encore la protection et la réhabilitation des zones humides.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela. Allez-vous nous soutenir cette année ?

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre n’a pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info

Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.

S’abonner
Fermer Précedent Suivant

legende