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TribuneClimat

Urgence climatique : sans la mobilisation citoyenne, rien ne se fera

Le dérèglement climatique demeure la première des urgences pour la planète. Alors que les Nations unies vont en discuter mercredi 21 septembre, les Etats n’agissent pas suffisamment pour éviter le réchauffement, explique l’auteur de cette tribune. Pour avancer, des actions de désobéissance civile non violentes et déterminées sont indispensables.

Jon Palais est un militant Bizi, ANV-COP21 (Action non-violente COP 21) et Alternatiba.


Nous sommes en état d’urgence climatique : le dérèglement du climat est toujours en cours, et il continue de s’aggraver, de plus en plus rapidement. Alors que les alternatives existent, les moyens pour relever ce défi central pour l’humanité ne sont toujours pas mis en œuvre. Les citoyens doivent s’engager davantage pour débloquer cette situation, notamment par des actions de désobéissance civile non-violentes et déterminées. Et cette rentrée nous offre de nombreuses occasions de nous mobiliser !

La Chine et les États-Unis ont annoncé leur ratification de l’Accord de Paris début septembre, et en ont fait une annonce commune particulièrement médiatisée. Cet Accord est à nouveau présenté comme une solution au dérèglement climatique, susceptible de rassurer les populations, au moment où l’alerte devrait être lancée. Il faut rappeler que même si la limitation du réchauffement à 1,5 °C ou 2 °C maximum permettrait de ne pas franchir les seuils d’impact majeur du dérèglement climatique, il s’agira déjà d’une déstabilisation extrêmement grave des équilibres planétaires, qui renforcera la tragédie qui est déjà en cours pour des millions de personnes dans le monde, particulièrement dans les pays du Sud.

Il faut aussi rappeler que cet Accord ne doit s’appliquer qu’en 2020, alors que nous devrions déjà réduire de manière drastique nos émissions de gaz à effet de serre, et que les engagements volontaires des États nous précipitent actuellement vers un réchauffement de plus de 3 °C. Il faut enfin rappeler que cet Accord de Paris ne contient pas de moyens qui nous garantissent d’atteindre cet objectif de 1,5 ou 2 °C, notamment parce qu’il ne met pas en place de mesures contraignantes. C’est la raison pour laquelle Laurence Tubiana elle-même, l’ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique à la COP21, disait de l’Accord de Paris qu’il devait être une prophétie autoréalisatrice [1]. Mais la prophétie s’autoréalise-t-elle vraiment ?

Les objectifs de l’Accord de Paris ne seront pas atteints sans l’intervention des citoyens

En France, nous avons commencé l’année 2016 par des manifestations contre l’exploitation des gaz de schiste et contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, deux symboles emblématiques de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et de la fuite en avant technologique dans laquelle les décideurs politiques et économiques nous entraînent encore. Quelques semaines plus tard, les plus grandes entreprises pétrolières du monde se réunissaient à Pau pour le MCEDD, le sommet du pétrole offshore, afin de discuter des moyens de forer toujours plus loin et toujours plus profondément les énergies fossiles, preuve que les plus grands industriels qui sont au cœur de la machine à dérégler le climat n’avaient tiré aucune leçon de la COP21, et qu’ils continuaient comme si de rien n’était… à l’exception que cette fois-ci, ce sommet du pétrole offshore a été perturbé trois jours durant par des actions non-violentes et déterminées menées par des centaines d’activistes [2]. Quelques semaines plus tard, c’était la salle de trading de la BNP qui était occupée toute une journée par des militants climat venus dénoncer la poursuite du soutien de la banque au secteur du charbon [3].

Les Jeunes Amis de la Terre sont allés en vacances dans une agence du Crédit agricole pour dénoncer le soutien de la banque à un projet de centrale à charbon en Croatie, en septembre 2015.

C’est de là que vient l’espoir. Les objectifs de l’Accord de Paris ne se seront pas atteints sans l’intervention des citoyens. Nous ne devons surtout pas nous contenter d’attendre passivement que cet Accord de Paris soit ratifié par tous les pays du monde en espérant que ça résolve le problème climatique. C’est dès maintenant qu’il faut appliquer les changements de nos modes de production et de consommation nous permettant de rester sous la barre des 1,5 °C. Il nous faut intervenir partout où des projets entrent en contradiction avec cet objectif. Et les occasions de se mobiliser contre des projets climaticides, malheureusement, ne manquent pas. Dimanche 18 septembre, une « fête des opposants à l’A45 » était organisée contre le projet d’autoroute A45, signé en contradiction complète avec les objectifs de l’Accord de Paris. Une mobilisation contre l’énergie nucléaire est prévue le 1er octobre à Flamanville. C’est aussi une mobilisation climatique, car l’énergie nucléaire bloque une transition énergétique véritablement ambitieuse. Le 8 octobre, c’est à Notre-Dame-des-Landes qu’un rassemblement est prévu, contre l’aéroport et son monde. C’est encore une mobilisation climatique.

La rentrée de Nuit debout, la reprise de l’opposition à la loi travail, les mobilisations contre les traités de libre-échange transatlantiques Tafta et Ceta, sont également inextricablement liées à la bataille climatique, en ce sens que tous les enjeux de paix, de démocratie, d’équité, de justice sociale, de liberté, sont conditionnés par le type de climat dans lequel nous vivons. Ce n’est pas la même affaire de lutter pour ses droits dans un monde à + 0,85 °C, comme celui que nous connaissons aujourd’hui, ou dans un monde à + 1,5, + 2, ou + 3 °C.

Mobiliser nos intelligences, notre créativité, nos capacités d’organisation collective… et des moyens financiers 

Les alternatives ne sont pas en reste en cette rentrée, notamment avec la Journée de la transition citoyenne, prévue le 24 septembre, ou l’Odyssée des alternatives, un périple international en voilier qui fera escale en France, à La Seyne-sur-Mer, le 21 octobre, avant de rejoindre Marrakech, où se tiendra la COP22. De nouvelles occasions de faire connaître toutes les alternatives qui existent pour relever le défi climatique, des alternatives qui sont déjà à notre portée, et que nous devons faire passer à grande échelle.

Fauchage de chaises dans une agence HSBC, automne 2015.

Nous avons besoin d’un engagement immense pour relever ce défi, de mobiliser nos intelligences, notre créativité, nos capacités d’organisation collective… et des moyens financiers ! Le sujet du financement de la transition sociale et écologique va être de nouveau d’actualité notamment par la tenue du procès de l’évasion fiscale qui sera organisé le 9 janvier à Dax.

Ce jour-là, je comparaîtrai devant le tribunal de grande instance pour « vol en réunion »… suite à une action non-violente de réquisition citoyenne de chaises qui a été menée dans une agence de la BNP, pour dénoncer le rôle des banques dans l’industrie de l’évasion fiscale [4]. Ce fléau accroît les inégalités en même temps qu’il assèche les finances publiques au moment même où nous avons besoin de nous rassembler largement pour empêcher la destruction des conditions de vie civilisée sur Terre. Au moment même où il nous faut investir massivement dans la transition sociale et écologique et la reconversion industrielle, 20.000 à 30.000 milliards de dollars sont cachés dans les paradis fiscaux. Alors que les grandes fortunes et les grandes entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale continuent d’échapper à la justice, ce sont les lanceurs d’alerte et les activistes non-violents qui se retrouvent devant les tribunaux ! Voilà pourquoi, en parallèle de mon procès, les Faucheurs de chaises organiseront le vrai procès dont nous avons besoin : celui de l’évasion fiscale [5] !

Un peu moins d’un an après la COP21, alors que nous sommes toujours en état d’urgence climatique, nous devons poursuivre notre engagement citoyen pour créer la différence, pour créer l’impulsion d’un changement qui soit à la hauteur de l’enjeu. Pour défendre les lignes rouges du chaos climatique, partout où elles risquent d’être franchies. En agissant de manière non-violente et déterminée, nous pouvons faire changer les rapports de force, comme les rapports de consciences.

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