42 °C à Séville : les Espagnols suffoquent déjà sous la canicule

Thermomètre indiquant 40 °C devant la tour de La Giralda, à Séville, lors d'une canicule précédente. - © Alban Elkaïm / Reporterre
Thermomètre indiquant 40 °C devant la tour de La Giralda, à Séville, lors d'une canicule précédente. - © Alban Elkaïm / Reporterre
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Climat MondeDepuis samedi, les Espagnols suffoquent sous l’une des canicules les plus prématurées de leur histoire. Une anomalie climatique supplémentaire dans ce pays où des étés de plus en plus intenses arrivent de plus en plus tôt.
Séville (Espagne), correspondance
« Tu pars déjà ? » Yaiza acquiesce dans un soupir. Elle secoue son t-shirt en guise d’explication. Les ventilateurs de plafond battent l’air et font tomber un souffle chaud sur les usagers du T11, un ancien hangar industriel en brique reconverti en espace de coworking, à Séville, dans le sud de l’Espagne. Depuis samedi, la première canicule de l’année a fait grimper le mercure au-dessus des 40 °C dans une bonne partie du pays. 42,1 °C à Séville, ce lundi. C’est l’une des plus intenses jamais enregistrées à cette période de l’année. Et l’une des premières à arriver si tôt en juin. L’épisode devrait durer au moins jusqu’à jeudi, faisant suffoquer la ville plus tôt qu’à l’accoutumée.
« C’est insupportable ici. Mais tu ne t’en rends pas compte avant de te sentir mal », prévient Andrea en quittant l’espace de coworking à son tour. Trop grand, mal isolé, exposé au soleil, le local n’est pas équipé d’air conditionné. Il reste à peine cinq personnes avant 15 h, ce lundi. « C’est horrible », s’exclament d’une même voix Paula, Bea et Miriam. « La chaleur empêche de réfléchir normalement, tu ne peux pas te concentrer. Tout ce qu’on fait devient lent », poursuit Miriam.

Depuis quelques semaines déjà, le T11 se vide de ses occupants en début d’après-midi. Depuis que les fortes chaleurs ont commencé. En mai. Mais la première canicule de 2022 a officiellement démarré ce week-end. Les fortes chaleurs doivent durer au moins trois jours consécutifs et affecter une portion assez large du territoire pour se voir décerner le titre par l’Agence de l’État de météorologie (Aemet) en Espagne.
« Une grande stabilité atmosphérique fait que le soleil brille avec intensité. Cela fait beaucoup chauffer la superficie et l’air chaud reste concentré dans les couches basses de l’atmosphère. Dans le même temps, une zone de basse pression située dans l’archipel des Açores favorise l’arrivée d’une masse d’air très chaude venue du nord de l’Afrique », explique Rubén Campos, porte-parole de l’Aemet. Vendredi, déjà, les thermomètres avaient dépassé les 40 °C dans une bonne partie de l’Espagne. Ils sont montés à plus de 43 °C, ce dimanche. Des pics dépassant les 40 degrés sont encore attendus au moins jusqu’à dimanche prochain.
Quand l’été grignote le printemps
« [Les données consolidées] nous diront si cette canicule a démarré le 11 ou le 12 juin. Jusqu’à aujourd’hui, celle qui était arrivée le plus tôt dans l’histoire a été enregistrée le 11 juin 1981, suivie de celle de 2017, le 13 juin. Il s’agit donc probablement de l’une de celles qui sont arrivées le plus tôt. De plus, ce sera certainement l’une des plus intenses dans la première partie de ce mois depuis 20 ans », poursuit le météorologue. Record après record, les spécialistes le répètent inlassablement : l’été grignote inexorablement le printemps en Espagne.
Dans le centre de Séville, les rues sont inhabituellement vides, ce lundi. Il est un peu plus de 17 h 30 et le compteur de l’Aemet affiche plus de 42 °C. « C’est toujours comme ça quand l’été arrive », explique Carlos Calzada derrière le comptoir de son épicerie fine. « Les gens ressortent quand le soleil se calme. Forcément, ça influe sur le commerce. » Il a d’ailleurs un horaire spécifique en été : à partir du 15 juin, Carlos ne rouvrira pas avant 18 heures après la pause-déjeuner. « On s’alarme beaucoup du fait que la chaleur soit venue trop tôt cette année. Mais je me souviens de mois de juin aussi insupportables quand je suis arrivé à Séville », relativise ce Madrilène venu s’installer il y a plus de 20 ans.
Même les hivers deviennent trop chauds
« Ces dix derniers mois, nous avons connu quatre épisodes de chaleurs totalement anormaux », rappelle cependant Rubén Campos. La canicule de la mi-août avait battu de nouveaux records en 2021. 47,4 °C enregistrés dans la province de Cordoue, près de Séville. « Puis il y a eu la fin de l’année 2021 et le début de l’année 2022, extrêmement chaud pour un hiver. » Des valeurs dignes d’un mois de juillet ont été atteintes en Galice, au nord-ouest de l’Espagne. Il y a encore quelques semaines, un premier épisode de chaleur jamais vu en mai avait fait monter les thermomètres à plus de 40 °C dans le sud.

Les rues de Séville reprennent vie peu à peu après 18 heures. Le centre-ville a déployé tout son arsenal de lutte contre les excès précoces de cet été. Brumisateurs aux terrasses, toiles de tissu tendues au-dessus des rues pour empêcher le soleil de s’y engouffrer… Des touristes déambulent entre les monuments, l’air parfois étourdi. « Je ne comprends pas comment les gens peuvent admirer les édifices avec cette chaleur », dit Joan, Irlandaise à la soixantaine bien entamée, venue visiter la ville avec son mari, Ralph, assommé par la chaleur.
Et la situation devrait aller de mal en pis à l’avenir. « La température moyenne a déjà augmenté de 1,7 °C en Espagne depuis la seconde moitié du XIXᵉ siècle, 1,6 degré depuis les années 1960. D’ici 30 à 40 ans, la température moyenne des étés pourrait encore monter de 2 degrés ou plus », prévient Rubén Campos.