À Cannes, des activistes s’en prennent aux yachts des ultrariches

Les quarante-et-un bateaux de luxe amarrés au port Canto pendant le Festival de Cannes consomment 32 000 litres de diesel par heure. - Twitter/Attac France
Les quarante-et-un bateaux de luxe amarrés au port Canto pendant le Festival de Cannes consomment 32 000 litres de diesel par heure. - Twitter/Attac France
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Luttes TransportsLes yachts étaient au cœur d’une action de militants d’Attac le 20 mai, à Cannes. Ils dénoncent le mode de vie des ultrariches, « déconnecté des enjeux du dérèglement climatique ».
Cannes (Alpes-Maritimes), reportage
Le Montkaj est le seul bateau du port Canto, à la pointe de la Croisette de Cannes, à s’amarrer parallèlement au quai. Il est trop grand pour se ranger perpendiculairement, comme tous les autres navires. Quinze activistes d’Attac ont déployé, dans l’après-midi du 20 mai, une banderole devant ce méga-yacht : « Ne laissons pas les ultrariches détruire la planète. » Un « coup de projecteur » pendant le Festival international du film, pour « dénoncer le mode de vie des ultrariches, irresponsable et totalement déconnecté des enjeux du dérèglement climatique », selon l’association.
Attac a choisi le plus imposant yacht du port : 78 mètres de long. Propriété d’un prince saoudien, le paquebot consomme 800 litres de diesel par heure de navigation. « Pendant dix jours, des stars mondialement connues et adulées donnent à voir un spectacle indécent alors que la planète brûle, dit Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac jusqu’en 2022. Ça nous semble sidérant d’avoir comme modèle de réussite quelqu’un qui boit un cocktail sur un yacht. C’est de l’ordre du culturel. » En parallèle, samedi matin, des militants d’Extinction Rebellion ont bloqué les jets privés sur le tarmac de l’aéroport de Cannes-Mandelieu en y introduisant des voitures télécommandées munies de fumigènes.

Derrière le sémaphore du port s’ouvre la baie de Cannes. Les bateaux mouillent au large. Le Montkaj n’est pas seul. Le collectif Yacht CO2 Tracker suit la plaisance pendant le Festival de Cannes. Il a également repéré le Idol qui a émis 340 tonnes de CO2 depuis le début de l’année et le Why Not U qui consomme 2 000 litres de diesel par heure. Au total, quarante-et-un bateaux de luxe sont amarrés au port Canto pendant la 76e édition du festival. À eux seuls, ils utilisent 32 000 litres de diesel, soit 85 tonnes de CO2, par heure. C’est « 3 700 fois plus que ce que devrait émettre une personne selon les recommandations du Giec [1] », indique Attac.
« Les stars dansent sur un volcan »
Certains yachts sont trop gros pour entrer dans le port ou dans la baie. Catherine Marache a repéré l’Octopus dans la rade d’Antibes. Lui consomme 3 000 litres par heure. Dans sa cale se trouve un autre petit yacht pour approcher des côtes. Et aussi un sous-marin et deux hélicoptères. « C’est de l’insolence, estime cette militante d’Attac 06. Cannes, c’est la fête et les paillettes. Mais les stars dansent sur un volcan. C’est de la provocation. Il n’y aura pas d’efficacité écologique sans justice sociale ni consensus. » Elle plaide pour la surtaxation des carburants et la lutte contre l’évasion fiscale. Des mesures qui permettraient de financer la rénovation énergétique des logements, l’investissement dans les énergies propres et la bifurcation écologique. Sur le quai, les bateaux battent pavillon étranger.
🎥 Retour en vidéo sur l'action menée par Attac ce samedi à #Cannes.
Nous dénonçons le mode de vie indécent des ultra-riches qui se pavanent sur leur méga-yachts polluants, alors que la planète devient invivable... pic.twitter.com/Tl78DzOlAq— Attac France (@attac_fr) May 20, 2023
Au pied du Montkaj, véritable palace flottant, un salarié s’inquiète : « Vous empêchez le travail. Et vous allez faire fuir les clients », lance-t-il. Mais sur les marches, à l’autre bout de la Croisette, l’action d’Attac n’a eu aucune incidence sur le petit monde du septième art. Cela n’empêche pas Maëlle Delavaud de donner de la voix. La militante s’oppose à tout ce « superflu » : « C’est une action symbolique pacifique, dit-elle derrière la banderole. Les premiers concernés par les efforts environnementaux, ça devrait être eux. Eux comme nous, on va tous crever. Ils ont beau tenter de trouver la solution pour aller sur Mars, leurs enfants vivent tous sur la Terre. » Selon les calculs de Yacht CO2 tracker, « pour une heure de croisière, un yacht consomme ce que nous devrions consommer en une année par personne pour être sur une planète habitable ».
Les forces de police arrivent sur le quai. Ils sont plus nombreux que les manifestants : contrôles des identités et des cartes de presse, confiscation des banderoles et des drapeaux. Deux activistes sont « emmenés pour vérifications » au poste. Ils ressortiront du commissariat deux heures et demie plus tard, sans poursuite. Un touriste s’approche avec un appareil photo : « Il y a des célébrités ? » demande-t-il en anglais, espérant jouer au paparazzi. Les stars ne restent pas au port.