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Énergie

À Hambourg, des milliers d’activistes disent « non au gaz »

Plusieurs collectifs dont Extinction Rebellion, Ende Gelände et Fridays for Future ont manifesté contre le GNL à Hambourg, en Allemagne, le 10 août 2022.

Pour mettre fin à sa dépendance au gaz russe, l’Allemagne a choisi de tourner vers le gaz naturel liquéfié. Quatre terminaux méthaniers seront affrétés. Une décision dénoncée par des milliers d’activistes, réunis à Hambourg jusqu’au 15 août.

Autour d’un grand chapiteau de cirque se dresse une multitude de petites tentes, des canapés, de longues tables. Le « System Change Camp » de Hambourg est une « ville dans la ville », entièrement autogérée, installée jusqu’au lundi 15 août dans un vaste parc de la cité portuaire. Jusqu’à 6 000 personnes y ont répondu présent, à l’appel d’une quarantaine d’organisations, dont Extinction Rebellion, Ende Gelände ou encore Fridays for Future.

Au programme : projections de films et concerts, discussions et débats, pour dénoncer la construction de terminaux méthaniers sur la côte allemande et, plus largement, « les crises écologiques, économiques et sociales » engendrées par « le système capitaliste » et le « néocolonialisme ». Des manifestations et des actions de désobéissance civile sont également organisées.

Leur cible : l’industrie gazière. Plusieurs actions ont été menées pour paralyser les chantiers de futurs terminaux méthaniers, comme à Wilhelmshaven, non loin de Hambourg. L’Allemagne est, de loin, le premier consommateur de gaz en Europe avec 96 milliards de mètres cubes par an, soit plus du double de la consommation française. Le combustible fossile fait tourner nombre d’industries stratégiques comme la chimie, la pharmacie ou encore l’acier. Il alimente la moitié des chauffages des particuliers.

Mais depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février dernier, la question de son approvisionnement est devenue un sujet brûlant. Jusqu’alors, Berlin se fournissait en majorité auprès de Moscou : bon marché, transporté directement par gazoduc jusqu’à sa frontière, le gaz russe représentait l’an passé 55 % de sa consommation annuelle. Une dépendance devenue intolérable aux yeux des Allemands, à la fois pour des raisons éthiques — la volonté de ne pas financer la guerre du Kremlin —, et par crainte d’une rupture des livraisons : le président russe Vladimir Poutine pourrait couper le robinet du gaz pour provoquer une crise économique en Allemagne et en Europe, et contraindre ainsi les chancelleries à lever les sanctions contre son pays.

Quatre terminaux méthaniers

Dans l’urgence, Berlin cherche à tout prix à mettre fin à sa dépendance au gaz russe en misant sur une option jusqu’alors écartée en raison de son coût environnemental et économique : le gaz naturel liquéfié (GNL), transporté en bateau en provenance des États-Unis, et peut-être bientôt d’Algérie, du Canada et du Qatar. Le gouvernement a débloqué 3 milliards d’euros pour affréter quatre terminaux méthaniers sur son littoral, qui doivent permettre de remettre le GNL à l’état gazeux. Le premier terminal flottant doit entrer en fonction dès la fin de l’année 2022 à Wilhelmshaven. Grâce à une procédure accélérée, le chantier de raccordement au réseau de gaz a déjà commencé. Plusieurs projets de terminaux « en dur », bien plus longs à construire, sont également sur la table.

Pour les organisations réunies à Hambourg, le plan du gouvernement va à l’encontre de ses engagements climatiques, car il investit « dans une énergie fossile et des infrastructures du passé » en autorisant l’exploitation des terminaux jusqu’en 2043. « Le méthane contenu dans le gaz est un tueur de climat encore plus grand que le CO2 et accélère la crise climatique », écrit le mouvement Ende Gelände dans un communiqué. Les militants protestent notamment contre le remplacement du gaz russe par du gaz de schiste américain, extrait selon la méthode particulièrement polluante de fracturation hydraulique.

Le projet est d’autant plus difficile à avaler qu’il est initié par une figure de l’écologie allemande : Robert Habeck, président du parti de centre-gauche Bündnis 90’/Die Grünen jusqu’en 2018. Aujourd’hui vice-chancelier et ministre fédéral de l’Économie et du Climat, dans une coalition avec les sociaux-démocrates du SPD et le petit parti de droite libérale FDP, il invoque la « sécurité nationale » pour justifier l’approvisionnement en GNL et met en avant ses réussites : fin juin, Berlin ne s’alimentait plus qu’à hauteur de 26 % en gaz russe. Robert Habeck assure que le recours au GNL est une « solution temporaire », le temps que les programmes de réduction de la consommation énergétique et de déploiement des énergies renouvelables produisent leurs effets. Mais à Hambourg, il peine manifestement à convaincre.

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