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Libertés

A Notre Dame des Landes, l’opération policière est une des plus grandes jamais menées

Alors que la situation s’enlise sur le site du futur aéroport, la "mission Notre-Dame-des-Landes" (NB du CLCA : aussi appelée César (sic) par les autorités) apparaît déjà comme l’une des plus vastes opérations de police menées en France. Elle a mobilisé jusqu’à 2 200 hommes au plus fort de la crise et commence à agacer dans les rangs.

Les gendarmes et les policiers la surnomment « mission Notre-Dame-des-Landes »*. Un nom simple qui désigne une des plus importantes opérations de maintien de l’ordre menées à ce jour en France. Pas forcément en terme d’effectifs.

Le G8 de Strasbourg en 2009 ou le G20 de Deauville en 2011 ont mobilisé plus de policiers et de gendarmes. Mais durant une semaine... La « mission NDDL » dure déjà depuis un mois et demi et son issue paraît aléatoire.

NDDL mobilise à la fois des gendarmes mobiles et des CRS. « Ils viennent de toute la France. Avignon, Nice, Lille, Guéret, Saint-Brieuc et Lille. C’est un incroyable chassé-croisé ! », souffle un gendarme. Sur le terrain, cependant, les rôles sont bien définis.

A quelques exceptions près, les gendarmes interviennent dans la campagne, autour et sur le site du futur aéroport du grand Ouest. Les policiers, eux, veillent sur la préfecture et le centre-ville de Nantes, ou encore sur la plateforme de Nantes Atlantique. Quand les événements l’imposent, ils prêtent main forte à leurs collègues militaires.

Ce fut le cas dans la semaine du 16 octobre, au plus fort des premières évacuations menées dans les maisons de la Zone d’aménagement différé (Zad). Combien étaient-ils exactement ?

Selon le syndicat de police Unité SGP, jusqu’à 15 compagnies républicaines de sécurité* et 14 escadrons de gendarmes mobiles* ont été mobilisés sur cette période. Soit près de 2 200 hommes. Deux fois plus que le nombre de soldats français déployés actuellement en Afghanistan...

« Tout le monde n’est pas intervenu au même moment », nuance Thierry Boutier, délégué zonal du syndicat Unité SGP des CRS. Au ministère de l’Intérieur, on s’en tient au chiffre officiel, le seul avancé jusqu’à aujourd’hui. « Ce qu’on peut dire, c’est qu’au plus fort de la crise, à un instant T, il y a eu plus de 500 gendarmes et policiers à intervenir sur les expulsions », assure Pierre-Henry Brandet, porte-parole.

Les chiffres avancés par les syndicats seraient-ils faux ? « Il y a des compagnies qui sont venues une seule journée, d’autres deux. Certaines étaient en repos, en réserve, d’autres sécurisaient certains sites sensibles, détaille le porte-parole du ministre de l’Intérieur. Je ne dis pas que les chiffres des syndicats sont faux. Je dis qu’il ne faut pas les additionner, car ils ne représentent pas la réalité. »

SUJET SENSIBLE

Combien de policiers et gendarmes restent déployés ? Quel est le coût d’une telle opération ?** Autorités locales et gendarmes ne souhaitent pas communiquer. Il faut dire que le sujet est très sensible.

La « mission NDDL » n’a pas été placée sous la tutelle du préfet de Loire-Atlantique, comme c’est généralement le cas quand des forces mobiles sont engagées. Le ministère de l’Intérieur, via son unité de coordination des forces mobiles (UCFM), gère en direct avec le préfet.

Dans les rangs, la mission commence à agacer. Seuls à prendre officiellement la parole, les syndicats de police relaient le ras-le-bol commun des deux « corps » engagés sur le terrain.

« D’accord, les CRS sont là pour gérer les imprévus, mais cela fait maintenant un mois et demi que ça dure, rappelle Thierry Boutier. On continue à envoyer un jour une compagnie de Nice, le lendemain une de Lille, et le surlendemain une de Saint-Brieuc. Cela rajoute du trajet et beaucoup de fatigue à des missions qui ne sont déjà pas faciles. »

Même son de cloche chez Alliance CRS, syndicat de gardiens de la paix affilié à la CFE-CGC. « On n’a aucune visibilité sur notre mission. Les gars savent quand ils partent de chez eux, mais jamais quand ils reviennent. »

L’opération du 23 novembre, sur le site du futur aéroport, semble avoir révélé les limites du dispositif. Problèmes de mobilité, de communication, difficultés pour se repérer liées à une méconnaissance du terrain, manque de munitions… Les gendarmes engagés dans les violents affrontements en fin de semaine dernière ont éprouvé des difficultés à faire face. D’autant que les contours juridiques de l’opération étaient flous.

AUCUNE VISIBILITÉ

Outre les ennuis tactiques, les policiers pointent les problèmes logistiques engendrés par l’importance des effectifs présents. Depuis quelques semaines, les locaux de la CRS 42, la compagnie de Nantes, sont devenus un véritable « hall de gare ».

La cantine peine à nourrir tout le monde. De même pour l’hébergement. Il est arrivé que plus un seul lit ne soit disponible dans la capitale de Loire-Atlantique. Résultat : des policiers niçois, sécurisant Nantes, ont dû dormir à Rennes.

Le malaise latent au sein des forces de l’ordre est accentué par l’impossibilité à envisager une sortie de crise. « Si encore on connaissait la date de la fin de notre mission, confient en chœur des policiers. Mais là, on n’a aucune visibilité. Les opposants ne lâcheront pas le morceau. On risque d’être présents jusqu’à la mise en service de l’aéroport, en 2017 ! »

Au cabinet du ministre, on se veut plus optimiste. Une commission de dialogue a été mise en place ce vendredi. « Si on arrive à s’entendre, ça peut évoluer vite », affirme le porte-parole du ministère. Rien n’est moins sûr.

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Notes

*Une compagnie républicaine de sécurité compte 80 policiers.

*Un escadron de gendarmes mobiles compte 70 gendarmes.

**Une source citée par Presse océan a avancé la somme de 500 000 € pour l’opération du 16 octobre. Ce chiffre n’a jamais été démenti.


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