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À Saclay, des écolos « enterrent » une mésange pour dénoncer l’urbanisation

L'enterrement d'une mésange le 26 avril symbolisait les ravages de l'urbanisation.

Dans le cadre de la journée d’actions nationale Retour sur terres, une centaine de manifestants ont marché sur le plateau de Saclay mardi 26 avril. Ils dénonçaient la construction de la ligne 18 du métro.

Saclay (Île-de-France), reportage

Sur le plateau de Saclay, difficile d’entendre encore les chants timides des oiseaux, ils sont couverts par les bruits sourds ininterrompus des engins de chantier. C’est une des raisons qui font qu’activistes environnementaux, familles, jeunes, paysans, riverains, étudiants, élus - soit plus d’une centaine de manifestantes et manifestants - s’y sont retrouvés mardi 26 avril dans le cadre de la journée d’actions décentralisées Retour sur terres.

Menée par la Coordination des luttes locales [1], différents collectifs ont décidé de se rassembler pour dénoncer les « scènes de crime à Saclay » et se mobiliser « contre les saccages du Grand Paris », « la bétonisation massive » et « l’artificialisation des terres » que provoquerait la construction de la ligne 18 du métro. Ils ont ainsi marché du lycée Camille Claudel le long du tracé de la future ligne de métro jusqu’au campus où se trouve la station qui mènera aux universités à Corbeville.

© Clémence Michels / Reporterre

La ligne 18 du métro a pour objectif de permettre un meilleur accès au site du cluster Paris-Saclay. Toujours en cours de construction, ce campus est un projet scientifique et technologique, censé regrouper différents établissements d’enseignement supérieur, notamment l’Institut Polytechnique de Paris, l’École polytechnique, l’ENSTA ParisTech, l’ENSAE ParisTech, Télécom ParisTech et Télécom SudParis, ainsi que 280 laboratoires. Son objectif ? « Figurer dans le top 20 des universités mondiales intensives en recherche. »

Chargée de la communication de Zaclay — la zone de défense du territoire de Saclay, occupée depuis mai 2021 — Emmanuelle fait également partie du Collectif contre la ligne 18 du métro. Elle connaît bien la région — si ce n’est une coupure d’une dizaine d’années, elle y vit depuis 1977—et la considère « fortement dégradée », en raison de l’urbanisation : « L’idée de construire une Silicon Valley à la française sur le territoire de Paris-Saclay vient de Charles de Gaulle. Elle a été reprise par nos derniers présidents, notamment Nicolas Sarkozy, qui avait le projet d’aménager progressivement le territoire. Aujourd’hui, des "champs" d’immeubles volent de plus en plus nos espaces, et de nouveaux projets prennent forme comme cette ligne de métro qui va traverser le plateau. »

Des militants allongés pour dénoncer les projets destructeurs des terres fertiles sur le plateau de Saclay. © Clémence Michels / Reporterre

« Alors que la demande en produits locaux ne cesse d’augmenter, on va bétonner des terres fertiles »

En plus du projet de cluster, des zones d’aménagement concerté (ZAC) sont nées sur le territoire ces dernières années, à Moulon et dans le quartier de Polytechnique. Une troisième ZAC est prévue sur les communes d’Orsay et de Saclay. Le « tracé » de la ligne 18 a déjà été réalisé, les premières piles pour faire tenir le métro aérien ont été façonnées, et le ciment aurait été coulé sur place, assure Emmanuelle.

Happy, qui souhaite rester anonyme, est un activiste d’Extinction Rebellion et du collectif contre la ligne 18 du métro. Il déplore une « destruction de l’environnement » à l’échelle locale mais aussi transnationale en raison des ressources mobilisées pour les travaux. « Alors que la demande en produits locaux ne cesse d’augmenter, on va bétonner des terres fertiles et reporter ces parcelles ailleurs en déforestant des espaces naturels afin de... produire la même chose », poursuit le militant. Qui s’inquiète, en plus, des conséquences sur la biodiversité. « Il y a près d’une vingtaine d’espèces protégées dans les étangs, les friches et les rigoles de la région qui sont menacées. La construction va perturber les zones humides et le nichage des oiseaux, car les nappes phréatiques seront bloquées par l’étanchéité du matériau utilisé pour la construction du métro. Sans parler de la pollution lumineuse que ce projet va générer. »

« Des « champs » d’immeubles volent de plus en plus nos espaces », dit une militante. © Clémence Michels / Reporterre

Le plateau de Saclay se trouve au sud de Paris, à cheval sur l’Essonne et sur les Yvelines. Doté d’étangs, de rigoles et de terres fertiles, c’est un espace riche en biodiversité, qui accueille de nombreuses espèces en voie de disparition comme la pipistrelle de Khul, l’oedipode turquoise, le triton crêté ou encore la linotte mélodieuse. La marche a d’ailleurs été marquée par « l’enterrement de la mésange », une création du collectif Zadart.

Le Collectif contre la ligne 18 dénonce la construction d’un métro inadapté aux problèmes de transport de la population. Happy explique notamment que la ligne de métro sera construite d’Est en Ouest, alors que la population se déplace plutôt du Nord vers le Sud. Certains étudiants concernés par les déménagements n’étaient par ailleurs pas favorables à cette nouvelle implantation, comme ceux de Grignon.

Emmanuelle, elle, craint des inondations de plus en plus fréquentes : « Avec le réchauffement climatique et la bétonisation du plateau, nous risquons dans les vallées de passer d’une inondation tous les dix ans à une tous les ans. De plus, des hydrologues ont déjà alerté sur un risque accru de coulées de boues, comme à Vauhallan. »

« C’est un cercle vicieux. Si on construit trop, on a besoin d’un métro. Et si on aménage un métro, on construit d’autant plus, dit Amaury, étudiant à l’école de design Strate, du Collectif contre la ligne 18 du métro. « Le phénomène de métropolisation pousse les gens à se déplacer entre leur lieu de vie et leur lieu de travail. De plus, en rendant la couronne attractive, on expulse d’autant plus les pauvres et les travailleurs car le phénomène de gentrification fait augmenter les prix fonciers. »

© Clémence Michels / Reporterre

Membre du Collectif contre la ligne 18 du métro, Sabrina souhaite que la marche du 26 avril touche l’opinion publique afin qu’elle se « saisisse de la situation » : « Il est nécessaire de renouer avec l’existant plutôt que de le détruire. Nous souhaitons la mise en place de rabattements depuis les différentes gares de RER B, avec un service de bus performant, tout en évitant de le centraliser sur Massy. Une autre solution serait de mettre en place un téléphérique depuis Orsay, ce qui ralentirait l’urbanisation du territoire. »

Militante Alternatiba, Maider soutient la coordination organisant cette lutte locale « car c’est important de se rassembler. Entre collectifs, nous avons des enjeux communs : la lutte contre chaque projet à caractère antisocial et écocide autour du Grand Paris et des Jeux Olympiques ».

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