À Sète, un parking menace « le cœur battant » de la ville

Manifestation contre la construction d'un parking à Sète. - © Collectif Bancs publics
Manifestation contre la construction d'un parking à Sète. - © Collectif Bancs publics
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Luttes Grands projets inutilesManifestations, pétitions... Depuis plus d’un an, la grogne s’intensifie à Sète contre la construction d’un parking souterrain au niveau du centre-ville. Une demande de suspension des travaux doit être examinée le 30 septembre.
Sète (Occitanie), reportage
Sète assez ! La paisible cité de Brassens s’est mise à bouillonner. Samedi 24 septembre, une foule en colère a conspué le maire de la ville, François Commeinhes, et appelé à l’envoyer « en prison ». Il a dû filer en douce, sous bonne escorte, tandis que son entourage se répandait en mots fleuris à l’égard des frondeurs [1]. Au cœur de la discorde : un parking souterrain de 314 places, en plein centre-ville, soutenu mordicus par l’édile.
L’affaire dure depuis plus d’un an, mais la tension est singulièrement montée à la fin du mois d’août. La mairie a alors déposé trois permis pour lancer son chantier… aussitôt attaqués par le collectif Bancs publics. L’association d’opposants a également lancé deux référés suspensifs, afin de stopper les pelleteuses au plus vite. L’audience est prévue ce vendredi 30 septembre.
Sauf que la municipalité n’a pas attendu la décision du juge : « Le 12 septembre, des ouvriers sont venus pour poser des palissades, raconte Christophe Aucagne, membre du collectif. Nous nous sommes interposés, mais ils ont fini par boucler les lieux. » Malgré les pétitions et les rassemblements — jusqu’à 800 personnes le 17 septembre, un record pour une ville de près de 40 000 habitants — l’équipe municipale a donné son feu vert pour le démontage du mobilier.

« Le cœur battant de notre ville est menacé »
Sur la célèbre place Aristide Briand, les cris des enfants ont laissé place aux moteurs des engins de chantier. « Le cœur battant de notre ville est menacé », se désole M. Aucagne. Le manège et les jeux prisés des jeunes Sétois sont aujourd’hui déserts, entourés de clôtures, dans l’attente de leur déconstruction. Les amoureux ne se bécotent plus sur les bancs publics, ne trouvant plus que l’appui inconfortable des barrières de sécurité. Les tilleuls argentés qui abritaient les marchés hebdomadaires seront bientôt priés de prendre leurs racines et d’aller s’installer ailleurs. Autour de la place, de larges panneaux affichent la communication municipale : « Le stationnement sous la place va libérer l’espace occupé par les voitures [sur les rues adjacentes] qui seront piétonnisées pour un cœur de ville apaisé. »

Pour les opposants, « faire un parking de plus alors que les trois déjà présents dans le centre ne sont que rarement pleins, cela revient à amener plus de voitures dans la ville ». Le collectif Bancs publics plaide pour une piétonisation de la zone et la création d’aires de stationnement hors de la ville, avec des navettes — bus et bateaux — gratuites. Le projet du maire est donc selon eux « inutile », et surtout dangereux.
L’eau, un problème stagnant
Au centre de leurs inquiétudes, l’eau. « Il y a de la flotte sous la place, beaucoup de flotte », insiste M. Aucagne. Les sous-sols sétois abritent en effet une nappe importante, alimentée par les précipitations du mont Saint-Clair et du massif de la Gardiole voisin. Se pourrait-il que le chantier vienne toucher cette précieuse ressource ? Impossible à dire, car les autorités ont demandé — et obtenu — une dispense d’étude d’impact.
« La première étude hydrologique réalisée indiquait qu’il faudrait pomper environ 160 m3 par heure pendant la durée du chantier, autrement dit un débit énorme qui aurait nécessité des sondages complémentaires et une autorisation environnementale », soutient M. Aucagne. Las, cette étude publiée en avril 2021, que Reporterre a pu consulter, a vite disparu des sites officiels. Elle a été remplacée par une seconde version, mentionnant « un pompage moyen de 30 m3/h pendant douze semaines ». Une estimation critiquée par plusieurs experts, notamment le bureau Burgeap, sollicité par l’association d’opposants.

Outre le passage en force et l’opacité des procédures, le collectif Bancs publics craint des problèmes d’étanchéité du parking, des risques de fuite « qui pourraient fragiliser les habitations alentour » et perturber le fonctionnement de la nappe. « Il y a tant de choses qui ne vont pas dans ce projet qu’on ne voit pas comment il pourrait se faire », résume M. Aucagne. Depuis un an, le collectif a multiplié les actions pour empêcher les travaux. Pétitions, réunions publiques hebdomadaires, infokiosque quotidien sur la place, manifestions, parrainage des arbres par des personnalités, recours juridiques… « On ne s’arrêtera pas ! » conclut l’opposant.