À Sivens, la concertation autour de l’après-barrage reprend

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Sivens Grands projets inutilesBientôt sept ans après la mort du jeune militant écologiste Rémi Fraisse, l’État vient d’annoncer la poursuite de la concertation — difficile — sur l’avenir de la vallée où devait être construit le barrage de Sivens. Voici six chiffres clés pour comprendre pourquoi le dossier piétine.
Dix ans déjà que les associations environnementales ont lancé leurs premières alertes sur le surdimensionnement d’un projet de barrage à Sivens (Tarn) et la menace qu’il posait sur une zone humide. Une décennie aura été nécessaire pour que l’État envisage enfin pleinement toutes les options pour la vallée du Tescou, où se trouve la forêt de Sivens. Lundi 29 mars, Bérangère Abba, secrétaire d’État à la biodiversité, a en effet lancé « une nouvelle phase opérationnelle » et annoncé lors d’une conférence de presse que l’ensemble des solutions techniques, y compris celles proposées par les associations environnementales, seront étudiées. Reporterre explique en six chiffres pourquoi la concertation piétine :
Quatre mois : depuis mi-décembre, les discussions autour du projet de territoire lancé en mars 2017, étaient au point mort, bien que « proches d’un consensus » selon la secrétaire d’État. Un protocole d’accord avait même été annoncé avec enthousiasme par la FDSEA du Tarn — le syndicat agricole majoritaire — à la suite d’une énième réunion. Protocole contredit immédiatement par les associations environnementales au vu des conclusions qui conduisaient mécaniquement à construire un nouveau barrage à Sivens.
700 000 m3 : voilà de quoi étancher le besoin en eau de la vallée du Tescou. 473 000 m3 pour soutenir l’activité d’une vingtaine d’exploitations qui ne disposent pas à ce jour d’approvisionnement en eau, auxquels s’ajoutent 200 000 m3 pour maintenir le débit d’eau constant pour la vie aquatique. Un volume « encore surestimé » selon le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet. Celui-ci est désormais « prêt à consentir un volume supérieur au besoin réel qu’il a estimé a 330 000 m³ à condition que ces besoins soient justifiés estimé du moment qu’on ne touche pas à la zone humide ». Pour information, l’option maximaliste d’une retenue de 1,5 million de m3 était initialement prévue à Sivens.
Dix-huit hectares : c’est la superficie initiale des zones humides de Sivens. Le chantier du projet de barrage initial en a détruit la majeure partie et seuls cinq hectares ont été réhabilités depuis. L’hypothèse toujours sur la table d’un nouveau projet de barrage à Sivens, à trois cents mètres en amont, aurait nécessairement des conséquences sur les zones humides restantes. Bérangère Abba a fait part d’une volonté de « cartographier finement l’état actuel de l’ensemble des zones humides de la vallée » — ce qui n’avait donc pas été fait jusqu’alors.

Un million d’euros : le coût de la concertation et des études s’y rattachant. Cela inclut l’audit préalable, l’accompagnement par AgroParisTech pour lancer la concertation, l’évaluation globale des besoins (supplémentaires) en eau de la vallée ainsi que les nouvelles études annoncées lundi sur le recensement des zones humides et les effets des futurs projets. S’y ajoutent 3,4 millions d’euros versés par l’État au département du Tarn à la suite de l’abandon du projet initial et pour restauration des zones humides.
Plusieurs mois : le temps nécessaire pour que les nouvelles études aboutissent, que les collectivités locales se constituent en société d’économie mixte et propose à l’instance de concertation des solutions concrètes, chiffrées et détaillées. Un énième délai donc. « Que l’État donne aujourd’hui une solution clé en main alors qu’il n’y a pas eu d’accord au sein de l’instance de coconstruction aurait été la négation des années de concertation », a déclaré Bérangère Abba.
27 ans : l’âge qu’aurait eu aujourd’hui Rémi Fraisse, tué par un gendarme le 26 octobre 2014. Une vie qui aurait été épargnée si l’ensemble des mesures annoncées lundi avaient été prises dès le début du projet, si une véritable concertation avait eu lieu en amont, avec un véritable débat public ouvert sur l’ensemble des besoins de cette vallée tarnaise tenant compte des multiples avis défavorables et réserves de toutes les autorités environnementales.