À la ferme, les étudiants franciliens isolés respirent

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Alternatives Agriculture urbaine Pédagogie ÉducationDepuis le 15 avril, les associations Écotable et La Sauge ont lancé l’initiative « Restaurons les étudiant·es durablement ». L’idée : sensibiliser les jeunes à l’agriculture urbaine tout en leur offrant une bouffée d’air en ces temps de crise sanitaire.
Bobigny (Seine-Saint-Denis), reportage
« On peut tout à fait avoir un plant de cassis chez soi ! » Jade, chargée de la production agricole, présente avec entrain la Prairie du Canal, une ferme urbaine pédagogique plantée il y a quatre ans par l’association La Sauge (Société d’agriculture urbaine généreuse et engagée). Son auditoire du jour est composé de deux étudiants, qui ont eu l’occasion de découvrir une jolie serre, des plants de mini-salades ou encore la poule Pompon, devenue la mascotte du lieu.
Ce mercredi 28 avril, Ziheng, 25 ans, et Schengxin, 27 ans, tous deux élèves en architecture, participent à cet atelier dans le cadre de l’initiative « Restaurons les étudiant·es durablement ». L’idée ? Permettre aux étudiantes et étudiants de venir visiter gratuitement une vingtaine de fermes de la région parisienne. Imaginée par La Sauge, elle a été lancée par l’association et la communauté Écotable (qui réunit tous les acteurs engagés dans la restauration durable) le 15 avril et durera jusqu’au 15 mai.

Une façon de créer du lien social et d’apporter une bouffée d’air en ces temps moroses de crise sanitaire. « L’idée est d’essayer de soigner les esprits tout en sensibilisant les étudiantes et étudiants aux enjeux autour de l’alimentation en ville et au cercle vertueux qui va de la fourche à la fourchette, dit Bérangère Fagart, cosecrétaire générale de l’association Écotable. Lors des distributions de colis alimentaires que l’on fait en partenariat avec l’association Linkee, on a eu écho de l’isolement dans lequel sont plongés ces jeunes, au-delà des grandes difficultés financières auxquelles ils et elles sont confrontées. » La pandémie a en effet renforcé la précarité des étudiants — sachant qu’avant, déjà, près de 20 % d’entre eux vivaient en dessous du seuil de pauvreté [1]. Leur santé mentale a également été fortement touchée par la crise sanitaire : 76 % d’entre eux et elles estiment qu’elle a eu un effet négatif sur leur bien-être psychologique [2].

« C’est un peu difficile en ce moment, confirme Ziheng. Quand on vit à Paris dans 11 m2, c’est triste. Venir ici, ça fait du bien. » Le jeune homme et son amie Schengxin, qui ont déjà dû se rendre à des distributions de nourriture, sont très intéressés par les fermes urbaines. « J’aime bien apprendre quel type de végétation on peut planter en fonction du type de terrain. Et puis ça fait plaisir de pouvoir sortir un peu de chez nous comme on vit dans de tout petits espaces », dit Schengxin, tout en repiquant avec minutie des plants de tomate. Assis à ses côtés, Ziheng fait de même avec enthousiasme : « Ça me rappelle mon enfance en Chine : ma mère plantait des petites graines dans notre jardin pour qu’on ait des légumes. » Jade, elle, donne gentiment des conseils sur la meilleure façon de procéder.
Peu de temps avant, elle a raconté aux étudiants l’histoire du lieu — il s’agit d’un ancien site industriel —, tout en leur expliquant la culture sur bottes de paille, le rôle des ronciers déjà existants pour recréer des écosystèmes ou encore le souhait de la Prairie du Canal de « changer les regards sur la biodiversité ». « Notre lieu est déjà à vocation pédagogique mais, avec la crise sanitaire, nous avons réfléchi à comment mettre en avant nos activités pour des publics plus précaires », dit Jade. Elle précise qu’un autre atelier de ce type aura lieu durant le mois. Castille, elle-même étudiante et stagiaire à La Sauge abonde : « L’idée est de montrer que l’agriculture urbaine est en fait hyper accessible, tout en passant un moment sympa : parler en plantant des tomates, c’est cool ! »
La carte des fermes concernées par l’opération :