Aucune mine n’ouvrira dans les forêts de protection

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Un projet de décret soumis à consultation publique proposait de rendre possible les fouilles archéologiques et l’extraction minière dans les forêts dites « de protection ». Les protestations écologistes ont conduit le gouvernement à abandonner le projet.
- Actualisation - Jeudi 9 mars -
Après de nombreuses protestations reçues à la suite de la consultation publique sur le projet de décret, le gouvernement avait annoncé à la mi-février son intention de revoir sa copie. Victoire : après trois réunions de travail avec les associations écologistes, le gouvernement a supprimé la possibilité d’ouvrir des mines dans les forêts de protection. « Il reste encore un peu de travail, ce n’est pas encore le consensus total, mais c’est un compromis acceptable », note Julie Marsaud, de France Nature Environnement.
Le décret devrait également limiter les carrières aux gisements de gypse d’intérêt national (il n’y en a qu’en île de France) et renforcer les études d’impacts et les consultations préalables. L’emprise devrait être limitée à un certain seuil, encore en débat - c’est-à-dire que les puits d’aération des carrières, visibles au niveau de la forêt, ne pourront pas dépasser une certaine surface. Après une dernière réunion à venir, le projet modifié devrait retourner en consultation publique, mais la date est incertaine. « Au moins, les ministères ont compris la nécessité d’impliquer plus en amont les partenaires institutionnels », conclut Julie Marsaud.
- Actualisation - Vendredi 17 février - Le gouvernement a reçu de très nombreuses réactions négatives pour ce projet de consultation, surtout concernant la possibilité d’ouvrir mines et carrières souterraines dans les forêts de protection. L’Etat a donc convoqué une réunion jeudi 16 février, où il a reçu les représentants des forestiers et des associations écologistes telles que France Nature Environnement. Bonne nouvelle : les équipes du ministère de l’Environnement et de l’Agriculture s’accordent sur la nécessité de revenir sur le décret.
L’Etat propose donc la mise en place d’un groupe de travail pour améliorer le texte, à la fin de la consultation publique qui se termine le 20 février. Plusieurs sujets restent à traiter : savoir si les forêts déjà classées seront exclues ou pas du décret, savoir s’il est vraiment judicieux que seul le préfet puisse décider d’un classement en forêt de protection. « Nous avons aussi proposé d’établir une liste des substances qui pourraient être concernées », détaille Julie Marsaud, de France Nature Environnement. Enfin, la question de supprimer les mines du projet est prise en compte mais renvoyée à ce futur groupe de travail.
- Jeudi 16 février -
Aucune mine française n’est encore en activité, mais les nouveaux projets d’extraction se multiplient, comme dans le Pays basque. C’est dans ce contexte que le ministère de l’agriculture soumet à la consultation publique un projet de décret qui permettrait, s’il était adopté, de mener des fouilles archéologiques, de l’extraction minière ou d’installer des carrières dans les forêts de protection. S’il était adopté avant l’élection présidentielle, il risquerait même de s’appliquer avant l’adoption de la réforme du Code minier, qui impose une plus grande transparence dans l’octroi des titres miniers.
Les forêts de protection couvrent à peine 1 % de la surface du territoire, mais elles bénéficient d’un régime de protection particulier. Originellement, il s’agissait de prévenir l’érosion des sols ou les avalanches en montagne. Mais progressivement, le statut s’est étendu aux forêts périurbaines, utiles aux bien-être de la population ou encore à la préservation de la biodiversité. Le but étant d’éviter la destruction de la forêt à des fins économiques comme par exemple pour construire des logements.
Les Parcs naturels régionaux se sont émus du projet de décret qui, selon eux, « ouvrait une brèche béante dans l’un des régimes les plus protecteurs de France ». Le communiqué de la Fédération des parcs a depuis disparu du site de l’institution. Contactée, elle indique qu’elle doit se rendre au ministère de l’Agriculture dans le courant de la semaine.
Pourquoi vouloir ouvrir ces forêts à des activités allant à l’encontre de la préservation de l’environnement ? Le gouvernement se défend par un raisonnement inverse : actuellement, certaines forêts ne pourraient être classées en forêts de protection en raison des activités qui s’y trouvent. La forêt de Montmorency, par exemple, dans le Val d’Oise, pousse au dessus d’une carrière de gypse en exploitation, ce qui l’empêche d’obtenir le statut de forêt de protection. Même situation à Bondy, qui pousse au dessus d’une ancienne carrière de gypse. « Ce décret a du sens », abonde Julie Marsaud, coordinatrice du réseau forêt de France Nature Environnement. « À Bondy, il y a beaucoup de projets de construction et d’extension urbaine. Si la forêt est placée sous le statut de forêt de protection, le préfet aurait une arme juridique pour refuser le défrichement aux promoteurs immobiliers. »
« Est-ce qu’un lobby est intervenu ? »

La forêt de Haye, un massif de 10.000 hectares situé en Meurthe-et-Moselle, est également concernée car des fouilles sont en cours sur un site archéologique, ce qui rend pour l’instant impossible son classement en forêt de protection.
Mais les associations locales se sentent flouées. « Nous étions d’accord pour modifier le statut de la forêt pour permettre des fouilles archéologiques, car la forêt comporte un site exceptionnel, mais nous avons découvert qu’en plus le décret doit autoriser l’exploitation minière. On ne comprend pas ce qu’il s’est passé », s’emporte Raynald Rigolot, responsable de Flore 54, un collectif d’associations environnementales de Meurthe-et-Moselle.
« Depuis 10 ans nous avons eu une concertation exemplaire avec 75 associations, nous avons toujours joué la carte de la transparence. Et nous n’avons même pas été informés de cette consultation. Le procédé est limite scandaleux. On ne comprend pas pourquoi on parle des mines et des carrières. Est-ce qu’un lobby est intervenu ? On n’a aucune explication », se fâche le militant. Il ne compte pas se laisser faire : sur le site de son association, il invite à répondre à la consultation publique en demandant le rejet de la partie concernant l’exploitation de ressources minérales.
En voulant répondre à des cas particuliers, le ministère de l’Agriculture propose donc un décret qui risque d’affecter l’intégralité des forêts de protection du territoire. Pourquoi ne pas avoir fait des exceptions précisément pour ces cas particuliers, sans pour autant toucher au statut général des forêts de protection ? « Il s’agit d’une ligne dans un décret. Ça n’aurait pas été très compliqué », croit savoir Raynald Rigolot. Selon Julie Marsaud, de France Nature Environnement, une première version du texte prévoyait ces exceptions mais aurait été retoquée devant le Conseil d’Etat, qui préférait un texte plus général.
Pour elle, si le décret tel qu’il est écrit n’est « pas acceptable », il s’agit d’une maladresse. « J’y vois surtout un défaut de vigilance. La disposition sur l’exploitation souterraine est un copier-coller de la disposition applicable aux forêts non protégées. Ils ont dû faire cela dans la précipitation. »
Les questions posées par Reporterre au ministère sont restées sans réponse. Une réunion prévue jeudi 16 février en présence de nombreuses associations devrait permettre d’apporter des précisions utiles sur le projet de décret.