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ReportageCenter Parcs et Roybon

Avec les zadistes de Roybon

A Roybon, la Zad contre le Center Parcs est installée dans une maison forestière et s’organise. Le message des zadistes aux bétonneurs : - « Tu nous feras pas croire, mon gars, qu’on est des fous sans foi ni loi. C’est juste qu’entre nous et toi, il y a la nature qui est là » -

-  Roybon (Isère), reportage

La maison forestière de la Marquise, à quelques kilomètres de Roybon, en Isère, est le cœur de la nouvelle zone à défendre (Zad) qui a été installée près du chantier du Center Parcs. Une grande banderole a été collée sur le mur : « Zad Chambaran - Center Parcs, la violence des loisirs ». Elle est occupée depuis la manifestation du 30 novembre.

Là où la société Pierre et Vacance mise sur l’édification d’un parc qui occuperait deux cents hectares, dont jusqu’à cent vingt de zones humides, une quarantaine de zadistes a occupé le petit chalet, actuellement en vente, en le rebaptisant « la Maquizad ».

Une cuisine, une salle à manger, trois chambres, un hangar, une écurie, un grenier : « On va rester ici jusqu’au but, jusqu’à l’arrêt définitif du projet », explique à Reporterre l’un des opposants. « Nous sommes détermines à mener des actions non-violentes pour défendre la nature. Parce qu’elle, la nature, est notre zone à défendre ».

Des groupes partent d’ici pour s’enfoncer régulièrement dans la forêt de Chambaran, afin de ralentir les travaux. « Dès l’aube, des opposants au projet de CenterParc sont montés sur les machines de chantier, tandis que d’autres entraient en dialogue avec les ouvriers et les services de sécurité », racontaient lundi 1 décembre les zadistes sur leur site internet.

Ensuite, les militants expliquent avoir « escorté deux engins de déboisement jusqu’à l’orée de la forêt. Les autres ouvriers n’ont tout simplement pas démarré leurs machines. Autour de 10 h 30, deux ouvriers ont repris les travaux, protégés par les gendarmes, mais toujours gênés puis bloqués à nouveau par d’autres opposants venus en renfort ».

Le lendemain, les habitants de la maison de la Marquise ont reçu la visite d’un huissier qui, accompagné de gendarmes, a constaté l’occupation. « Il nous a demandé de quitter le lieu, ce que nous avons refusé, au nom du droit au logement », expliquent les zadistes.

L’occupation de la Maquizad et les actions des opposants ont fait monter la tension. Selon les opposants, les hommes d’une société de police privée qui surveillent le site ont changé d’attitude dans les derniers jours. « Alors que les visiteurs souhaitaient s’approcher des ouvriers travaillant à la tronçonneuse pour leur parler - expliquent-ils dans un communiqué - les agents de sécurité ont sorti matraques et bombes lacrymogènes sans sommation. Trois personnes ont été blessées : arcade sourcilière ouverte, côtes endommagées ».

« Ils nous ont crié, insulté, menacé », témoigne un zadiste, tandis que deux autres viennent d’entrer dans la Maquizad. « Chaque jour, des camarades arrivent. Certains ont été au Testet, des autres à Notre-Dame-Des-Landes. Mais il y a aussi des personnes qui sont pour la première fois dans une Zad », raconte un opposant qui vit à la maison forestière depuis le début de l’occupation.

« Ici, poursuit-il, il y a des étudiants, des personnes âgées, des chômeurs, quelqu’un qui est de passage, d’autres qui vont rester jusqu’à l’arrêt du projet. On peut avoir des opinions politiques différentes, divers points de vues, mais nous sommes toutes et tous unis dans le même combat contre ce projet inutile ».

Jeudi matin 4 décembre, le jour de notre visite, le déploiement de forces de l’ordre semble plus important. Dans le village de Roybon, le va-et-vient des voitures est fréquent. Vers 8 h 30, des bûcherons ont commencé leur travail de défrichement, sous les yeux des vigiles.

Les zadistes sont arrivés sur place après quelques minutes. « Toutefois, aujourd’hui il n’y a pas eu d’affrontements », raconte l’un des opposants de retour à la maison occupée. « On a bloqué une route blanche pour empêcher les camions d’entrer dans le bois. On va continuer, on lâche rien ! »

Plus tard, ils annoncent : « Le maire de Roybon, Serge Perraud, nous a rendu visite. Un débat, avec modération, a eu lieu. Échanges respectueux de part et d’autres ».

C’est dans la prévision d’une longue lutte que les zadistes sont en train de s’organiser. Ils ont lancé un appel à la population locale, afin d’obtenir « les choses nécessaires pour vivre au quotidien sur la zone ».

Thermos, couverts, assiettes, nourriture, matelas, tentes, médicaments : « La réponse de la population a été magnifique », se réjouit une fille. Dans la cuisine de la Maquizad, le garde-manger plein de pots, boites, fruits et légumes en témoigne.

Ce qui manque, c’est le chauffage. On est à 600 mètres d’altitude, et la nuit en hiver est très froide. Un homme de 74 ans est venu au secours des occupants, en apportant une poêle à bois. Ce matin, il est en train de l’installer, avec un garçon de 27 ans : « Je suis parti de la Savoie, où j’habite, dit l’ancien, pour aider ces jeunes dans leur bataille. Mois aussi, j’ai lutté quand j’étais moins âgé ».

Dehors, une femme retraitée quitte en voiture la Maquizad : « J’ai apporté mon soutien et de la nourriture. Je suis engagée contre le projet de Center Parcs depuis des années. J’ai aussi écrit plusieurs lettres en essayant de convaincre que ce village de vacances serait un désastre ».

Elle fait partie de l’association Pour les Chambarans sans Center Parcs (PCSCP), qui a déposé des recours auprès du tribunal administratif contre la décision du préfet de l’Isère de donner le feu vert au début des travaux. Le dossier sera examiné le 12 décembre.

Dans l’attente, la politique semble donner des espoirs aux opposants : le président socialiste de Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, a écrit une lettre au préfet pour lui demander de « prendre les dispositions nécessaires à la suspension des travaux », compte tenu des « incertitudes juridiques liées au projet » - à télécharger ici :

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Début décembre, les élus isérois du Parti communiste ont expliqué qu’il faut « repartir vers un processus de concertation », en demandant un référendum. Et le maire de Grenoble, Eric Piolle (EELV), a qualifié le village de vacances de « projet préhistorique en termes de modèle global. C’est du bâtiment financé par la défiscalisation pour un modèle environnemental désastreux, pour un tourisme qui n’est pas le tourisme de demain avec des emplois qui ne sont pas des emplois de qualité ».

Vers 13 heures, la pluie commence à tomber sur la maison de la Marquise. Dans le jardin, le vent agite les banderoles et leurs slogans : « Plus de démocratie, moins de lobbying » ; « Prends de vacances, Pierre » ; « ZAD partout ».

- "Tu nous feras pas croire, mon gars, qu’on est des fous sans foi ni loi. C’est juste qu’entre nous et toi, il y a la nature qui est là" -

Elles seront déployées samedi 6 décembre à 18 heures, à l’occasion d’une marche aux flambeaux autour du chantier, « pour imposer notre présence sur le chantier de jour comme de nuit, expliquent les opposants, pour faire entendre notre détermination et arrêter les travaux ».

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