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Mines et métaux

BD-La loi sur les hydrocarbures est adoptée sans panache

La loi défendue par Nicolas Hulot sur « l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures » achève son parcours ce mardi 19 décembre à l’Assemblée nationale. Elle y avait été adoptée le 1e décembre, le Sénat l’a rejetée le 18, l’Assemblée la rétablit ce mardi. Le résultat est bien moins ambitieux que ne l’avait annoncé le ministre. Reporterre raconte en dessins les quatre actes de cette pièce.

L’adoption définitive de la loi relative « à l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures » signe l’épilogue d’un feuilleton politique à rebondissements. Cette histoire, dont Nicolas Hulot est le héros, pourrait se résumer par la célèbre métaphore de l’éléphant accouchant d’une souris.

Acte 1 – Chose promise, chose due

En février 2017, le candidat Macron s’engage à mettre la France en cohérence avec l’Accord de Paris sur le climat en ayant « une vraie stratégie de sortie des énergies fossiles ». Plus de nouveaux permis d’exploration et l’exploitation des hydrocarbures, la promesse est reprise le 6 juillet par son ministre Nicolas Hulot, qui fait de la « fin des combustibles fossiles » son cheval de bataille. Il passe l’été à plancher sur un texte « relatif à l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures » : son premier projet de loi, qui a valeur de test politique.

Acte 2 – Un subtil tour de passe-passe

Le 6 septembre, c’est le grand jour. Nicolas Hulot présente son projet de loi en Conseil des ministres. Les jours précédents, le gouvernement communique sur une version du texte présentée aux associations lors du Conseil national de la transition énergétique fin août.

Le texte se veut ambitieux : il interdit l’exploration (la recherche) et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels (gaz et pétrole de schiste), et il précise qu’aucun nouveau permis d’exploration ne sera accordé ; les concessions d’exploitation existantes ne seront pas renouvelées au delà de 2040.

Sauf que le ministre a communiqué des informations inexactes ! Le texte transmis à l’Assemblée nationale n’est pas le même que celui sur lequel ont planché ONG et journalistes. On ne parle plus d’« interdiction », mais de « fin progressive ». Exit le non-renouvellement des concessions, exit l’interdiction immédiate des hydrocarbures non conventionnels. En fait, le gouvernement a eu peur du lobby pétrolier, vent debout contre ce projet.

« Sachant que les hydrocarbures extraits en France ne représentent qu’1 % de notre consommation (le reste est importé), ce texte a surtout une portée symbolique. Il doit donc être exemplaire en tout point. Si nous voulons tenir les engagements de l’Accord de Paris, aucune nouvelle infrastructure pétrolière ne doit être développée », nous explique alors Nicolas Haeringer, de l’ONG 350.org.

Acte 3 – Les parlementaires détricotent le texte

Devant les députés, Hulot parle de « cure de désintoxication » des énergies fossiles. Mais au cours des débats, les 3 et 4 octobre, le gouvernement va procéder à un étrange auto-sabotage. Alors que les députés avaient à peu près rétabli le texte d’origine, voilà que, sur proposition gouvernementale, la limitation claire à 2040 de toutes les concessions a été remplacée par une limitation variable, selon dérogation « lorsque le titulaire du permis de recherches démontre à l’autorité administrative qu’une telle limitation ne permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d’exploitation en vue d’atteindre l’équilibre économique par l’exploitation du gisement découvert ».

Au Sénat, la foire aux dérogations se poursuit : dérogation « pour la recherche publique réalisée à seule fin de connaissance géologique », dérogation si l’industrie n’a pas obtenu « une rémunération normale des capitaux immobilisés », dérogation pour tous les permis déposés avant le 6 juillet 2017, dérogation pour les outre-mer (trente-trois permis de recherche restent valides). Bref, la fin des combustibles fossiles ne concerne plus grand monde…

Acte 4 - On sauve les meubles

Une séance de rattrapage était encore possible, à l’occasion de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, hier, vendredi 1er décembre. « Je compte sur vous pour reprendre le texte, lui rendre son souffle et sa pertinence », a déclaré Nicolas Hulot aux députés en début de séance. Un vœu presque exaucé. « Nous avons rétabli le texte, avec une ambition forte et une applicabilité concrète », s’est félicité, à la sortie, le rapporteur du texte, le marcheur Jean-Charles Colas-Roy.

Si les dérogations introduites par le Sénat sont éliminées, celles votées en première lecture à l’Assemblée nationale persistent : exploiter des hydrocarbures en France au-delà de 2040 restera possible « en vue d’atteindre l’équilibre économique », le gisement de gaz sulfuré de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) pourra continuer ; les gaz de couche, à condition d’être exploités de manière conventionnelle (donc sans fracturation hydraulique, par exemple), passent entre les mailles du filet.

« Cela ne concerne que quatre à cinq permis. Hormis quelques exceptions, l’exploitation des hydrocarbures en France s’éteindra en 2040 », minimise Jean-Charles Colas-Roy. Juliette Renaud, qui a suivi le dossier pour les Amis de la Terre, dessine un autre tableau : « On est allés de recul en recul, comme si Nicolas Hulot avait baissé les bras avant même de commencer. Mais bon, au moins on n’aura plus de nouveaux permis. C’est déjà cela ! »

Le texte doit désormais repasser au Sénat, puis revenir une dernière fois à l’Assemblée, sans doute le 19 décembre : elle aura le dernier mot, aucune modification majeure n’est donc attendue.

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