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ReportageLuttes

« Ça ne marche pas de demander gentiment » : des activistes sabotent une usine à béton

Sur le site de Béton Lyonnais, à Décines-Charpieu, près de Lyon, le samedi 4 mars 2023.

Au nom de la protection de l’eau, des militants de Youth for Climate et Extinction Rebellion ont occupé une centrale à béton près de Lyon. Des bétonnières, des réservoirs d’essence et un concasseur ont été sabotés.

Décines-Charpieu (Rhône), reportage

Gants de travail aux mains et chaussures enrobées dans des sacs plastiques, une dizaine d’activistes masqués s’élance vers les silos de Béton Lyonnais. Derrière eux, le gros des forces de Youth for Climate et Extinction Rebellion déploie une banderole et entasse des gravats pour entraver l’accès à cette centrale à béton… sous le regard stupéfait du gardien des lieux.

D’une voix rocailleuse, l’homme d’une cinquantaine d’années téléphone à la police : « Oui oui oui, des jeunes dangereux, ils m’ont fait peur ! Ils sont rentrés comme une masse ! » À la frayeur succède la colère. « Je vais vous démonter vos morts ! Terroristes ! » éructe-t-il à l’adresse des militants venus de Grenoble, Saint-Étienne, Marseille, Aix-en-Provence et du Beaujolais. Ils sont près de soixante présents depuis l’aube pour occuper et saboter cette usine située en périphérie de Lyon.

L’entrée du site de Béton Lyonnais a été bloquée par ces activistes écologistes. © Moran Kerinec / Reporterre

Installée à Décines-Charpieu depuis 1993, cette centrale à béton accumule les entorses à la réglementation environnementale et administrative : forages et pompages illicites de l’eau, décharge sauvage, déversement de ses eaux usées à même le sol… Surtout, elle est soupçonnée par les associations de protection de l’environnement de pollution aux hydrocarbures alors qu’elle est située à un jet de pierre de la Rubina, un captage d’eau potable du Grand Lyon.

Des riverains ont bien mené une action devant le tribunal administratif pour réclamer la fermeture du site, mais leur requête a été rejetée le 28 février. Béton Lyonnais est aussi poursuivi au pénal pour des atteintes répétées à l’environnement et le non-respect de la réglementation d’une « Installation classée protection de l’environnement » (ICPE). Le procès qui devait se tenir en octobre 2022 a été repoussé au 14 septembre 2023.

Les activistes ont mis en place un barrage pour empêcher le passage des bétonnières. © Moran Kerinec / Reporterre

Face à l’inefficacité des recours légaux et aux refus de la préfecture du Rhône et de la mairie de Décines-Charpieu de fermer le site, les militants ont décidé de « désarmer » préventivement Béton Lyonnais. « Il est inacceptable d’attendre une pollution avérée pour agir, alors qu’il est possible de protéger l’eau dès aujourd’hui », justifie Marin Bisson, membre de Youth for Climate et étudiant en droit à Lyon.

« C’est une zone agricole protégée où Béton Lyonnais n’aurait jamais dû avoir le droit de s’installer, abonde Gallyah [*], une militante locale d’Extinction Rebellion. Ce sont les pouvoirs publics qui l’ont permis, et qui ont abandonné des riverains qui se sont retrouvés seuls pendant des années à lancer l’alerte. »

« Il y a urgence et ça ne marche pas de demander gentiment »

Les activistes ont usé de ciment à prise rapide pour entraver les machines. Développeur web dans la Loire, Luc [*] détaille : « On a cimenté les bétonnières, les réservoirs d’essence, le tableau de bord d’un concasseur et la porte d’un local. » Pour ce trentenaire, ce sabotage « n’a rien de définitif » mais reste essentiel pour pallier à l’inaction politique et étatique : « Il y a urgence et ça ne marche pas de demander gentiment. Alors il faut monter d’un cran dans les actions. »

Sur le site, un employé menace les activistes : « Cassez-vous maintenant ! » Une jeune femme est frappée à l’arcade sourcilière. Une seconde est jetée à terre. Un duo monté en haut d’un silo pour déployer une banderole est malmené. Le désarmement accompli, les militants prennent la clef des champs à travers les choux… Pour se faire cueillir une centaine de mètres plus loin par les forces de l’ordre, qui les relâchent après un contrôle d’identité. Un bilan positif apprécie Marin Bisson, qui constate « une intensification des actions de désarmement depuis un an. Et ça va continuer à s’amplifier. »

« Ça va continuer à s’amplifier », promet Marin Bisson, militant lyonnais de Youth for Climate. © Moran Kerinec / Reporterre

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