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TribuneCenter Parcs et Roybon

Center Parcs en Chambarans : une lutte écologique, mais aussi sociale

En Isère, Center Parcs veut installer un « village vacances » dans une forêt naturelle. La lutte des écologistes a permis de figer le projet, mais la bataille n’est pas finie. « La lutte sociale et politique pour refuser cette dévastation de plus et de trop est une étape, ne la laissons pas aux mains uniques des juges et des techniciens, des politiques et des gestionnaires et des lobbies du capitalisme vert naissant. »


Sur les ondes de France Bleue Isère, sur FR3 Grenoble et dans les colonnes du Dauphiné Libéré, le projet de Center Parcs Isère réapparaît brusquement, en ce début d’année, avec comme protagoniste Marcel Bachasson, maire de Roybon.

Après plus d’un an de silence organisé, afin de se faire oublier, ce "village de Vacances" démesuré, affaibli par une opposition assez marquée, un manque évident de soutien, des problèmes techniques, un échec en justice sur un point de forme et une incapacité à « rembourser » la zone humide détruite, ressurgit donc avec cet édile comme seul protagoniste des médias.

Il est à noter que MM. Queyranne et Vallini, présidents des conseils régional et général, ainsi que leurs adversaires politiques, mais alliés pour ce projet, ne prennent plus « officiellement » sa défense. Ils n’avaient pourtant, à l’époque où tout semblait si simple, de cesse de se
répandre dans la presse pour se glorifier d’avoir, à coup de subventions, de
cadeaux et de marques déférentes de soutien, su attirer le prédateur « Pierre & Vacances-Center Parcs » dans la région. Leurs partis respectifs sont également dans le silence total.

Ces emplois qualifiés de merveilleux, cette revitalisation des Chambarans, ce « rééquilibrage » entre l’or blanc des stations et l’or vert de la campagne et des plaines tant vantés, unanimement par ces derniers ne font, semble-t-il, plus recette.

De multiples élections se préparant dès 2012, la prudence pour ces carriéristes accrochés aux calculateurs de voix paraît de mise aujourd’hui. Cette attitude est révélatrice de l’embarras sur ce projet finalement beaucoup plus impopulaire que prévu et, si l’on en croit les rumeurs, devenu subitement « indéfendable politiquement ».

Malgré tout, le maire de Roybon reste mandaté par ces derniers pour relancer les procédures, après le coup d’arrêt judiciaire, et reprendre avec toutes les précautions les démarches légales.

Ce projet, l’entreprise Pierre & Vacances le veut et l’exige. Nos élus actuels, de droite comme de gauche, le veulent aussi, espérant bien le réhabiliter plus tard aux yeux des citoyens et ils feront tout pour le mener à son terme.

La lutte doit donc continuer et se renforcer et surtout se placer sur le terrain du débat de fond et des idées.

Les actions en justice, menées par l’association Pour les Chambarans Sans Center-Parcs, ont permis de gagner du temps et de ne pas laisser ce projet démarrer, alors qu’à l’époque ses promoteurs l’avaient, sans consultation aucune, décidé autoritairement et souhaitaient le mener au pas de course afin de ne pas laisser, justement, une opposition s’installer et se développer.

C’est pourquoi, afin de récupérer ce temps gagné pour en faire un temps de lutte et de dénonciation sur ce que représente ce projet, nous avions à l’époque, sur ce blog, soutenu cette démarche juridique.

Nous l’avions, vu l’urgence, acceptée comme une étape, nécessaire et efficace, à condition d’utiliser le temps gagné pour favoriser la prise de conscience, le débat et la réflexion, mais pas comme une fin en soi.
Nous n’avons parallèlement pas cessé de maintenir la pression, par l’information sur la société Center-Parcs, ses nuisances et destructions multiples, ses pillages de subventions, la nature réelle de ses emplois de misère, sur l’artificialisation de la nature qu’elle prône, sur l’accaparement des forêts libres et leur privatisation qu’elle mène à marche forcée avec la complicité et l’appui des politiques.

Ces informations sont essentielles pour dénoncer et combattre les destructions de l’industrie du tourisme passées, présentes et futures de nos lieux de liberté, forêts libres, plages et autres lacs, étangs ou simples prairies, commises notamment par la très prospère entreprise Pierre & Vacances.

La lutte du milieu associatif contre ce Center Parc, s’est, ces derniers mois, figée dans la guérilla juridique et la course aux adhésions pour la financer. Il est vrai que, dans un premier temps, cela a permis de donner un coup d’arrêt utile et nécessaire. Mais le combat politique s’en est vu estompé et seuls des arguments strictement juridiques, écologiques et techniques ont été mis en avant.

Ces arguments ne sont pas contestables et nous les portons également.
Destructions d’une forêt sub-naturelle et de zone humide, mise en danger d’un milieu essentiel pour les nappes phréatiques, destruction de bio-diversité, gaspillage d’eau….

Mais si ces problèmes sont réels et graves, l’autre versant de la contestation n’en est pas moins essentiel

Comment et pourquoi des entreprises du type de Center-Parcs peuvent elles, en toute légitimité, s’imposer dans nos territoires et dans nos vies ?
Quelle est la société qui permet et fait accepter ces projets destructeurs, sur fond de privatisation des territoires, d’aliénation sociale, de création d’emplois vides de sens et d’utilité personnelle et collective réelles ?

Quelle est la société qui organise, sur une population paupérisée et angoissée, le chantage à l’emploi, afin de mener à bien ses destructions massives et juteuses ? Quelle est la société qui, dans une course folle pour se maintenir à flot, nous impose, crises après crises, de nouvelles mutations, de nouvelles bulles, de nouvelles consommations compulsives, sédatives, abrutissantes, rentables pour une infime minorité qui s’en enrichit et assoit son pouvoir, mais qui s’effondrent les unes après les autres, en attendant les prochaines, détruisant au passage la vie des populations précédemment asservies ?

Quelle est la société qui après avoir organisé l’ultra-spécialisation des territoires du monde avec son cortège de délocalisations, nous « vend » aujourd’hui, chez nous, des « emplois » tertiaires » touristiques sauveteurs car « non délocalisables » ?

Quelle est la société qui a détruit à ce point le sens du lien social en réussissant à légitimer le fait qu’un service humain à un être humain soit devenu une marchandise comme une autre, une activité payante ou salariée, selon le côté ou l’on se situe ?

Quelle est la société qui parque des êtres humains dans des camps de vacances, pour à la fois les distraire et les salarier, après avoir détruit la nature libre qui s’y étendait précédemment ?

Quelle est la société qui continue et peaufine la destruction totale de la nature et des espaces libres en les marchandisant ?

Au travers de la lutte contre Center-Parcs, c’est la lutte contre cette société qui nous débarrassera de ces structures et autres marchandisations du vivant.

Et c’est ce combat global et essentiel qu’il nous faut mener

La participation « critique » d’associations locales au débat les mène
aujourd’hui, pour certaines, à avancer des propositions « équivalentes » pour créer la même quantité d’emplois, au même endroit que le Center Parcs de Roybon, voire « 4 fois plus », comme annoncé en première page du site de l’association Pour les Chambaran Sans Center Parcs.

De la même manière, le président de cette association publie, en son nom, sur le même site, une lettre dans laquelle il dit n’être pas contre Center-Parcs, mais ne le veut pas à Roybon, le préférant à Beaurepaire, dont l’entreprise pourrait alors "reboiser" des terres "fatiguées par l’intensité des cultures".

En rentrant dans la mascarade des « propositions alternatives », ces associations ne font que renforcer cette société et donner cruellement l’espoir que l’on peut la rendre « sociale » et plus douce, validant au passage l’emploi salarié comme seule fin en soi d’une existence.
Cela fait des dizaines d’années que des « progressistes » tiennent ce langage et mènent ce « combat » naïf et incohérent.

Naïfs ou complices ?

Ces derniers n’ont fait que valider le monde qu’ils étaient censés remettre en cause et l’aider à se pérenniser en enrôlant ses contradicteurs.
Un texte rédigé par quelques membres d’associations, qui se greffent aujourd’hui sur le combat, relayé et donc soutenu sur le site de l’association Pour les Chambaran sans Center Parcs et annoncé comme destiné aux seuls élus, est l’exemple même et des plus typiques de ce phénomène ou des opposants deviennent les « crétins utiles » du système dont ils sont censés dénoncer une des nuisances.

Ce texte n’étant pas destiné au commun des mortels, mais aux élus, nous montre au passage, qu’un certain monde estime que les problèmes doivent continuer à se gérer entre personnes averties, dans le dos des populations inaptes par nature à réfléchir ensemble à leur vie et à ce qu’ils veulent en faire.

Son dernier paragraphe prône, en remplacement des aides publiques à Center Parcs, des aides à la filière bois, qui nous dit-on, serait en manque cruel de main d’oeuvre. La filière bois est, il est vrai, devenue si « éco-blanchie » dans sa communication, qu’elle en devient brutalement noble aux yeux de certains, et a donc droit au respect et à l’argent public ! La destruction des forêts, quand elle est présentée comme « durable » n’a plus la même odeur,et les conditions de travail de cette filière économique en seraient donc devenues miraculeusement merveilleuses…

Il prône, également, le financement d’emplois d’aides aux personnes âgées,
validant ainsi l’acceptation d’une vie ou nos anciens se verront en fin de
parcours « source d’emplois » dans un « marché » qualifié récemment par un journal économique de « porteur ». On pourrait donc tout à fait légitimement financer l’installation à Roybon d’une résidence "Les Sénioriales" autre marque du groupe Pierre et Vacances, justement spécialisée sur ce « marché » si lucratif et si peu humain, nous semble-t-il, de nos aïeux transformés en objets créateurs de richesses, gérés et séparés de leurs descendants !

Face aux ravages de la société marchande, nous prônons, nous, la remise en cause totale du système actuel, et sa destruction.

La lutte sociale et politique pour refuser cette dévastation de plus et de trop, est une étape, ne la laissons pas aux mains uniques des juges et des techniciens, des politiques et des gestionnaires et des lobbies du capitalisme vert naissant.


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