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Quotidien

Chaussures, pulls… Faire réparer ses vêtements coûtera moins cher

Réparer ses vêtements coûtera entre 8 et 25 euros moins cher.

Le bonus réparation pour les vêtements et chaussures doit inciter à faire réparer plutôt qu’à jeter et acheter du neuf. Si cette aide est attendue par certains consommateurs, elle pourrait se heurter aux habitudes instaurées par la mode jetable.

Faire recoudre la doublure d’un manteau, réparer un accroc dans un pull en laine ou ressemeler des bottines va désormais coûter entre 8 et 25 euros moins cher. Cela incitera-t-il les consommatrices et consommateurs à faire réparer plutôt qu’à jeter ? C’est en tout cas l’objectif de Refashion, l’éco-organisme de la filière textile d’habillement, linge de maison et chaussures, avec le lancement le 7 novembre du « bonus réparation ».

Le dispositif, qui s’inscrit dans le cadre du fonds de réparation créé par la loi Agec, est le même que celui déjà en place depuis un an pour les équipements électroménagers.

600 professionnels labellisés

La nouvelle plateforme Bonusreparation.fr permet de trouver un professionnel labellisé près de chez soi. Pour l’heure, seulement 600 boutiques le sont, sur les 11 000 répertoriées sur le territoire.

Interrogé par Reporterre, Jean-Pierre Verneau, président de la Fédération française de la cordonnerie multiservice (FFCM), se veut optimiste : « Jusque là, les cordonniers s’interrogeaient sur ce système, se méfiaient de la paperasse, s’imaginaient que les démarches seraient trop longues à faire. Avec la communication autour du lancement, ils vont bouger. D’autant qu’il y a une vraie attente de la part des clients. On a déjà des demandes depuis quelque temps. »

Concrètement, la remise sera directement déduite de la facture finale par le cordonnier ou le couturier. Elle s’élève à 8 euros pour un changement de patin, 25 euros pour remplacer une semelle en cuir, 7 euros pour raccommoder un vêtement ou encore 15 euros pour réparer un grand zip. Les bonus sont cumulables : si votre manteau nécessite plusieurs réparations, vous pourrez bénéficier de plusieurs remises.

« Il a été observé qu’à partir de 25-35 % de moins sur la facture, cela pouvait déclencher un changement d’habitude, dit Elsa Chassagnette, responsable du Fonds de réparation au sein de Refashion. C’est ce seuil qui nous a aidés à déterminer les barèmes du bonus que nous avons ensuite modulé avec les fédérations et les retours du terrain. »

Une légère hausse des prix sur les petits tarifs

Toutefois, certains travaux de cordonnerie ou de couture ne pourront pas bénéficier du bonus. Ce sera le cas de toutes les retouches sur vêtements neufs, comme les ourlets et autres opérations d’ajustement de la taille, la mise en forme de souliers neufs ou encore les réparations sur les sacs, la maroquinerie n’étant pas intégrée à la filière Refashion.

Par ailleurs, la remise ne pourra pas dépasser 60 % du prix de la réparation et ne s’appliquera que sur les factures de 12 euros minimum. Certains professionnels appliquant à la base de petits prix vont donc sans doute augmenter leurs tarifs. Mais le client restera toujours gagnant, assure Jean-Pierre Verneau de la FFCM. Et pour contrer les professionnels peu scrupuleux qui pourraient vouloir profiter de l’effet d’aubaine, Refashion indique avoir mis en place différents moyens de contrôle antifraude, « qui nous permettront de détecter rapidement si un réparateur a augmenté de façon significative ses prix ».

De là à changer les habitudes de consommation... rien n’est moins sûr. Pxhere/CC0

Mais ce bonus sera-t-il suffisant pour faire changer les habitudes ? En 2022, nous avons acheté 827 000 tonnes de produits pour nous chausser et nous vêtir. Face à cette montagne de vêtements consommés et jetés, contrer les habitudes va prendre du temps.

Refashion en est conscient et prévoit que le bonus réparation s’inscrive dans la durée et s’intensifie. Un budget de 154 millions d’euros — provenant de l’écocontribution payée par les producteurs de vêtements et chaussures — est prévu jusqu’en 2028. L’éco-organisme mise sur une hausse de 35 % du volume de textiles et chaussures réparés d’ici cinq ans.

Réparer un produit déjà passé de mode ?

Pour Zero Waste France qui a été consultée sur ce dispositif, le bonus doit être assez élevé pour rendre la réparation abordable, c’est-à-dire « en-dessous du seuil psychologique de 33 % du prix du neuf ».

Si l’association note que les tarifs annoncés peuvent sembler « à première vue » suffisants, elle met en garde : « Cela implique que les chaussures et vêtements à réparer aient une valeur intrinsèque forte aux yeux de leurs propriétaires, de par les matériaux dont ils sont composés et de par l’attachement émotionnel qu’ils peuvent susciter. » Il n’est pas certain que les Françaises et Français voient l’intérêt de faire réparer un produit en plastique acheté à bas prix sur un coup de cœur et déjà passé de mode.

L’association estime surtout qu’il s’agit d’un premier pas. Elle appelle à la mise en place d’autres mesures « pour mettre fin au système de surproduction de la fast fashion », comme des objectifs contraignants de réduction des déchets textile et une trajectoire de réduction des mises sur le marché.

Le gouvernement avait annoncé en novembre dernier débloquer 1 milliard d’euros contre la mode jetable et le gaspillage. Mais si les produits plus durables et vertueux sont favorisés par l’octroi de primes, peu de mesures sanctionnent la mode jetable. On attend encore la mise en place d’un écoscore sur les étiquettes qui permettrait de repérer en magasin les vêtements les plus nocifs pour l’environnement.

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