Comment trouver des fleurs made in France ?

Un bouquet de roses rouges. - Unsplash / Süheyl Burak
Un bouquet de roses rouges. - Unsplash / Süheyl Burak
Durée de lecture : 7 minutes
Quotidien AgricultureEn France, cultiver des roses en plein hiver est un chemin semé d’embûches pour les producteurs. Mais grâce aux variétés de saison, aux fleurs séchées et labels spécialisés, il est possible d’offrir un bouquet local.
C’est décidé, cette année, à la Saint-Valentin, vous boycottez la rose importée en avion depuis le Kenya ou l’Équateur, et optez pour une fleur… locale ! Une rose française en février ? Même si elle existe, vous aurez sans doute du mal à la trouver.
« Aujourd’hui, il reste moins d’une dizaine de producteurs de roses dans le Var, alors qu’on en recensait une centaine dans les années 80, constate Gilles Rus, directeur développement au Marché aux fleurs de Hyères, dans le Var, premier département producteur de fleurs. « Ce déclin est lié d’abord à la concurrence vive des productions en provenance d’Afrique et d’Amérique du Sud qui tirent les prix vers le bas. Mais aussi à des charges en augmentation, comme, entre autres, les coûts des serres. »
Car, pour récolter des roses en hiver, la serre chauffée est inévitable, que ce soit aux Pays-Bas, premier producteur européen, ou dans le sud de la France. Aussi beaucoup de floriculteurs français ont-ils préféré renoncer à cette culture peu rentable et énergivore.

Ultime épine : les derniers producteurs ont aujourd’hui toutes les peines du monde à traiter leurs roses contre les maladies, faute de produits phytosanitaires licites. « Certains pesticides interdits sur les fleurs sont pourtant autorisés sur certains légumes », affirme Gilles Rus.
Les firmes phytopharmaceutiques, si elles sont prêtes à déposer des demandes d’autorisation de mise sur le marché d’un biocide pour lutter, par exemple, contre des prédateurs de la tomate ou de l’aubergine, dont les tonnages sont énormes, ne le font pas pour les fleurs, filière minuscule peu profitable pour elles.
Et pour la rose bio ? C’est encore pire : très sensible aux moisissures, « sa culture ne fonctionne pas sous serre, estime Sylvie Robert, déléguée générale de l’association Excellence végétale. On est dans une impasse technique ».
Déclarer sa flamme avec une rose : un symbole marketing
Alors si la rose française se fait rare en février, pourquoi ne pas offrir du mimosa ? De l’hellébore, qui arrive sur la fin de saison, mais qu’on peut encore trouver fleurie ? Des anémones et des renoncules ? Ou encore les premières tulipes et jonquilles ?
« Il existe une offre intéressante en février. Mais la rose reste pour les gens la fleur à offrir pour la Saint-Valentin, regrette Sylvie Robert. Or il s’agit d’un symbole purement marketing ! En local, on peut trouver aussi de très belles graminées ou des fleurs de chardon, par exemple. La fleur séchée revient à la mode. »

La plupart des fleurs fraîches viennent du sud de la France. Dans le Nord, l’offre est plus limitée. « À cette saison, nous n’avons pas grand-chose dans nos champs, mis à part des jonquilles, reconnaît Julie Haddad, chargée de projet à Fleurs d’Halage, une ferme florale urbaine écologique et solidaire située à l’Île-Saint-Denis, en Île-de-France. Il existe une demande annuelle pour les fleurs alors qu’en réalité, en hiver, on aimerait que les gens n’achètent pas de fleurs ! »
Elle réfléchit pour sa part à l’option des fleurs séchées, et envisage de tester la fleur stabilisée : la fleur fraîche est trempée dans de la glycérine végétale ; une fois séchée, elle est censée conserver son apparence pendant plusieurs mois.
Bientôt l’origine des fleurs affichée sur l’étiquette ?
Renoncule, anémone, tulipe… Une fois la variété de saison identifiée, encore faut-il être certain que les fleurs convoitées en magasin ont bien poussé en France, et pas à l’autre bout de l’Europe ou du monde ? Car plus de 80 % des fleurs coupées sont aujourd’hui importées.
Une grosse partie transite par les Pays-Bas, sans que leur origine exacte soit toujours connue, y compris des vendeurs eux-mêmes. Ces derniers n’ont d’ailleurs aucune obligation d’indiquer d’où viennent leurs produits. Un manque de transparence auquel les professionnels du secteur souhaitent remédier.

L’Union nationale des fleuristes (UNF) a annoncé l’affichage de l’origine et le nom du producteur sur les fleurs coupées : « On est en train de mettre en place un système d’authentification et d’identification avec les grossistes et les importateurs pour que l’information puisse figurer sur la facture fournie aux fleuristes », explique Pascal Mutel, son président.
Charge ensuite aux fleuristes d’en informer (ou pas) leurs clientes et clients. Mais ce dispositif ne sera effectif qu’à compter du 1ᵉʳ juillet 2023, trop tard pour la Saint-Valentin, et même pour la prochaine fête des mères.
« C’est une super initiative, mais elle restera d’application volontaire, regrette Julie Haddad. Certains fleuristes n’auront pas forcément intérêt à être transparents. Il faudrait inscrire cette obligation dans la loi, comme c’est déjà le cas pour l’origine des fruits et des légumes. » Mais, selon l’UNF, un étiquetage obligatoire ne peut être décidé qu’à l’échelle européenne.
Fleurs de France, le label pour repérer les fleurs locales
Pour l’heure, le client peut heureusement s’appuyer sur Fleurs de France pour repérer les productions hexagonales, logo également utilisé pour les sapins de Noël. « C’est le seul label qui garantisse vraiment, avec des contrôles à la clé, que la fleur coupée est bien française et que son producteur est engagé dans une démarche écoresponsable », souligne Sylvie Robert.
En plus de l’origine géographique, l’horticulteur doit posséder l’une des certifications suivantes pour attester de cette démarche : Plante Bleue, MPS (Milieu Programma Sierteelt), Charte Qualité Fleurs ou bien Agriculture Biologique.

D’autres initiatives ont fleuri ces dernières années, à l’instar du Collectif de la fleur française qui regroupe quelque 200 fermes florales, ainsi que des grossistes et des fleuristes. Fleurs d’Halage en fait partie : « Nous vendons au moins la moitié de notre production à des fleuristes appartenant au collectif », détaille Julie Haddad. La charte impose aux floriculteurs de cultiver « le plus naturellement possible » et aux fleuristes de recourir « a minima à 50 % de fleurs françaises, locales et de saison ».
Ce collectif prouve que la production française a bel et bien envie de se battre. « On compte actuellement entre 300 et 400 producteurs, selon les dernières données de France Agrimer, un chiffre sans doute sous-estimé », précise Malorie Clair, chargée de projet à Excellence Végétale.
« Aura-t-on encore des producteurs de fleurs coupées dans 10 ans ? »
Depuis un an, elle pilote le projet Bleu Blanc Fleurs, mis en place avec Valhor, l’interprofession française de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage, et France Agrimer. Objectif : permettre à la filière florale française de mieux se structurer notamment sur le plan logistique, lui fournir des outils et étudier des modèles économiques pour aider de nouveaux producteurs à s’installer. « On a perdu plus de 40 % de producteurs en 10 ans. Pourtant, on a la chance en France d’avoir des bassins de production diversifiés, et des espèces de fleurs très variées toute l’année », explique Malorie Clair.
Une « initiative intéressante, mais très ambitieuse », se félicite Gilles Rus. Relancer la production nationale lui semble difficile au regard de la concurrence étrangère toujours plus forte profitant de contraintes sociales et environnementales bien moindres que celles appliquées en France. « Aura-t-on encore des producteurs de fleurs coupées dans 10 ans ? s’inquiète-t-il. La solution est surtout entre les mains du consommateur. » Avec cette question sous-jacente : ce dernier est-il prêt à payer un peu plus cher pour une fleur qu’il souhaite plus locale et écoresponsable ?