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Sivens

Course contre la montre pour sauver la zone humide du Testet

Une zone humide est menacée par un projet de barrage au Testet, dans le Tarn. Après l’expulsion des occupants par les gendarmes, et le report vendredi du procès, une manche décisive a lieu ce lundi au tribunal. José Bové est venu soutenir les écologistes, tandis que sur place, la résistance se renforce.


-  Albi, reportage

Les premières giboulées de printemps n’ont pas empêché la vingtaine de membres du collectif Tant qu’il y aura des Bouilles de se rassembler devant le palais de justice, vendredi 28 février. Sujet de l’audience au Tribunal de grande instance : le référé rétractation sur l’ordonnance d’expulsion intervenue jeudi sur la zone du Testet à la demande du Conseil Général du Tarn.

À peine la séance est-elle entamée que l’avocate du Conseil général demande le report : « Nous n’avons pris connaissance de l’intégralité des pièces que hier soir à 17 heures et n’avons pas eu, de ce fait, le temps de déposer nos conclusions ». Etonnant paradoxe : le Conseil Général a pris un arrêté sans demander son avis aux occupants et sa représentante, mais il demande un laps de temps supplémentaire pour examiner les pièces du dossier. Le juge décide de renvoyer l’audience à lundi 3 mars.

À la sortie de l’audience, Maitre Dujardin, avocate des habitants expulsés, remarque que « l’ensemble de la procédure a été réalisée en catimini, l’ordonnance n’a été signifiée aux habitants qu’au moment même où elle s’est exécutée. On voit bien la volonté manifeste du Conseil général de passer en force ». Confirmation immédiate avec la réception d’un texto venant de la zone évacuée, où la dizaine de militants restés sur place nous apprend que « des naturalistes accompagnés d’une vingtaine de militaires (gardes-mobiles) sont sur la zone pour procéder au prélèvement d’espèces ». L’avocat reste optimiste : « Lundi, le débat aura vraiment lieu et la décision qui sera prise sera, je pense, plus solide ».

Il ne s’agit plus de perdre une minute, car depuis le déclenchement des opérations policières de jeudi, les choses se sont accélérées. En même temps que le campement de la Bouillonnante, ancien siège de l’occupation, était détruit, la Préfecture du Tarn publiait un arrêté interdisant la circulation de véhicules sur la route traversant la zone du Testet jusqu’au 5 mars prochain. Le timing est le suivant : expulser les occupants de la zone, déplacer les espèces, puis procéder aux travaux de déforestation, qui devront se dérouler avant le 31 mars.

Ce n’est que beaucoup plus tard que le Conseil d’Etat tranchera sur le bien fondé de « l’utilité publique » du barrage. Sauf que les travaux pourraient être déjà entamés et la zone humide et forestière ratiboisée. Alors, si la justice impose de donner un délai d’un mois aux habitants pour quitter les lieux et se reloger, c’est autant de retard dans les travaux. Cela pourrait même remettre en cause le projet puisqu’une partie des financements, venus de l’Europe, est directement liée à des délais très serrés.

Fric et bulldozers

Hasard du calendrier : ce vendredi était voté le budget annuel du département. Raison pour laquelle, le second collectif de la lutte, le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, appelait à un autre rassemblement devant l’entrée du Conseil Général, située à deux cent mètres du tribunal. L’objectif : remettre aux élus du Conseil Général une lettre déconstruisant point par point les arguments des promoteurs du projet et demander une fois encore un débat contradictoire et public. Mais arrivés à l’entrée, c’est un cordon de policiers et des portes fermées qui nous accueillent.

« Vous nous interdisez l’accès à la maison du peuple et des citoyens scande une manifestante ». Un opposant, coiffé d’un chapeau de grenouille affiche « sa solidarité avec tous les batraciens qui habitent dans la zone humide du Testet » et ajoute plus sérieux : « Le Conseil général s’est engagé à préserver les zones humides dans son programme et fait tout aujourd’hui pour en détruire 45 hectares. C’est comme ailleurs, les 3P, partenariat public privé, font bosser les 3B, bulldozers, béton, bitume. ». Des clowns postés devant le cordon policier jouent à faire rire les pandores. L’ambiance est bon enfant, mais se tend quand se profile derrière le cordon policier M. Stéphane Mathieu, directeur de l’eau au Conseil général et chargé du projet du barrage.

À travers les grilles, nous cherchons à l’interroger mais il refuse de répondre à nos questions.

Nus sommes maintenant près d’une quarantaine accompagnés de nombreux journalistes, y compris nationaux. Leur présence s’explique avec l’arrivée du député européen José Bové, venu afficher son soutien au mouvement et réitérer sa demande de mettre en place un médiateur.

Ecouter José Bové :

Son discours sur les édiles locales fait réagir dans l’assemblée : « C’est exactement ça, s’enthousiasme Virginie, un élu n’est pas élu pour diriger seul dans son coin mais pour servir le public ! Nous demandons le dialogue, le débat avec un courrier poli et circonstancié. Et en face, jamais de réponse, rien que du mépris ».

En attendant l’orage, déjà la grêle

L’objectif du rassemblement est simple : remettre aux élus du département un courrier déconstruisant point par point les arguments du Conseil général en faveur du projet. Mais l’entrée du Conseil général reste inaccessible. Il faut finalement faire appel à un appui interne au Conseil Général. Roland Foissac, élu communiste et vice-président du Conseil-Général, qui appuie le mouvement depuis mai 2013, rejoint l’assemblée et prend publiquement l’engagement de déposer le courrier dans les boîtes aux lettres de ses collègues.

Pour aujourd’hui, mission accomplie. La foule se disperse, une partie rejoint la zone du Testet pour soutenir les courageux restés sur place. La nuit sera certainement rude et humide si l’on en juge par la couleur du ciel. Mais dès samedi, l’action reprend avec une grande journée d’appel à la convergence des luttes, prévue de longue date. Désormais, il faut reconstruire tout un campement sur une autre parcelle n’appartenant pas au Conseil Général mais à l’ONF et donc non-expulsable jusqu’à nouvel ordre. Et dès lundi, retour à Albi à 11 heures pour tenter de ralentir la procédure d’expulsion, gagner une semaine, un mois, pour peut être, enfin, faire échouer ce projet de barrage.

Sur la route du retour, au niveau de Gaillac, une averse de grêle tombe brutalement et nous force presque à nous arrêter sur l’autoroute, comme un signe de l’acharnement que subit la ZAD, à seulement quelques kilomètres. Mais preuve aussi de sa résistance, dès le soir de l’expulsion, depuis un coin trempé de la zone humide, à quelques pas de l’ex-campement détruit, on recevait cet appel : « On ne panique pas, on se regroupe, on se rassemble et on continue la lutte ».


REMETTRE LE DOSSIER A PLAT

José Bové propose un médiateur pour remettre le dossier à plat :

Ecouter :

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