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ReportageLuttes

Dans le Sud-Ouest, écolos et chasseurs disent non aux lignes TGV

Dans la forêt des Landes de Gascogne, le 4 février 2023.

Les opposants à la ligne à grande vitesse du Sud-Ouest ont organisé le 4 février une balade naturaliste sur le tracé prévu. Le but : porter la lumière sur les écosystèmes que le chantier détruirait.

Préchac (Gironde), reportage

Un ruban de manteaux colorés déroule son tracé dans la forêt des Landes de Gascogne. Plus d’une centaine de personnes suivent le chemin bordé de fougères rousses et de pins aux troncs gris qui débouche sur l’un des objectifs de la balade du jour : le ruisseau du Taris et l’aulnaie qui allonge ses branches le long du cours d’eau.

Difficile de s’imaginer pour l’instant que c’est ici que passera l’éventuelle ligne à grande vitesse (LGV) du « grand projet ferroviaire du Sud-Ouest » (GPSO). « On a voulu organiser cette balade pour que les gens se rendent compte sur le terrain des conséquences sur nos lieux de vie », dit Pauline Dupouy, organisatrice de la marche, membre du collectif LGV Ni ici ni ailleurs (Nina) et habitante de Préchac depuis vingt ans.

Une centaine de personnes ont participé à cette marche sur les terrains où pourait passer la ligne à grande vitesse. © Adryades

Avec l’aide des cartes du tracé et d’autres que leur ont fourni des techniciens du syndicat de la vallée du Ciron, les intervenants de la journée reviennent sur les espèces présentes dans ce petit bout de forêt où la ripisylve joue un rôle de réservoir de biodiversité majeur : chouettes hulottes profitant des creux dans les vieux chênes pour nicher ou tortues cistude qui forment des touradons pour dorer leurs carapaces au soleil.

Un viaduc de sept mètres de haut

« Là où sont les trois pins là-bas, il y aura un viaduc de sept mètres de haut si le projet se réalise », montre Lionel, de l’association Adryades, une structure locale de préservation de la biodiversité, au public venu assister à la sortie.

Les bords du Taris, à Préchac, sont un réservoir de biodiversité. © Chloé Rebillard / Reporterre

Le GPSO prévoit de construire de nouvelles lignes de train : l’une entre Bordeaux (Gironde) et Toulouse (Haute-Garonne), une autre entre Bordeaux et Dax (Landes) qui serait allongée, dans un second temps, entre Dax et Irun, de l’autre côté de la frontière avec l’Espagne. Après être resté des années dans les tiroirs, le projet a refait surface en 2019 et s’accélère.

Les opposants craignent que les premiers engins de chantier ne pointent leurs pelles mécaniques avant la fin de l’année 2023. Ils et elles tentent donc de mobiliser sur le terrain : « Il y a une unanimité sur le fait qu’on ne s’en remettra pas si le projet voit le jour, mais beaucoup de gens se sentent impuissants et se disent “c’est comme ça” », constate Pauline.

Jean-Pierre Chusseau, secrétaire de l’association locale de chasse à Préchac, détaille les points de passage de la faune. © Chloé Rebillard / Reporterre

Question unanimité, il est rare de voir écologistes et chasseurs emprunter les mêmes chemins. Ce 4 février pourtant, Jean-Pierre Chusseau, secrétaire de l’association locale de chasse à Préchac, a fait le déplacement.

« Les chasseurs n’osent pas trop dire qu’ils sont contre la LGV »

Encore habillé de son treillis de chasse, il commente les « crapeauducs » et autres passages de faune prévus : « Les animaux vont devoir se déplacer pour aller vers les passages prévus pour eux. » Un comportement que certaines espèces ont du mal à adopter, selon lui. Plus tard, confie-t-il, « les chasseurs n’osent pas trop dire qu’ils sont contre la LGV, ils pensent que ça ne leur apportera rien ».

Pour Pauline Dupouy, attirer des profils qui n’ont pas l’habitude de militer côte à côte fait partie des objectifs : « Il faut être ensemble sur le terrain malgré nos différences et mettre toutes nos forces contre ce projet. » Si le rejet est aussi unanime ici, c’est que la LGV est perçue comme un nouveau fractionnement du territoire.

Des panneaux ont été plantés par les opposants le long du chemin. © Chloé Rebillard / Reporterre

Philippe Barbedienne, vice-président de l’association Sepanso, harangue la petite foule sur ce thème : « Le temps perdu par les riverains pour les détours de plusieurs kilomètres que nous allons faire pour traverser les voies n’est pas compté. Le temps des voyageurs Toulouse–Paris compte plus que celui des habitants de nos territoires ! » Dans les territoires traversés, des élus locaux ont fait savoir leur opposition : le conseil départemental du Lot-et-Garonne ou des maires de petites communes. À l’inverse, les conseils régionaux de Nouvelle-Aquitaine et de l’Occitanie sont favorables au GPSO.

Le sud de la Gironde est un territoire rural, à l’habitat dispersé et présentant une faible densité de population. « On n’a pas choisi d’habiter là par hasard », dit Pauline en référence à la proximité avec les espaces naturels. Elle s’inquiète pour la plus vieille hêtraie de France, la forêt du Ciron, que les scientifiques ont daté d’il y a plus de 40 000 ans. La LGV doit passer à quelques kilomètres du lieu et couper le bassin versant de la vallée. Le collectif organisera une seconde balade le 19 février. « On a pu créer un Lascaux 2 mais si cette hêtraie meure, on ne pourra pas créer un Ciron 2 », déplore l’organisatrice.

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