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Déchets radioactifs : des parlementaires dénoncent une « défaillance démocratique »

Transport de déchets radioactifs.

« C’est une défaillance démocratique assez grave. » La députée de la Meuse (ex-La République en marche, aujourd’hui non inscrite) Émilie Cariou n’a pas mâché ses mots, jeudi 3 mars, lors d’une visioconférence de presse consacrée au Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) 2019-2021. Consacrée, plutôt, à l’absence de plan : le sénateur (Les Républicains) de la Haute-Marne Bruno Sido et la députée, tous deux chargés de l’évaluation de cette feuille de route dans le cadre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technique (OPECST), n’ont toujours reçu aucun document officiel du gouvernement.

Le PNGMDR a été créé par la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, qui instaure l’obligation pour le gouvernement d’élaborer une stratégie claire de gestion et surtout d’élimination des matières fissiles et rebuts atomiques. Ce plan est censé être réactualisé tous les trois ans. « Sachant que le dernier plan a pris fin en 2018, on aurait dû disposer d’un nouveau plan pour la période 2019-2021. Or, à ce jour, il n’a toujours pas été présenté au Parlement. Ce qui veut dire que depuis 2019, on ne s’inscrit pas dans une gestion claire des déchets radioactifs », a déploré Mme Cariou. La situation ne semble pas prête de s’arranger. Le PNGMDR suivant, consacré à la période 2021-2026, n’a pas non plus été transmis aux députés et sénateurs. « On est déjà hors délai. (…) Pour la première année de plan, c’est déjà grillé », a constaté la députée de la Meuse.

Ces retards ont profondément agacé les membres de l’OPECST. « La colère était assez unanime chez les députés et sénateurs présents, de tous les partis. Le gouvernement ne respecte pas la loi. C’est une atteinte à l’acceptabilité sociale et au contrôle que doit exercer le Parlement », a reproché Mme Cariou. Qui rappelle toutefois que « la loi ne prévoit pas de sanction pour le manquement à cette obligation ».

« Le point ultime d’une série de décisions prises sans le Parlement »

C’est surtout la goutte d’eau qui fait déborder le vase. « Le président de la République a annoncé un plan de construction de nouveaux réacteurs nucléaires sans en référer au Parlement. C’est le point ultime d’une série de décisions prises sans le Parlement », a pointé la députée, avant d’énumérer l’abandon du projet de réacteurs à neutrons rapides Astrid en 2019, pourtant lancé par voie législative au début des années 2000, et la levée par décret de l’interdiction de réutiliser les déchets radioactifs de très faible activité. « Sur ce décret, il y a bien eu une consultation publique, mais qui ne remplace pas un débat parlementaire », a jugé Mme Cariou.

Mme Cariou et M. Sido ont cependant décidé de ne pas se laisser écarter de la sorte. « On a fait un point sur une version officieuse du plan qu’on nous a transmis en-dehors des canaux du gouvernement », a expliqué la députée. Ils ont formulé une dizaine de recommandations pour le prochain PNGMDR.

Ils recommandent ainsi de :

  • préciser les conséquences de l’abandon du projet Astrid sur le volume de combustibles usés à éliminer (ce réacteur était censé être approvisionné notamment en combustible Mox usé, pas réemployé à ce jour mais conservé en piscines dans l’optique de cette réutilisation),
  • préciser les volumes entrants et sortants de matières et déchets radioactifs,
  • chiffrer le coût de gestion des déchets. « Il est prévu que le prochain plan pour 2026 devra comporter les annexes financières. Ceci, alors que ça fait cinq ans que je demande des projections financières dans toutes les lois de finances, dans toutes les lois qui ont porté sur l’énergie. On navigue dans le brouillard, au point de vue financier », a déploré Mme Cariou.
  • et de préciser le « positionnement juridique de l’Autorité environnementale et la portée de ses avis », pour que ces derniers aient « une certaine portée contraignante sur un certain nombre de sujets ».

Si elle était mise en œuvre, cette dernière recommandation pourrait avoir des conséquences majeures sur les projets nucléaires. En janvier 2021, l’Autorité environnementale avait émis une note explosive sur le projet d’enfouissement des déchets radioactifs.

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