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ChroniqueNoël Mamère

Départementales : c’est la fin d’une histoire pour EELV

La « défaite en rase campagne » des écologistes aux élections départementales dévoile le profond « décalage des dirigeants d’EELV avec les préoccupations de l’électorat écologiste. » Ce parti déchiré par les luttes politiciennes donne à voir sa propre fin. « Il est grand temps de repolitiser l’écologie et de répondre aux questions réelles. »


Noël Mamère

Au-delà des commentaires convenus sur le bilan du premier tour des élections départementales – victoire de l’UMP-UDI, consolidation du FN, raclée annoncée pour le PS – nous voudrions ici réfléchir sur la situation spécifique des écologistes.

L’élan des élections européennes de 2009 fait partie du passé. La bérézina subie par les candidats d’EELV est finalement le résultat attendu d’une formation dont le seul objectif est de subsister.

Trois raisons à cette défaite en rase campagne :

-  D’abord, l’illisibilité d’une formation divisée par trois positionnements contradictoires (autonomie, alliance avec le Front de Gauche ou avec le PS) et ce, y compris quelquefois dans le même département.

EELV est devenue un libre-service où chacun fait son marché sans que sa direction, tétanisée par la peur de la scission, puisse intervenir pour dire halte au feu. Si le résultat de 2 %, annoncé par le ministère de l’Intérieur, n’a pas grand chose à voir avec la réalité des résultats et que 165 binômes, présentés ou soutenus par EELV, sont qualifiés pour le second tour, le bilan factuel des résultats écologistes confirme la confusion politique d’EELV :

. Sur les 377 cantons où EELV était en autonomie : 9,7 % ;
. Sur les 448 cantons où EELV était en binôme avec le FDG : 13,6 % ;
. Sur les 157 cantons où EELV était en binôme avec le PS : 27 %.

-  Ensuite, l’irresponsabilité de ses dirigeants, le nez sur le guidon de leur carrière personnelle. Les uns voulant retourner au gouvernement, se répandent dans les médias, à profusion et sans vergogne. Les autres, si peu sûrs de vouloir construire une alternative émancipatrice, rasent les murs en attendant que l’orage passe.

-  Enfin, et c’est le plus préoccupant, ce qui aujourd’hui caractérise le mieux l’orientation des dirigeants d’EELV, c’est leur décalage avec les préoccupations de l’électorat écologiste. Alors que des milliers de révolutions tranquilles ont lieu dans le pays, par le biais d’initiatives écolos dans tous les domaines, EELV donne le sentiment, tous courants confondus, de ne penser la politique que sous l’angle des plans de carrière, des petites et grandes manœuvres politiciennes.

Personne ne s’étonnera, dès lors, de l’écoeurement des militants de base, des sympathisants et des électeurs écologistes devant ce spectacle sidérant.

Il y a 18 mois, je décidai de sortir de ce parti gangréné par ce que je dénonçais comme une firme. Maintenant que la firme s’est fissurée, la situation est pire ! Nous sommes désormais face à deux clans qui s’affrontent sans véritable projet.

Il est grand temps de repolitiser l’écologie et de répondre aux questions réelles : Comment faire pour que l’électorat populaire se retrouve dans un programme de transition écologique ? Comment adosser la protection de la nature et des humains contre les pollutions de toutes sortes à la relocalisation d’emplois durables et non délocalisables ? Comment faire converger les luttes des zadistes contre les grands projets inutiles et imposés avec une véritable planification écologique des territoires, qui sera le grand enjeu des prochaines élections régionales ?

Bien d’autres questions, à commencer par la protection de la biodiversité, l’agenda climatique et le nucléaire, sont au cœur du projet écologiste. Nous sommes malheureusement bien loin du compte quand nous entendons nos responsables s’entredéchirer par medias interposés.

En fait, nous assistons, en direct, à la fin d’une histoire. Celle qui a été commencée par les Lipietz, Waechter, Voynet et autres, quand l’écologie ne pesait rien électoralement, mais infusait ses idées dans la société ; cette génération qui a fait bouger les lignes, qui a choisi sa famille politique d’appartenance avec Voynet, qui a su se dépasser avec la coopérative lancée par Dany Cohn-Bendit et le formidable résultat des européennes de 2009 qui a suivi.

Nos conquêtes électorales, notre embourgeoisement, ont fini par tuer notre conquête des idées. Nous sommes en panne et incapables de « repolitiser » l’écologie par un projet et un « récit » mobilisateurs. Ce qui est plus qu’accablant au moment où la crise écologique se conjugue avec la crise sociale, qui attendent des réponses autre que le retour aux vieilles lunes de la gauche productiviste.

Comme disait Chirac à Johannesburg : « La maison brûle et nous regardons ailleurs ». Il est grand temps d’ouvrir les yeux !

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