Des femmes enceintes apprennent à se protéger des perturbateurs endroctriniens

À Strasbourg, le 16 décembre 2022. - © Adrien Labit / Reporterre
À Strasbourg, le 16 décembre 2022. - © Adrien Labit / Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
Santé PollutionsLa mairie de Strasbourg a lancé un dispositif qui permet aux femmes enceintes de recevoir gratuitement un panier de légumes bios par semaine et de participer à deux ateliers de sensibilisation à la santé environnementale.
Strasbourg (Bas-Rhin), reportage
« L’Agence nationale de sécurité sanitaire a relevé la présence d’une soixantaine de substances toxiques dans les couches jetables. » Dans la grande salle d’un centre socioculturel de l’ouest strasbourgeois, une douzaine de femmes enceintes écoutent Clémence Pouclet dispenser ses conseils, ce vendredi matin de décembre.
« Pour éviter les produits dangereux, poursuit cette écoconseillère, il y a deux alternatives : privilégier les couches garanties sans blanchiment au chlore, ce qui limite la présence de dioxines, ou opter pour les couches lavables. Ça, c’est l’idéal. Cela permet aussi aux organes génitaux de mieux respirer. »

Produits ménagers, désodorisants, insecticides, cosmétiques, peintures, jouets… Clémence Poucleet dissèque la composition de tout ce qui pourrait faire entrer les perturbateurs endocriniens dans une maison. Détaille la manière dont les enfants y sont contaminés. Donne les bons réflexes à adopter pour limiter les risques d’exposition.
Intitulé « Vivre ma grossesse sans perturbateurs endocriniens », cet atelier en santé environnementale fait partie du dispositif « Ordonnances vertes » lancé en novembre dernier par la ville de Strasbourg. Ouvert à toutes les femmes enceintes volontaires sur prescription d’un professionnel de santé, ce programme prévoit également des conseils en nutrition et la distribution gracieuse d’un panier de légumes bios et locaux par semaine pendant sept mois.

Le programme s’inscrit dans la lutte engagée depuis plusieurs années par Strasbourg contre les perturbateurs endocriniens. Depuis 2018, la ville est en effet signataire de la charte « Villes et territoires sans perturbateurs endocriniens » initiée par le Réseau environnement santé et copilote avec la ville de Paris le groupe « Perturbateurs endocriniens » du Réseau français des villes-santé de l’OMS.
« On vit dans un bain de chimie »
« Aujourd’hui, les preuves scientifiques s’accumulent quant aux effets des perturbateurs endocriniens sur la santé, raconte Alexandre Feltz, médecin et adjoint à la santé publique et environnementale. On sait que la contamination d’une femme enceinte à ces substances peut entraîner ultérieurement l’apparition de maladies chez l’enfant. Du diabète, de l’obésité, des maladies thyroïdiennes, des troubles de l’attention ou encore des pubertés précoces chez les petites filles. Mais on vit malheureusement aujourd’hui dans un bain de chimie. »

À l’issue de l’atelier, les participantes repartent avec leur panier de légumes bios hebdomadaire, des recettes de produits ménagers à faire soi-même et quelques bonnes résolutions. « La première chose que je vais faire en rentrant, c’est changer toutes mes poêles », dit Marie Godin, professeure des écoles de 31 ans, participant au dispositif depuis son début. « Je pensais que le seul risque avec le téflon, c’était en cas de rayures, mais je me trompais. Je vais opter pour de la fonte ou de l’inox. »
« Je vais changer tous mes contenants en plastique et mes biberons », annonce de son côté Cécile Tuidon, 33 ans, chargée de mission dans une association. « J’avais choisi des nouvelles marques certifiées sans bisphénol mais le problème visiblement, c’est le plastique en soi. »

La Strasbourgeoise ressort de l’atelier un peu surprise. « J’avais l’impression d’être sensibilisée et renseignée sur la question des perturbateurs endocriniens mais l’intervention m’a montré que je ne l’étais pas tant que cela. Je suis impressionnée de voir à quel point ils sont présents dans notre environnement. C’est assez désespérant de voir qu’on vit dans une société qui nous rend malades. J’étais même un peu angoissée pendant l’atelier mais on nous donne des conseils, des solutions. On ne repart pas inquiètes. »
La jeune femme apprécie également la distribution de paniers bios incluse dans le programme. « Cela représente un certain coût. Repartir d’un atelier comme celui-ci sans avoir les moyens de manger mieux aurait laissé un goût d’inachevé. » Lancé en novembre, le dispositif Ordonnances vertes a été budgété pour 800 participantes sur un an. Il compte déjà 150 inscrites.
Notre reportage en images :