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Des scientifiques bloquent le projet de TotalÉnergies du Havre

Vendredi 12 mai, au port du Havre.

Des militants pour le climat ont bloqué vendredi 12 mai le port du Havre pour dénoncer l’inaction climatique et le projet de terminal méthanier flottant porté par TotalÉnergies.

Le Havre (Seine-Maritime), reportage

« La science est claire », scandent les activistes avec fougue, sous la pluie et les embruns. Vêtus de blouses blanches ou de dossards orange, ils sont une trentaine à bloquer la circulation automobile d’un axe stratégique de la zone portuaire du Havre, vendredi 12 mai.

« C’est important de sortir de nos labos, de parler aux gens. De leur montrer que l’urgence est là et qu’on ne peut plus se contenter de parler », explique Raphia, membre de l’organisation Scientist Rebellion, une organisation internationale qui revendique de fédérer plus de 1 000 scientifiques de tous les continents autour de la question du dérèglement climatique. Au Havre, les scientifiques en lutte ont reçu le soutien de plusieurs organisations écologistes comme Extinction Rebellion, ANV COP21 ou Dernière rénovation, dont les militants sont rompus aux blocages d’axes routiers.

« C’est important de sortir de nos labos, de parler aux gens. Leur montrer que l’urgence est là et qu’on ne peut plus se contenter de parler », explique Raphia, membre de l’organisation Scientist Rebellion. © Émilie Sfez / Reporterre

Dans le viseur des activistes français, la société TotalÉnergies et son terminal méthanier flottant. Programmé dans la précipitation pour pallier l’arrêt des livraisons de gaz russe, il devrait recevoir ses premiers navires en septembre. Plus tôt dans la journée, une manifestation était d’ailleurs organisée devant les bureaux du port du Havre pour dénoncer son soutien au projet du géant pétrolier.

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En s’enchaînant au parapet ou en collant leur main au bitume, les militants bloquent une des écluses du port, rendant impossibles la circulation automobile et le passage des navires. Certains tiennent des pancartes et des banderoles alertant sur le dérèglement climatique et rappelant le consensus quasi total de la communauté scientifique sur la question.

« L’État ne fait rien, il ne nous reste plus que la désobéissance civile »

Les esprits s’échauffent et deux dockers s’avancent vers les militants, extincteur à la main. Ils sont interceptés par les « anges gardiens », ces activistes dont le rôle est de protéger les participants à l’action. Après un dialogue animé, les dockers s’éloignent. La sécurité portuaire, arrivée rapidement sur place, a établi une déviation : pendant plusieurs heures, les militants demeurent à leur place, imperturbables.

Les « anges gardiens » jouent les médiateurs avec les automobilistes et les membres de la sécurité portuaire. © Émilie Sfez / Reporterre

Pour Manua, coordinateur stratégique à Scientist Rebellion, il est naturel de cibler la société TotalÉnergies : « Total, c’est 50 ans de déni climatique, c’est des pratiques néocoloniales, c’est s’approprier des terres et les polluer ». L’activiste fait allusion au projet Eacop, un projet d’oléoduc porté par la multinationale en Afrique de l’Est, vivement critiqué notamment pour avoir entraîné des expropriations massives d’habitants. Selon Manua, qui dénonce le mythe de la croissance verte, l’avenir sera nécessairement décroissant. Un processus à ses dires inéluctable qu’il serait nécessaire d’accompagner pour éviter d’avoir à le subir : « Ce à quoi nous invitons, c’est à une décroissance de l’économie planifiée, adaptée, équitable et durable. »

Certains automobilistes et camionneurs ont tenté de forcer le passage. © Émilie Sfez / Reporterre

« Même s’il y a un consensus total des scientifiques, il y a encore des entreprises qui font des projets d’extraction d’hydrocarbures et qui mettent en danger toute la population mondiale », dit Libre, assise le long de la balustrade à laquelle elle est enchaînée. Pour elle, le risque juridique encouru est peu de chose face au changement climatique mondial : « Vivre ça maintenant ne sera jamais pire que ce qu’on vivra après, alors je me dis qu’il faut sauter le pas, qu’il faut y aller. Je suis là parce que c’est notre dernière chance. L’État ne fait rien, il ne nous reste plus que la désobéissance civile. »

Libre : « Je suis là parce que c’est notre dernière chance. L’État ne fait rien, il ne nous reste plus que la désobéissance civile. » © Émilie Sfez / Reporterre

À l’issue de la journée, 17 personnes ont été interpellées au Havre et Scientist Rebellion a revendiqué des actions à travers le monde comme à Stockholm, où les activistes ont bloqué et peinturluré la façade du ministère des Finances.


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