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En brefAgriculture

Deux cents fermes ouvertes pour sensibiliser à l’agriculture paysanne

  • Wierre-Effroy (Pas-de-Calais), reportage

À la suite de l’annulation du Salon de l’agriculture, qui devait avoir lieu porte de Versailles à Paris, entre le 27 février et le 7 mars 2021, la Confédération paysanne a lancé l’opération le « Salon à la ferme » afin de faire découvrir la réalité du métier de paysan. Près de deux cents fermes, dans douze régions, se sont mobilisées.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, le syndicat paysan avait retenu quatre fermes dont celle d’Antoine Gomel, La ferme de la Caud, située à Wierre-Effroy (Pas-de-Calais). Étaient invités des professionnels agricoles, des parlementaires européens, dont Karima Delli (Europe Écologie — Les Verts), le préfet, des élus locaux et des journalistes.

Paysan et instituteur, Antoine Gomel, trentenaire, développe son activité sur deux ateliers d’élevage : des poulets bio ainsi que des bovins mais pour lesquels la certification « bio » n’est pas encore attribuée. Sur les vingt-quatre hectares situés à proximité des différents bâtiments, Antoine Gomel élève entre soixante et soixante-dix bovins.

Pour quelles raisons s’est-il retrouvé paysan, lui qui, après son baccalauréat, avait reçu une formation d’économiste ? Il souhaitait entretenir la ferme familiale et maintenir son activité sans l’agrandir. « Elle devait demeurer à taille humaine », a-t-il souligné. Il était également déterminé à sauvegarder la biodiversité de ce territoire situé dans le Boulonnais et à favoriser le bien-être animal.

Antoine Gomel aux côtés de la députée Karima Delli.

Cette journée d’information a permis à Antoine Gomel d’apporter la preuve qu’une petite exploitation de vingt-quatre hectares est viable. Ne pas vouloir croître l’a conduit à la sobriété en matière d’investissement technique. Les anciens bâtiments ont encore, selon lui, leur charme et leur utilité. Deux modestes tracteurs sont requis pour les opérations lourdes et encombrantes mais, par exemple, le fumier est enlevé à la fourche. Il a déclaré sereinement :« J’ai récemment acheté une faucheuse d’occasion et j’en suis très satisfait. Tout cela me permet de réduire les coûts de production et de limiter mon endettement, qui est souvent le problème majeur de beaucoup d’agriculteurs. »

« En tant que paysan, mon revenu mensuel n’excède pas mille euros »

Cependant le résultat économique de la ferme reste fragile et l’empêche d’envisager l’abandon de son second métier de professeur des écoles. Si une part de sa production de viande bovine est écoulée en vente directe, l’autre moitié part vers des circuits extérieurs. Et c’est là que le bât blesse, selon Antoine Gomel. « En tant que paysan, mon revenu mensuel n’excède pas mille euros. Si, sur chaque kilo de carcasse vendu, je pouvais obtenir ne serait-ce que cinquante centimes supplémentaires, je pourrais augmenter mon revenu de deux cents ou trois cents euros sans hausse sensible du prix pour le consommateur ! » a-t-il dit.

Karima Delli a dénoncé alors la perversité des accords de libre-échange signés par l’Union européenne. Ces derniers exacerbent, à ses yeux, la concurrence internationale et pénalisent les agriculteurs, notamment ceux comme Antoine Gomel, qui possèdent une petite exploitation. Nicolas Girod, paysan jurassien et porte-parole de la Confédération paysanne, a prolongé les propos de la députée européenne : « La revente à perte est interdite et on peut s’en réjouir mais la vente à perte ne l’est pas ! Le prix de la viande de bœuf vendue par Antoine à ses interlocuteurs est insuffisant. Pour lui comme pour d’autres, c’est le montant des coûts de production qui devrait être la base minimale, on ne devrait pas négocier en dessous ! »

Nicolas Girod a profité de la tribune qui lui était offerte pour évoquer la réforme de la Politique agricole commune (PAC). Les aides financières actuelles sont attribuées en fonction des surfaces possédées, de sorte que, selon lui, cette situation favorise l’agrandissement obsessionnel des exploitations, nuisible à la préservation des intérêts de la petite paysannerie. « Il serait plus juste, a-t-il ajouté, de verser ces aides en fonction du nombre d’actifs présents sur l’exploitation. Nous aurions alors des subventions PAC favorables à l’emploi. »

  • Source : Didier Harpagès pour Reporterre
  • Photos : © Didier Harpagès/Reporterre
    . chapô : Antoine Gomel devant sa ferme.

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