Dix jours sans écran : pour les enfants, « c’est dur »

Pour Jenny Suso et son fils Diego, 10 ans, le défi a été plutôt difficile. - © Chloé Rébillard / Reporterre
Pour Jenny Suso et son fils Diego, 10 ans, le défi a été plutôt difficile. - © Chloé Rébillard / Reporterre
Durée de lecture : 4 minutes
Santé Pédagogie Éducation NumériqueFaire baisser le temps d’exposition aux écrans des enfants, c’est la volonté du défi « 10 jours sans écran » qui a eu lieu du 23 mai au 1er juin. En France, 450 établissements scolaires y ont participé.
Urrugne (Pyrénées-Atlantiques), reportage
Diego, âgé de dix ans, a l’habitude en rentrant de l’école d’allumer la télévision, de jouer à la Switch ou à la Playstation. Mais ce 31 mai, il suit un groupe qui s’égaille dans un champ de noisetiers. « Que fait-on avec les noisettes ? » demande Patxi, le guide du jour. « Du chocolat ! » s’empresse de répondre Mathieu. Perdu ! Fève de cacao pour le chocolat, noisettes pour le praliné ou la pâte à tartiner. La visite de l’atelier de l’entreprise Pariés permet d’apprendre aux enfants et de faire réviser les plus grands.
Cet après-midi-là, la chocolaterie Pariés accueille des élèves de l’école Saint-François-Xavier à Urrugne (Pyrénées-Atlantiques). La visite se déroule dans le cadre du défi « 10 jours sans écran ». Pendant dix jours, les enfants qui y participent doivent se passer de télévision, de tablettes, de smartphones, de jeux vidéos... Selon un rapport de Santé publique France publié en avril, les enfants de deux à cinq ans passent en moyenne entre 56 minutes et 1h34 devant un écran.

Pour les aider à s’en passer, des ateliers sont organisés sur les temps extra-scolaires, moments les plus propices à la consommation de lumière bleue. « Nous avons atteint 450 établissements en France en 2023, soit environ 60 000 enfants concernés », explique Eneko Jorajuria, enseignant dans l’école et président de l’association 10 jours sans écran. L’initiative est née au Québec en 2003. En France, elle est organisée sous cette forme depuis 2018 et ne cesse de gagner en popularité.
Pas si facile de se passer d’écran
Arrêter les écrans, un défi pas si simple. « C’est un exercice qui vise à rester maître de sa consommation numérique. L’expérience permet aux enfants d’acquérir une hygiène numérique pour la vie, car ils y auront été sensibilisés », reprend Eneko Jorajuria. Par hygiène numérique, il faut entendre : affûter son regard critique sur le temps passé devant les écrans et maîtriser le rapport que l’on entretient avec eux. Les institutions médicales alertent sur les conséquences de la surexposition dès le plus jeune âge. Les problèmes principaux concernent l’obésité, les troubles du sommeil et des problèmes de développement cognitif chez les jeunes trop exposés.

Les études, menées outre-Atlantique et qui sont à l’origine du défi, ont montré que « les répercussions positives, comme l’augmentation du nombre de repas passés sans écran ou des parents qui se sentent aidés dans leur rôle éducatif, se prolongeaient dans le temps. Les effets du programme ont été constatés plusieurs années après », dit le président de l’association. Pour Jenny Suso et son fils Diego, le temps du défi reste un moment à part. « C’est dur, admet-elle, on voit qu’ils sont vraiment addicts aux écrans. Pour la télévision, je débranche tous les câbles ! » Les deux, mère et fils, sont à la fois enthousiastes sur le défi et ont hâte qu’il se termine. Elle confie : « Les écrans, ça le canalise un peu, il est plein d’énergie mon fils ! »
Ce ne sont pas seulement les enfants qui sont invités à la déconnexion, les parents aussi peuvent participer. Maëva Sarasola, mère de Unai, six ans, a tenté. Elle constate que « c’est nous, son père et moi, qui nous limitons le plus. On essaye de ne sortir les téléphones que pour appeler. J’ai enfin commencé un livre que je voulais lire depuis longtemps ». De son côté, Unai n’a pas trouvé ça dur. Habituellement, il n’a le droit à la télévision que durant un nombre d’heures limitées. De fait, sa mère essaie de suivre les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, qui conseille de limiter le temps d’exposition à 1 heure par jour.
Plus de temps en famille
Les bénéfices d’une vie sans lumière bleue sont multiples. Dans un questionnaire réalisé à la suite de la précédente édition, 64 % des parents avaient noté une augmentation du temps passé avec leur enfant. C’était le changement le plus cité devant l’augmentation de la lecture (54 %) et de l’activité physique (52 %). C’est aussi la première chose citée par Jenny Suso et son fils Diego : « Il partage plus de choses avec nous », dit la maman. Et Diego de conseiller : « Il faut dire dans le journal que tous les enfants doivent participer pour passer du temps avec leurs parents. »

Pour Eneko Jorajuria, l’expérience présente d’autres avantages : « Comme on incite à la déconnexion numérique, en miroir on encourage à plus d’activités physiques, à profiter des repas pour avoir une conversation familiale ou à se connecter avec la nature ». Dans l’atelier de chocolat de Pariés, c’est l’heure de la dégustation des produits. Un nuage de petites mains s’abat sur les tablettes (en chocolat) qui leur sont présentées, les bouches se tachent de pâte où cacao et noisettes sont mélangés. La télévision est loin.