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Quotidien

« Donnez, prenez, recyclez » : une déchetterie girondine transformée en boutique gratuite

En Gironde, la commune de Vayres a transformé sa déchetterie : objets et matériaux collectés sont mis en rayon dans une boutique gratuite et retrouvent une seconde vie. L’initiative a permis de réduire l’enfouissement des déchets de 60 %.

Vayres (Gironde), reportage

Au Smicval Market, les coffres des voitures se vident autant qu’ils se remplissent. Dans cette déchetterie qui n’en est plus vraiment une, le syndicat mixte de gestion des déchets [1] de Vayres, en Gironde, offre une deuxième vie aux objets et matériaux dont se débarrassent les habitants des environs. Tout est gratuit, selon le slogan affiché sur toutes les vitres de la « Maison des objets » : « Donnez - Prenez - Recyclez. » Ce dispositif inédit date de 2017.

Guidé par un fléchage coloré au sol, Guy, un père de famille, se déleste de quelques meubles sous le « préau des matériaux ». Le hangar abrite aussi des bennes de carton et des étagères pour entreposer restes de carrelage, lavabos, porte-fenêtre ou tuyaux d’arrosage. « En plein tri » pour cause de déménagement, ce Vayrais espère que ses meubles trouveront preneur. Sinon, ils seront recyclés par l’organisme Éco-mobilier [2], dont c’est la spécialité. 

Le local est organisé comme un magasin.

Quant aux palmes « trop petites pour les enfants » et aux jeux de plage, il faut les déposer dans la « Maison des objets ». Le local est organisé comme un magasin. Dans les rayons « cuisine », « électroménager », « enfance » ou « sport », les paires de rollers côtoient des classeurs, un mixeur-batteur ou un écran d’ordinateur. Le tout dans un état variant de « comme neuf » à « pour les bricoleurs — à réparer »

« 80 % des objets déposés trouvent un nouveau foyer »

À condition de demander une carte d’adhérent gratuite, les 218 000 habitants des communes du Libournais et de Haute-Gironde peuvent apporter leurs objets ou chiner la perle rare. « On repart parfois le coffre aussi plein qu’à l’aller », s’amuse Guy, fier acquéreur de spots de salle de bain et d’une ponceuse. La dernière fois, c’était une disqueuse « qui fonctionne vraiment bien ». Comme ces outils, 80 % des objets déposés trouvent un nouveau foyer, avec plus d’une centaine de passages par jour sur le site. 

« Il y a beaucoup de turn-over. Les gens déposent et d’autres prennent, ça se fait tout seul », confirme Lydie, agente de valorisation sur le site. En uniforme vert, les mains gantées, elle replace quelques verres au rayon « cuisine » de la Maison des objets et vérifie que chaque chose est à sa place.

À l’extérieur, les bacs de récupération encouragent le recyclage des déchets non réutilisables. Ici les piles, là le verre, plus loin l’huile de cuisine ou le polystyrène. À chaque étape du parcours, les habitants sont invités au recyclage. Tout, sauf l’enfouissement.

Le Smicval market a permis de réduire de 60 % la quantité de déchets enfouis.

Ce n’est qu’en bout de course, à quelques mètres de la sortie, qu’ils peuvent se séparer de « déchets à enfouir », comme l’indique un grand panneau noir. Ce jour-là, à midi, l’alvéole bétonnée de 75 m2, est à moitié remplie. Muni d’un caddie, un agent du site récupère deux paniers en bon état et du métal à disposer dans la benne dédiée : rien ne doit se perdre. 

Depuis son installation, le Smicval Market a permis de réduire la quantité de déchets enfouis sur le site de 60 % par rapport à une déchetterie classique. Chaque année, mille tonnes de déchets sont ainsi échangées, et non jetées. 

« Bien sûr, il reste quelques personnes que ça n’intéresse pas », pondère Michel Vacher, vice-président du Smicval, à quelques mètres d’un homme venu jeter un grillage en bon état à l’enfouissement, au lieu de le déposer sur les étagères dédiées. Des petits malins ont bien tenté aussi, au début, de revendre des objets acquis gratuitement. « Ce n’est pas la majorité. Je dirais qu’il y a un tiers de personnes qui trient déjà et à qui on n’a pas de leçon à donner, un tiers qui n’y est pas sensible, et un autre tiers à qui il suffit d’expliquer la démarche. » 

Des coûts qui se compensent

L’installation a exigé un investissement de 1,7 millions d’euros pour un espace de 5 800 mètres carrés, en partie subventionné par la région Nouvelle-Aquitaine et l’Agence de la maîtrise de l’énergie et de l’environnement (Ademe). Le Smicval Market demande plus de main-d’œuvre. Trois agents y travaillent contre « un ou deux dans l’ancienne déchetterie », souligne le syndicat de gestion des déchets.

Un surcoût, donc ? Pas vraiment, explique Michel Vacher, qui observe que les investissements de 2017 sont compensés par la baisse de l’enfouissement, géré via un contrat avec l’entreprise Veolia. « Les habitants ne voient peut-être pas les taxes sur les déchets baisser mais le système est plus vertueux. Et si l’on n’avait pas réduit l’enfouissement, ces taxes auraient augmenté », assure-t-il.

Le Smicval Market, parce qu’il émane d’une collectivité territoriale, est l’unique dispositif du genre.

En France, les recycleries se développent, tenues, par exemple, par Emmaüs dans certaines déchetteries ou par des associations en ville. Le Smicval Market, parce qu’il émane d’une collectivité territoriale, est l’unique dispositif du genre. Plusieurs fois par semaine, des élus d’autres communes françaises, des associations et des collectivités territoriales se rendent donc à Vayres pour le visiter. Comme « il faut adapter le concept à chaque situation, cela ne sert à rien de le copier tel quel », recommande le vice-président du Smicval à des fonctionnaires de Saint-Martin-en-Ré (Charente-Maritime) venus découvrir l’installation. 

Pour l’instant, le Smicval Market n’a pas été copié en France. Le syndicat de gestion des déchets va en revanche lancer deux projets dans la même veine dans le Libournais, l’un au niveau de l’estuaire de la Gironde, en 2022, l’autre à Libourne, en 2024.

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