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ÉditoPolitique

EDITO - L’alliance ou le fascisme


Les électeurs - du moins ceux qui se sont déplacés, puisque les abstentionnistes constituent le premier parti du pays - ont porté un parti d’extrême-droite, partisan de « l’ordre » et de la chasse aux immigrés, en tête de la représentation nationale en Europe. C’est plus que triste : cela fait honte, dans un pays que l’on appelle encore parfois la « patrie des droits de l’homme ».

Ce succès marque une double débâcle et un échec profond.

Première débâcle, celle de l’Europe. Mais pas l’Europe de Mozart et de Molière, pas l’Europe de la paix entre la France et l’Allemagne, pas l’Europe qui se battait pour le protocole de Kyoto et contre la standardisation des OGM, pas l’Europe de la démocratie et de la sécurité sociale.

Non, la débâcle de l’Europe que symbolise M. Barroso, cette Europe qui a trahi la souveraineté populaire depuis qu’en 2005, les classes dirigeantes ont refusé d’accepter le rejet par les citoyens d’un traité absurde. Cette Europe incapable de mettre la finance au pas, d’en finir avec une suicidaire concurrence fiscale, d’être autonome d’Etats-Unis gouvernés par l’oligarchie.

Deuxième débâcle, celle d’un parti qui arbore indûment le mot de « socialiste ». Qui, depuis près de trente ans, au nom du réalisme, s’est transformé en instrument le plus fidèle du néo-libéralisme, qui trahit les classes populaires, qui bafoue la justice sociale. Débâcle d’un parti incapable de comprendre l’interrogation écologique, accroché au dogme de la croissance, engourdi dans les corruptions secrètes du béton et de la finance.

Le pire du PS, c’est qu’il prétend être de gauche, et qu’il trompe ainsi les citoyennes et citoyens qui aspirent à la justice sociale et à une nouvelle ère fondée sur la transformation écologique. Avec la droite, avec l’UMP, les choses sont claires. Le PS est pire, parce qu’il mène la même politique, en prétendant être autre chose. Il ment, simplement.

En France, autrefois, un grand parti a dominé la scène politique pendant des décennies. Il s’appelait le Parti radical. Il a disparu. Il est temps d’envisager et de souhaiter la disparition du Parti socialiste.

Un échec profond, enfin. Les écologistes n’arrivent pas à imprégner en profondeur la culture politique française. La gauche ne parvient pas à transformer la réalité de l’injustice sociale en révolte. Il ne suffit pas de stigmatiser les médias, aux mains de l’oligarchie, qui soutiennent massivement le front UMP-PS et amplifient les sirènes de l’extrême-droite. C’est dans les stratégies des mouvements écologiste et de gauche qu’il faut chercher les responsabilités.

Elle peut se résumer à la question des alliances : en restant attachés, directement ou indirectement, au PS, les écologistes et la gauche ne peuvent convaincre qu’ils représentent vraiment l’alternative. Il faut être dedans ou dehors.

Le prolongement logique de cette idée est que, chacun, seul, pesant insuffisamment, il faut travailler à une nouvelle alliance des écologistes et de la gauche. Cela doit être la base d’une nouvelle dynamique, à même d’inverser le cours délétère de l’histoire, qui conduirait sinon à un régime autoritaire.

Il est temps d’intégrer vraiment la gravité de l’époque : la crise écologique et sociale bouleverse tant la société qu’il faut transformer profondément celle-ci. Si ce n’est pas l’écologie qui le fait, ce sera l’alliance des capitalistes et des facistes.

Cette alliance est-elle aisée ? Non. Mais le sens de la responsabilité historique doit maintenant primer sur les petits arrangements électoraux et les querelles d’ego. Il était ainsi tristement stupide de voir durant la campagne des élections européennes MM. Bové et Mélenchon se pinailler l’un l’autre plutôt que de viser les véritables adversaires.

Le premier pas doit être un pacte non-agression entre forces proches (et cet éventail doit être plus large qu’EELV et le PG). Qu’elles acceptent de se penser comme complémentaires plutôt que concurrentes.

Le deuxième doit être de rechercher toutes les coopérations ponctuelles possibles, et de les rendres visibles : sur le terrain des luttes comme sur l’espace institutionnel où ces forces peuvent encore se faire entendre. Sur le terrain des alternatives, aussi, tant il est vital de montrer à nos concitoyens qu’il est possible de mettre en oeuvre un autre monde que la sinistre décadence capitaliste qui nous est sinon promise.

Le troisième pas doit être d’engager très rapidement un mouvement de discussion, de réflexion en commun, de convergence.

L’objectif : construire une force qui se substitue dans le coeur et la force de la gauche au PS déliquescent.

Ce projet est-il fou ? Un des fondateurs de l’écologie politique en France, René Dumont, disait : « L’utopie ou la mort ». L’alternative prend plus de force que jamais : ou l’alliance de ceux qui savent que l’écologie est le nouveau paradigme de l’époque, ou le fascisme.

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