EELV : « Nous ne serons plus jamais une force d’appoint »

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PolitiqueRevigoré par les Européennes et rassemblé, EELV a, lors de son congrès samedi 30 novembre, choisi Julien Bayou comme son secrétaire général. Le parti écologiste s’affirme maintenant comme un parti visant à « conquérir le pouvoir ».
18 heures, samedi 30 novembre, à la Bourse du Travail de Saint-Denis, Julien Bayou affronte son destin et monte à la tribune. Le voilà propulsé secrétaire national d’Europe écologie les Verts (EELV) sous les applaudissements de ses camarades. L’activiste de 39 ans a revêtu une chemise blanche et quitté ses airs d’éternel trublion. Une nouvelle séquence politique s’ouvre pour le parti écologiste. Sous les signes de « l’unité » et de « la conquête du pouvoir ».
Au départ de ce congrès national, rien n’était gagné. Les tractations internes étaient houleuses. Le spectre des vieilles guerres intestines hantaient les couloirs. Quatre motions bataillaient l’une contre l’autre. Lors du premier tour, le 16 novembre, la motion de Julien Bayou et Sandra Régol, les deux porte-paroles du mouvement, avait recueilli 42,9 % des suffrages. En seconde position, l’ex-députée Eva Sas, soutenue plus ou moins officiellement par Yannick Jadot, avait récolté 26,2 %. Cette motion assumait une position plus centriste que celle d’Alain Coulombel, 21,5 %, qui appelait à un rassemblement des gauches. Une dernière motion de Philippe Stanisière, soucieuse de la démocratie interne et très axée sur la collapsologie avait réuni 8,5 %.
Au congrès des Verts, on lutte, certes, pour des idées, mais d’abord et avant tout pour des postes afin d’élire le bureau exécutif. Son rôle est en effet crucial : il conduira le parti lors des prochaines échéances électorales. Chaque tendance cherche à obtenir en interne des fonctions dites « régaliennes » : trésorier, délégué aux élections, porte-parole, président du conseil fédéral et évidemment le secrétaire national.

Samedi matin, un équilibre entre les motions a finalement été trouvé. A la dernière minute et aux prix de quelques empoignades. « Ça fait partie du jeu. C’est culturel chez nous », relativise Jacques Boutault, maire du second arrondissement de Paris. « Le débat est plus apaisé aujourd’hui », estime Gilles Bilot, un adhérent venu de Lorraine ; « La victoire aux Européennes efface les tiraillements internes. Ce score nous oblige et nous pousse au rassemblement. Le congrès en est le premier exercice pratique ».

Au second tour, une motion de synthèse a réuni trois des quatre courants du parti avec Julien Bayou en tête de liste, Eva Sas et Alain Coulombel comme porte-paroles. La motion a obtenu 92,6 % des votes. Un score à la Fidel Castro qui témoigne du besoin d’unité chez les écologistes. Jamais les mots « consensus », « union », « responsabilité » n’ont été autant prononcés et répétés.

Arrivé à la tribune, Julien Bayou a d’abord semblé ému lorsqu’il a rappelé son parcours, né d’une mère « porteuse de valise pour le FLN algérien » et d’un père « fanfariste ». « Je suis la synthèse des deux », a-t-il-dit. Avant de se tourner vers des considérations plus stratégiques et « le marathon électoral » qui attend le mouvement : « Les municipales et les régionales seront un tremplin pour les présidentielles », affirme-t-il.
Le cap est fixé et les regards tournés vers 2022. « On ne se laissera pas voler l’élection présidentielle. Nous aurons un candidat, a martelé Julien Bayou sous les vivats. Et ce ne sera pas juste une candidature de témoignage, nous serons là pour gagner ! Nous nous appuierons sur un mouvement large qui dépasse les partis et leur jeux d’alliance ». EELV veut conquérir les cœurs et proposer un nouvel imaginaire. « Une alternative entre le libéralisme autoritaire de Macron et le national populisme de le Pen ». Ce sera « l’écologie ou la barbarie ».
« On ne prêche plus seul dans le désert »
La conjoncture actuelle est propice. « On ne prêche plus seul dans le désert », dit Marie Toussaint, euro députée, à l’initiative de l’Affaire du siècle – une pétition qui a rassemblé deux millions de signatures l’année dernière. « Les jeunes ont pris le relais. L’écologie est devenue une préoccupation importante pour la majeure partie de la population. Les actions sur le terrain se multiplient. Nous devons leur proposer maintenant un débouché politique ».

Pour les militants, « la personnalité de Julien Bayou permettrait de recoller avec la société », estime Wandrille Jumeaux. Il incarne une génération issue du mouvement social et rompue à l’activisme. Il y a dix ans, il luttait avec Jeudi noir contre le mal logement. « Il a les bons mots et la bonne posture pour parler à tous celles et ceux qui s’intéressent à l’écologie », pense l’adhérent de Montreuil.
Le parti revient de loin, déchiré par les égos et les défections. En 2016, EELV se trouvait « en état de mort clinique ». Le siège national, appelé la « Chocolaterie » était vendue. La majorité des salariés subissaient un licenciement. Encore maintenant, le parti n’a toujours pas d’attaché de presse et compte seulement trois employés.
Pour son dernier jour en tant que secrétaire national, David Cormand a été rebaptisé « capitaine tempête ». Ces dernières années, il a tenu la barre malgré les vents contraires. A la tribune, il a partagé son « angoisse sécrète » qui le rongeait alors que le parti était moribond : « Allais-je être le dernier Secrétaire national des Verts ? Nous connaissons désormais la réponse : notre mouvement ne s’éteindra pas. Il sera la base sur laquelle construire l’arrivée au pouvoir de l’écologie ».
« Nous n’avons plus le temps d’être médiocre »
Pour réussir, le travail sera long. Il faudra, en priorité, « conjurer les vieux démons », juge Perrine Ledan, représentante à EELV des Français de l’étranger. « Heureusement, les éléments perturbateurs sont partis, dit-elle. On s’émancipe de l’ancienne période et de la tyrannie des égos. On regagne en clarté ». Pour Marie Toussaint, « il s’agira désormais de privilégier l’esprit de conquête au coupage de tête ».

Tous s’accordent sur ce point depuis la victoire aux Européennes. « Nous n’avons plus le temps d’être médiocre », a déclaré Julien Bayou sur scène. On a besoin de tout le monde pour mener la révolution de velours dont la planète a besoin ».
Évidemment, les débats stratégiques en interne continuent. A peine voilés lors de ce congrès, ils inaugurent de futures querelles. Faut il privilégier « une archipel » qui rallie les différentes forces de gauche ? Ou bâtir « la maison commune » avec tous les écologistes, même ceux du centre droit ?

Quel que soit le choix qui sera fait, les écologistes veulent, à l’issue de ce Congrès envoyer un message fort. « Nous n’avons plus l’âme d’être des supplétifs, confie David Cormand à Reporterre. Nous ne serons plus jamais une force d’appoint. On a cru que l’on pouvait changer les choses, en 2012, en étant minoritaire au sein du gouvernement Hollande. Mais il a sacrifié l’écologie. On s’est trompé. Nous devons maintenant devenir majoritaire, conquérir le pouvoir et exercer au plus haut les responsabilités ».