Eh si, on peut faire du bon compost à Paris !

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Agriculture QuotidienJean-Jacques Fasquel est maître-composteur... à Paris. Chez lui, où tout a commencé, il a entraîné quatre-vingt foyers dans le compostage partagé. La démarche s’est poursuivie par la création d’un jardin.
Des deux côtés de la rue de Reuilly, dans le 12e arrondissent de Paris, de grands blocs de béton témoignent de la brutalité de l’urbanisme des années 1970. Au numéro 107, au fond d’une grande parcelle, derrière les 560 logements du bailleur social Paris Habitat se cache pourtant un jardin extraordinaire.
Là, Jean-Jacques Fasquel et les habitants de quarante-cinq autres appartements cultivent 300 mètres carrés sur une ancienne aire de jeu abandonnée. Au centre, les microparcelles de 1 m2 où chacun fait pousser librement ses légumes et ses fleurs. Bien entendu, nul pesticide n’a ici droit de cité.
Autour, des aménagements collectifs : un petit verger, une butte de plantes aromatiques, un micro-poulailler où trois poules Marans sont arrivées en novembre 2013, deux ruches, bientôt quatre, un hôtel à insectes, des nichoirs et une dizaine de composteurs.
C’est le point de départ. « Je travaillais dans la « com », mais en 2005, j’ai changé de vie », explique Jean-Jacques. « Je me suis posé la question de comment recycler mes déchets organiques. Je suis tombé sur une expérience de compost collectif à Rennes. J’ai proposé ça à Paris Habitat. Nous avons fait du copié-collé. » Rapidement, une vingtaine de foyers se lancent. Ils sont quatre-vingt aujourd’hui.
Maître-composteur : un métier
« Je me suis formé pour accompagner les volontaires, et j’en ai fait mon métier : maître-composteur. » Si le revenu n’est pas celui que Jean-Jacques a connu dans son ancienne vie, il ne regrette rien, se sentant utile dans son nouveau travail exercé au sein de la coopérative d’activité et d’emplois Port parallèle.
« Ce matin, j’étais dans la banlieue sud de Paris, à Savigny-le-Temple, visiter un autre site suivi, une installation mise en place sur trois composteurs avec dix familles, au pied d’un immeuble de logements sociaux. »
« Mais ici, c’est mon laboratoire ! » Huit tonnes de déchets sont compostés chaque année. Rapidement, les participants ont eu envie d’aller plus loin, et d’utiliser directement leur compost. C’est ainsi qu’a été créé le jardin, avec l’aval du bailleur, en 2010.
Chaque adhérent de l’association des résidents du 107, rue de Reuilly est appelé à prendre sa part de responsabilité, moyennant une adhésion à l’association des locataires de douze euros par an pour l’activité de compostage, et de dix euros pour la pratique du jardinage. Jean-Jacques coordonne l’ensemble. Des chantiers collectifs ponctuent l’année, dans la joie et la bonne humeur.
Notre homme n’est pas à court d’idées : cet été, quelques moutons « loués » par une association spécialisée viendront durant une semaine brouter une terrasse engazonnée dans un autre recoin de la résidence. Les enfants – mais pas seulement – devraient être ravis. De l’autre côté de la grille, l’arrière d’une grande copropriété étale son morne désert de pelouse miteuse : de quoi rêver à d’autres jardins possibles...
Une démarche en plein essor
De fait, la démarche conduite au 107, rue de Reuilly n’est pas isolée. Selon Jean-Jacques Fasquel, une centaine d’immeubles parisiens sont engagés aujourd’hui dans des activités de compostage, voire de jardinage, collectif. Le compost, dans sa version pédagogique, a aussi gagné une soixantaine d’écoles de la capitale.
Quant à notre maître-composteur, il est lui-même en relation avec soixante-dix autres confrères à travers la France, au sein du réseau Compost Citoyen, « réseau des acteurs du compostage citoyen de proximité ». Une démarche en plein essor.
À GRANDE ÉCHELLE
Depuis trois ans Jean-Jacques Fasquel anime - en moyenne, une fois par mois - une formation « référent de site de compostage » pour le compte du Syctom, l’agence métropolitaine des déchets ménagers qui traite et valorise les déchets ménagers de 5,7 millions d’habitants de quatre-vingt-quatre communes de l’agglomération parisienne.
Le Syctom s’est lancé dans un programme à l’objectif ambitieux : 50 000 composteurs en 2014. « Ce sont déjà quarante-six chargés de mission déchets, référents de pied d’immeuble, membres d’associations environnementales, enseignants, ambassadeurs du tri ou encore jardiniers de services d’espaces verts que j’ai formés, écrit Jean-Jacques sur son blog... Un beau panel de ceux qui demain vont déployer cette façon si naturelle de traiter nos restes de cuisine et déchets verts de jardin ».