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TribuneÉconomie

Élus lyonnais, opposez-vous aux marchands de pubs

Action antipub à Lyon, mars 2020.

La seule métropole dirigée par un écologiste doit assumer une « profonde rupture avec l’emprise de l’affichage publicitaire », écrivent des associations dans cette tribune. Le futur règlement local de publicité du Grand Lyon doit être acté le 13 décembre.

En décembre 2017, la métropole de Lyon lançait l’élaboration de son règlement local de publicité (RLP). Le 13 décembre, le conseil de la métropole se réunira pour faire le bilan de la concertation et arrêter ce projet avant qu’il ne soit soumis à l’avis des personnes publiques associées, des associations agréées qui auront demandé à être consultées, et de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS). Ces étapes seront suivies d’une enquête publique.

Un règlement local de publicité permet d’adopter des normes locales en matière de publicité extérieure. Il peut notamment limiter la surface, la hauteur et la densité des panneaux publicitaires, les interdire dans certaines zones, et proscrire certaines catégories de dispositifs comme les écrans numériques.

L’enjeu que représente le futur règlement local de publicité du Grand Lyon est majeur : le signal que donnera l’une des plus grandes métropoles de France, la seule à avoir un président écologiste à sa tête, aura des répercussions non seulement au niveau national mais aussi au niveau international. Or le projet qui, certes, interdit les dispositifs numériques, ne permet pas encore une vraie et profonde rupture avec l’emprise de l’affichage publicitaire. Une rupture pourtant nécessaire au regard de l’urgence environnementale puisque cet affichage publicitaire incite, notamment, à la surconsommation.

  • L’interdiction des écrans numériques, une évidence à confirmer

Les dispositifs numériques, publicités et enseignes, devraient, malgré les pressions et même le chantage des professionnels, être interdits partout dans l’espace public (seul restera à traiter le cas des écrans installés derrière les vitrines des commerçants) comme c’est déjà le cas à Paris. C’est en effet un minimum si l’on considère l’ampleur des multiples nuisances environnementales qu’engendrent ces écrans éblouissants en pleine rue (pollution lumineuse…). En outre, la population est très largement défavorable à ces dispositifs très agressifs et contraignants dans les déplacements des piétons.

Cependant, trois lignes rouges majeures restent à ne surtout pas franchir.

  • Première ligne rouge : le piège de la publicité sur mobilier urbain

Pour un exécutif désireux de réduire la place de la publicité dans l’espace public, se borner à interdire le numérique ne peut évidemment suffire. Il lui faut aussi supprimer ou réduire drastiquement la part de la publicité sur mobiliers urbains : abris-voyageurs supportant deux affiches de deux mètres carrés ; panneaux sucettes dits informatifs comportant une face publicitaire. Car ces supports publicitaires sont les plus invasifs qui soient en ville du fait de leur localisation privilégiée dans les lieux les plus fréquentés.

Lyon est le terrain de jeu historique de JCDecaux, le numéro 1 mondial de la publicité extérieure. © Lyon demain

Il serait par ailleurs inconcevable qu’une collectivité écologiste, qui dénonce les méfaits de la publicité, puisse, en même temps, financer des projets au moyen de cette même publicité.

Actuellement, le projet de règlement local de publicité lyonnais prévoit de réduire la taille des publicités sur mobiliers urbains, mais ne fixe pas de limite à leur nombre. La métropole de Lyon est d’ailleurs le terrain de jeu historique de JCDecaux, le numéro 1 mondial de la publicité extérieure, et compte des milliers de ces « mobiliers urbains » publicitaires. Un projet se disant ambitieux ne peut donc éluder un tel problème. À défaut, il validerait cette forme de publicité, et la métropole de Lyon deviendrait la meilleure carte de visite des opérateurs mondiaux de ce secteur auprès d’autres territoires.

  • Deuxième ligne rouge : autoriser la publicité là où le Code de l’environnement l’interdit

La publicité ne doit pas être autorisée là où elle est normalement interdite par le Code de l’environnement. Or ce serait malheureusement le cas avec certaines mesures du projet actuel, lequel envisage notamment d’autoriser la publicité dans les périmètres de protection du patrimoine. Il est particulièrement incohérent que le projet de la majorité écologiste de la métropole de Lyon puisse ainsi envisager de déconstruire des mesures de protection de l’environnement.

Lire aussi : Comment la pub et les normes sociales nous poussent à trop consommer

  • Troisième ligne rouge : autoriser les publicités géantes sur bâches

Enfin, alors même que Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon, s’est engagé à ne pas autoriser les bâches publicitaires de chantier, le projet ne donne aucune garantie sur ce point. L’autorisation de ces bâches, même encadrées en taille, permettrait l’implantation, dans des secteurs où ils n’existent pas actuellement, de nouveaux dispositifs publicitaires de formats géants, dont le caractère agressif et invasif serait inédit — JCDecaux vante « la créativité de leur mise en scène » sur son site. En d’autres termes, cela relèverait d’une forme de densification et d’intensification publicitaires, aux antipodes d’un projet de réduction de la publicité.

À l’évidence, la responsabilité de la métropole de Lyon est immense. Nous l’appelons à ne pas se laisser entraîner dans les pièges qui lui sont ainsi tendus par les professionnels de l’affichage publicitaire.


Les signataires de la tribune :

  • Marie Cousin, présidente de Résistance à l’agression publicitaire
  • Laurent Fetet, président de Paysages de France
  • Gabrielle Joint et Anthony Geoffroy, coprésidents du collectif Plein la vue
  • Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre
  • Julien Lacaze, président de Sites et Monuments
  • Nicolas Guilbaud, président de I-buycott
  • Alex Montvernay, porte-parole d’Alternatiba ANV-Rhône
  • Florian Brunet, président de France Nature Environnement Rhône
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