Emballages plastiques : « Les industriels ne jouent pas le jeu »

La soirée-débat de Reporterre s'est tenue le 1er juin à Paris. - © Mathieu Génon / Reporterre
La soirée-débat de Reporterre s'est tenue le 1er juin à Paris. - © Mathieu Génon / Reporterre
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Plastique Déchets Rencontres de l’écologiePeut-on se passer des emballages plastiques ? Cette question était au cœur de la soirée-débat organisée par Reporterre le 1er juin à la Maison du zéro déchet, à Paris.
Paris, reportage
Peut-on se passer des emballages plastiques ? C’était la question débattue lors de la soirée organisée par Reporterre, le 1er juin à la Maison du zéro déchet, à Paris. L’événement était animé par Fabienne Loiseau, journaliste de la rédaction et coautrice de l’enquête Le plastique, tout-puissant. Il a permis à quatre experts d’échanger avec une trentaine de lecteurs et lectrices de Reporterre.
Le plastique occupe notre quotidien : cosmétiques, cuir, peintures, vêtements, routes… « Plus de 45 % du plastique consommé en France provient des emballages », a rappelé notre journaliste en ouverture de la rencontre. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 1,2 milliard de tonnes de plastiques seront produites d’ici à 2060. Son coût de production très faible et sa polyvalence expliquent pourquoi il est plébiscité, en dépit de ses nombreux effets nuisibles pour la planète et la santé humaine.
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Malgré son côté pratique, l’usage du plastique devrait progressivement se réduire. L’interdiction de la mise sur le marché des emballages plastiques à usage unique devrait arriver d’ici à 2040 en France. En 2019, le Conseil européen a adopté une directive avec des objectifs similaires.
Violation des règles
Des législations saluées par Diane Beaumenay-Joannet, responsable plaidoyer et campagne déchets aquatiques chez Surfrider Foundation Europe, une association de protection des océans. De son côté, Éléonore Blondeau, responsable des nouveaux projets de l’entreprise Eternity Systems (spécialisée dans le lavage d’emballages réemployables), a regretté que la législation existante ne soit pas appliquée correctement. De fait, la loi Agec interdit aux restaurants qui servent sur place d’utiliser de la vaisselle jetable depuis le 1er janvier. Mais les lois ne sont pas bien respectées et, pour elle, les contrôles de la Répression des fraudes se font attendre alors que les entreprises « ne jouent pas le jeu ».

Diane Beaumenay-Joannet a largement évoqué la violation de ces règles par certains géants de la restauration rapide, comme McDonald’s et Burger King, et plaidé pour le « name and shame » (déclarer publiquement qu’une personne, un groupe ou une entreprise agit de manière fautive). « Les consommateurs sont sensibles à ces questions. Des industriels nous parlent d’écoulement des stocks des gobelets et assiettes en plastique jetables deux ans après l’entrée en vigueur en 2021 de l’interdiction de leur vente en magasin », a-t-elle expliqué. Et Éléonore Blondeau de nuancer : « Tout ne peut pas se faire du jour au lendemain. Pour changer une ligne de production, les entreprises ont généralement besoin de deux ans minimum. »
Investir dans le recyclage, un cercle vicieux
Pour forcer la main des industriels réticents, la plateforme collaborative Open Food Facts recense les données de plus de trois millions de produits alimentaires : NutriScore, ingrédients, Éco-score… Pour 10 000 d’entre eux, sont également accessibles des informations sur leur conditionnement et leur coût environnemental. Ces connaissances sont enrichies dans le cadre de l’opération « Plein pot sur les emballages » lancée en janvier, en partenariat avec l’Ademe (Agence de la transition écologique). « Fondée sur une approche de science participative, elle s’appuie à la fois sur les entreprises acceptant de partager leurs données d’emballages et de jouer le jeu de la transparence, et sur les citoyens permettant de collecter les informations sur les produits », a expliqué Gala Nafikova, chargée de communication pour Open Food facts.
Des alternatives aux plastiques ont été mentionnées lors de la rencontre, comme le carton ou le papier avec lequel « on peut emballer du surgelé », a rappelé Xavier Martelli, expert indépendant en emballages. Mais pour le plastique multicouches (associant papier et plastique ou différents types de plastiques), le recyclage est plus ardu, voire impossible. Des solutions sont en cours de développement pour recycler les emballages souples en polyéthylène ou les pots de yaourt en polystyrène.
Les industriels préfèrent miser sur le recyclage chimique : une technique qui exige beaucoup d’énergie, a alerté Diane Beaumenay-Joannet. « Le meilleur déchet, c’est celui qui n’existe pas, a-t-elle rappelé. Baisser notre consommation est la solution la plus pertinente. Concilier économie et écologie, c’est possible. » Un point que partage en partie Éléonore Blondeau : « Le recyclage est une étape du cycle de vie d’un emballage, même réemployable, mais ça ne doit pas être la première, il faut privilégier avant tout la sobriété et le réemploi. » Elle craint un cercle vicieux. « Investir dans une nouvelle filière de recyclage signifie que nous allons y rester longtemps ».
Le plastique, toujours fantastique dans le milieu médical
Durant ce débat, Éléonore Blondeau représentait donc Eternity Systems, « le leader mondial du lavage industriel d’emballages et de contenants réutilisables ». Chaque année, la société lave 750 millions de caisses agroalimentaires en plastique. Lorsqu’elles ne sont plus fonctionnelles, les cagettes sont réparées puis remises en circulation. « Notre société a décidé de développer une ligne de lavage pour les petits contenants (gobelets, pots, bocaux, barquettes, en verre, en plastique ou en inox), notamment ceux utilisés dans la grande distribution ou la restauration collective », a-t-elle dit. Une avancée qui pose néanmoins la question de la standardisation des contenants.

Il faut faire avec l’existant. C’est la philosophie portée par le vrac et la consigne « qui a disparu à cause du plastique ». Une des solutions pour y parvenir : se focaliser sur le territoire national. « Essayons de répondre déjà aux besoins des Français », propose Éléonore Blondeau. D’ici à 2030, les magasins de 400 mètres carrés et plus devront consacrer au moins 20 % de leur surface de vente au vrac pour être en conformité avec la loi Climat et résilience.
En fin de débat, une question a suscité de nombreuses interrogations : « Comment se passer du plastique dans le milieu médical ? » a demandé une femme du public. « C’est très compliqué », a concédé Xavier Martelli, qui juge extrêmement « difficile » d’envisager une stérilisation du matériel médical à grande échelle. Les propriétés du plastique le rendent indispensable d’un point de vue sanitaire. « Notre ami le plastique a de très beaux jours devant lui, a-t-il admis. En France, chaque médicament est soumis à une autorisation de mise sur le marché, qui inclut le format de l’emballage. » Des mesures seraient envisageables sans mettre en danger la vie d’autrui, comme l’adoption du modèle étasunien des pharmacies « en vrac ». Outre-Atlantique, les médicaments sont vendus à l’unité sous blister en papier pressé.