Émissions de gaz à effet de serre : les mauvais calculs de l’État

Action d’ANV-COP21 contre l’inaction climatique de la France, en décembre 2020. - © Justine Guitton-Boussion/Reporterre
Action d’ANV-COP21 contre l’inaction climatique de la France, en décembre 2020. - © Justine Guitton-Boussion/Reporterre
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Climat PolitiqueLe gouvernement s’est félicité de la baisse des émissions de gaz à effet de serre enregistrée entre 2017 et 2021. En omettant de mentionner que ces dernières ont fortement rebondi depuis la pandémie.
En matière de climat, le gouvernement a l’autocongratulation facile. Citant les chiffres du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher s’est félicitée, le 14 juin, de la réduction de 9,6 % des émissions de gaz à effet de serre du pays entre 2017 et 2021. « Notre action porte ses fruits », a-t-elle écrit sur Twitter. Le ministère de la Transition écologique s’est lui aussi lancé des fleurs : « Émissions de gaz à effet de serre : la France atteint ses objectifs », assure-t-il dans un communiqué.
Les représentants de l’État auraient-ils des œillères ? Les données mises en avant dans leur communication sont en effet partielles. Sur son site, le Citepa précise que la forte réduction enregistrée en 2020 est liée en « grande partie à la crise du Covid-19 », et non aux mesures prises par le gouvernement.
Par ailleurs, les émissions ont bondi de 6,4 % entre 2020 et 2021, selon ses préestimations (le rapport définitif ne sera publié que dans quelques semaines). Une telle augmentation n’avait pas été observée depuis 1991. Elle est en grande partie due au secteur du transport, qui a émis 126 millions de tonnes d’équivalent CO2 en 2021 (soit 13 de plus qu’en 2020), selon le Citepa. La réalité est donc « beaucoup plus contrastée » que ce que laisse entendre le gouvernement, note l’association Agir pour l’environnement dans un communiqué.
« Il se satisfait de petits pas qu’il n’a même pas impulsés »
Entre 2019 et 2021, les émissions de la France ont globalement diminué de 3,8 % (soit, en moyenne, une baisse de 1,9 % par an). Ce rythme, qui suit la légère tendance à la baisse observée au cours des dix dernières années, n’est « absolument pas à la hauteur des enjeux », selon Maxime Combes, économiste et auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, 2015). « Si l’on souhaite atteindre la neutralité carbone en 2050, nos émissions devraient diminuer de 3 à 4 % par an, voire plus », insiste-t-il auprès de Reporterre. En se réjouissant de tels résultats, le gouvernement manifeste selon lui son « incompréhension » des enjeux climatiques : « Il se satisfait de petits pas qu’il n’a même pas impulsés, alors qu’on lui demande d’accélérer les choses. »
Ces baisses timides sont par ailleurs en partie annulées par les « émissions importées » générées par les biens produits à l’étranger, mais consommés en France. « L’enjeu n’est pas seulement de diviser nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, ou d’atteindre la neutralité carbone en 2050, poursuit l’économiste. Il est de faire en sorte que le stock total qui sera relâché d’ici là soit le plus minime possible. Et pour cela, il faut baisser nos émissions de gaz à effet de serre aussi fortement que possible dès maintenant. »
« Pas de changements structurels »
Pas de quoi se vanter, donc. D’autant que le gouvernement a été maintes fois tancé pour son manque d’ambition. Le Haut Conseil pour le climat s’est inquiété dès 2019 de la lenteur du rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre françaises. Rebelote en décembre 2020 : l’instance consultative indépendante estimait que 70 % des mesures du plan « France Relance » n’allaient pas dans le sens de la lutte contre le chaos climatique. Seulement 3 % des projets aéronautiques et 30 % des projets automobiles qu’il finance contribuent réellement à la transition vers la mobilité verte, montrent Maxime Combes et le journaliste Olivier Petitjean dans leur ouvrage Un Pognon de dingue mais pour qui ? L’argent magique de la pandémie (Seuil, 2022).
En février 2021, l’État a été reconnu coupable d’inaction climatique par le tribunal administratif de Paris. Le gouvernement continue malgré toutes ces mises en garde de soutenir des projets climaticides, notamment des projets routiers.
« On n’observe pas de changements structurels permettant de réduire nos émissions sur le long terme », dit Zélie Victor, du Réseau Action Climat (RAC). Dans le secteur des transports, de l’agriculture, du bâtiment et de l’industrie, la sobriété est selon elle « la clé ». Pour le moment, un tel changement de société ne semble malheureusement « pas envisagé » par le gouvernement.