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Politique

En Allemagne, une nouvelle percée des écologistes

Les écologistes enregistrent leur troisième victoire consécutive dans le Bade-Wurtemberg, berceau de l’industrie automobile allemande. Un signal important à six mois des élections fédérales allemandes, qui marqueront la fin de l’ère Merkel.

-  Berlin, correspondance

Covid oblige, ils ont fêté la victoire chacun de leur côté, derrière l’écran de leur téléphone. Les écologistes sont arrivés largement en tête dimanche 14 mars des élections parlementaires du Bade-Wurtemberg, avec 32,6 % des voix - un record historique pour le parti. Les conservateurs, en seconde position, arrivent loin derrière avec 24,1 %.

Dans l’ombre de la pandémie de Covid-19, aucun thème de campagne n’a vraiment émergé. La victoire tient essentiellement à la personnalité du candidat écologiste : Winfried Kretschmann, 72 ans, et souvent qualifié de “vert de droite”. Le magazine Der Spiegel parlait hier soir d’“effet Kretschmann”.

Cheveux blancs coupés en brosse, lunettes vertes et cravate à rayures, son visage souriant s’est affiché pendant des mois sur les trottoirs de Stuttgart et sa région. Son slogan, emprunté à la chancelière Angela Merkel : « Vous me connaissez ». Fier de ses racines, “Kretsche” parle volontiers en dialecte souabe. Homme de terrain, têtu, incorruptible... à la tête du Bade-Wurtemberg depuis dix ans, le natif du pays y a très bonne réputation, y compris hors de son électorat traditionnel. S’il avait été élu dimanche au suffrage direct, il aurait reçu 69 % des voix, selon l’institut Infratest dimap.

Les associations environnementales saluent son bilan en matière de protection de la biodiversité, de pollution de l’air, ainsi que ses investissements dans les transports en commun. Mais l’homme détonne dans un parti écologiste globalement plus à gauche. Il est d’ailleurs loin de faire l’unanimité auprès de la base et prend régulièrement des positions contraires à la ligne officielle des Grünen.

Au nom de la préservation des intérêts économiques de sa région, il est favorable au traité transatlantique de libre-échange Tafta et prône une sortie du moteur à combustion en 2035 – cinq ans plus tard que la direction fédérale. A contre-courant, il a défendu l’an passé l’instauration d’une prime pour l’achat de voitures thermiques pour redresser les ventes des constructeurs automobiles. Pour Kretschmann, pas question d’interdire ni même de limiter la construction de maisons individuelles pour lutter contre l’étalement urbain, comme le souhaite son parti. Et encore moins d’instaurer un impôt sur les grandes fortunes.

Son parcours détonne chez les Verts allemands. Catholique pratiquant, Winfried Kretschmann a failli devenir prêtre avant d’enseigner les sciences puis de faire carrière en politique. Co-fondateur de la section régionale des Grünen en 1979, il se distingue par son approche « écolibérale », qui entend protéger à la fois la nature et la compétitivité économique.

Un positionnement visiblement en phase avec les habitants de la région conservatrice, prospère et industrielle du Bade-Wurtemberg. A la frontière avec l’Alsace, le Land connaît le plein-emploi. Daimler, Porsche, Bosch, SAP y ont leur siège social et des usines. Son tissu de PME ultra-spécialisées, dans l’automobile, la chimie, l’électronique, en font la première région exportatrice d’Allemagne.

Winfried Kretschmann est convaincu que la transition écologique ne peut se faire en contraignant les entreprises, qu’il faut montrer que « tout le monde a à y gagner, pas à y perdre ». Il visite une entreprise par semaine, encourage l’innovation technologique. Le Bade-Wurtemberg est aujourd’hui le territoire de l’Union européenne qui dépose le plus de brevets et la première région d’Allemagne pour les dépenses de recherche, publique comme privée.

Iconoclaste, Kretschmann est pourtant incontournable pour les écologistes allemands, qui espèrent, pour la première fois de leur histoire, remporter la chancellerie fédérale le 26 septembre prochain, après seize années de pouvoir pour Angela Merkel. Dans les sondages nationaux, le parti des Grünen est devenu la première force d’opposition aux conservateurs et frôle les 20 %. "Kretsche“ est l’élu écologiste le plus connu, le plus expérimenté, celui qui doit convaincre les milieux économiques de passer au vert.
“Nous avons devant nous une année décisive, a-t-il déclaré dimanche soir dans une vidéo diffusée sur Facebook. Nos missions sont claires : limiter le changement climatique, organiser le changement structurel de notre économie et défendre la démocratie libérale.” Reste aux écologistes du Bade-Wurtemberg à former un gouvernement de coalition. Le choix du ou des partenaires - conservateurs, sociaux-démocrates ou libéraux - pourrait préfigurer ce qui attend les Allemands au niveau national à l’automne.

Un résultat modeste mais en progression dans la Rhénanie-Palatinat

Une élection avait aussi lieu dimanche 14 mars dans le land de Rhénanie-Palatinat, les écologistes ont rassemblé hier soir 9,3 % des points aux élections régionales. Un score modeste mais en progression de quatre points dans ce bastion social-démocrate. Les Verts devraient ainsi rester partenaires minoritaires du SPD et des Libéraux dans la coalition qui dirige la région depuis 2016.

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