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Luttes

En Belgique, un collectif agit contre Alibaba, le géant chinois du e-commerce

Action du collectif Stop Alibaba & co, en février 2020.

Le collectif Stop Alibaba & co organise jusqu’au 27 juin des actions dans toute la Belgique pour s’opposer à l’installation du géant chinois du commerce en ligne dans l’aéroport de Liège.

Belgique, correspondance

« Minute papillon » : tel est le nom donné à la semaine de mobilisation contre l’arrivée d’Alibaba à l’aéroport de Liège, en Belgique. À Bruxelles, Liège, Namur, Anvers ou encore Maastricht, des affiches et des stands d’informations appellent les citoyens à interpeller leurs dirigeants politiques jusqu’au 27 juin. « Notre but est de faire sortir les politiciens du bois », explique Hirondelle, porte-parole du collectif Stop Alibaba & co.

Presqu’aucun parti politique belge ne s’est opposé à l’accord conclu entre Alibaba, Liège Airport, la Région wallonne et le gouvernement fédéral belge le 5 décembre 2018. L’accord prévoit l’installation de la filiale logistique d’Alibaba, Cainiao, dans l’enceinte de l’aéroport liégeois. Pour cela, un agrandissement significatif de 22 hectares est prévu à horizon 2022. À ce jour, les immeubles de bureaux et un premier entrepôt — parmi les quatre prévus — sont déjà sortis de terre. Par ailleurs, un terminal ferroviaire achemine déjà à Liège des marchandises en provenance de Chine, dont une grande partie pour le commerce en ligne. De fait, Cainiao est déjà actif dans l’aéroport, notamment via ses sous-traitants.

Selon les chiffres de Luc Partoune, ex-directeur général de Liège Airport, l’arrivée d’Alibaba engendrera à terme un trafic de 1 500 camions supplémentaires par jour, soit 2 000 au total. Aucune donnée fiable n’existe cependant sur l’augmentation du trafic aérien attendu. L’ambition affichée du géant chinois du commerce en ligne est de faire de Liège son premier pôle en Europe. « Alibaba est une entreprise très opaque, nuance François Schreuer, seul élu liégeois (Coopérative politique Vega) opposé à l’installation d’Alibaba et fondateur de la plateforme Watching Alibaba. Liège n’est peut-être qu’un pôle parmi d’autres à venir en Europe. »

La campagne « Minute papillon », dans les rues belges. © Stop Alibaba & co

« Liège devient la poubelle de l’Europe »

Si les ambitions du groupe restent incertaines, les dégâts écologiques, eux, ne font aucun doute : augmentation des émissions de CO2 causée par le trafic routier et aérien, pollution de l’air aux particules fines, présence de kérosène observée dans les jardins et les terres agricoles alentour, surconsommation et production de déchets...

« Les terres artificialisées pour l’agrandissement de l’aéroport font partie des terres agricoles les plus fertiles d’Europe, alerte Hirondelle. Afin d’agrandir la piste pour répondre à l’augmentation du trafic aérien, il faut également remblayer une ancienne sablière classée zone de grand intérêt biologique où se réfugient plusieurs espèces en péril, notamment l’hirondelle de rivage (Riparia riparia). » Pour le militant, l’extension de l’aéroport et le modèle économique d’Alibaba sont incompatibles avec le respect de l’Accord de Paris : « Cela annule tous les efforts de la Wallonie pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. »


Pour les riverains, les nuisances sonores causées par le ballet des avions sont devenues insupportables. « Liège devient la poubelle de l’Europe, se désole François Schreuer. C’est le dernier aéroport de fret d’Europe ouvert 7 j/7, 24 h/24. Cela a de graves répercussions sur le sommeil et donc la santé des riverains. » Un avion décolle de l’aéroport toutes les 3 minutes, entre minuit et 1 heure, puis entre 4 et 6 heures, selon Stop Alibaba & co.

Et les retombées économiques ? Pour le collectif, la décision des autorités belges de tout miser sur la logistique à Liège est une grave erreur : « Le cybercommerce concurrence de façon déloyale l’activité locale. La note d’analyse de Mounir Mahjoubi [ex-secrétaire d’État français au Numérique] de 2019 montre que pour un emploi créé dans le cybercommerce, deux disparaissent. Il s’agit par ailleurs d’emplois très facilement délocalisables », assure-t-il. Débats d’autant plus vifs que le 19 janvier, le groupe de logistique FedEx-TNT a annoncé le licenciement de 671 salariés et salariées sur son site de Liège Airport, pour s’installer à Paris.

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