En Italie, l’extrême droite climaticide aux portes du pouvoir

Giorgia Meloni en meeting à Milan le dimanche 11 septembre. - © Caroline Bordecq / Reporterre
Giorgia Meloni en meeting à Milan le dimanche 11 septembre. - © Caroline Bordecq / Reporterre
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En Italie, le parti d’extrême droite de Giorgia Meloni est annoncé favori aux élections législatives du 25 septembre. D’un point de vue écologiste, son programme serait calamiteux pour la lutte contre le réchauffement climatique.
Milan (Italie), correspondance
Le dimanche 25 septembre, l’Italie sera appelée aux urnes pour des élections législatives anticipées, deux mois après la chute du gouvernement de Mario Draghi. Dans cette campagne électorale, un parti est annoncé favori : Frères d’Italie, une formation d’extrême droite dirigée par Giorgia Meloni, qui pourrait devenir Première ministre.
Pour s’assurer une large victoire, cette force politique aux héritages fascistes a présenté un programme commun avec le parti d’extrême droite de la Ligue, dirigé par Matteo Salvini, et celui de droite Forza Italia, mené par Silvio Berlusconi.
Dans ce programme, si l’environnement est noté comme « une priorité », les propositions à son sujet n’arrivent qu’en douzième position (sur quinze), derrière la fiscalité ou encore la lutte contre l’immigration illégale. « La place accordée au changement climatique n’est ni centrale, ni significative. Il y a peu de points et les engagements sont faibles », analyse Stefano Caserini, professeur spécialisé sur les stratégies d’atténuation du changement climatique à Milan. Avec une vingtaine de scientifiques et experts, il a participé à un projet visant à noter les engagements climatiques des candidats. La coalition d’extrême droite obtient les pires résultats.
« Des banalités qui ne sont pas à la hauteur »
Pour le professeur, elle se contente d’énoncer « des banalités qui ne sont pas à la hauteur de la crise climatique actuelle. C’est un programme qui allait bien dans les années 90 », affirme-t-il. Pire : même en étant très vagues, ces propositions « ne proposent pas la bonne recette », dit Stefano Cafiani, président de l’association écologiste Legambiente : « C’est un minestrone où l’on met un peu de tout : le développement du renouvelable, la promotion d’une mobilité durable, mais aussi l’extraction de gaz et le retour au nucléaire ».
La campagne ayant démarré en pleine crise énergétique, cette dernière s’est évidemment imposée dans les débats. Le sujet est d’autant plus brûlant que l’Italie ne produit que 22,5 % de son énergie et importe 95 % du gaz consommé. Celui-ci, dont l’Algérie est désormais le premier fournisseur, est la première source d’énergie du pays (36 %).
Face à l’urgence, Giorgia Meloni propose d’aller puiser le gaz dans la mer Adriatique. « Parce que le gaz, nous l’avons ! » scande-t-elle à chacun de ses meetings. Une perte de temps, selon Stefano Cafiani. La mise en production mettrait des années et les réserves, estimées à 90 milliards de m³ dans les fonds marins, « seraient consommées en seulement quinze mois », explique-t-il. La candidate défend aussi un projet très controversé — et rejeté par la population locale — visant à installer un terminal flottant de stockage et de regazéification du gaz naturel liquéfié dans le port de Piombino, en Toscane.

La droite pointe également vers le nucléaire, dont l’Italie est sortie il y a plus de 30 ans. Une mesure inutile selon l’écologiste, qui insiste sur la dangerosité et « les coûts exorbitants qui ne permettront pas de baisser pas la facture énergétique ». Sans compter le temps considérable de réalisation. « Autant se concentrer sur les sources d’énergie renouvelable permettant de décarboner le pays », insiste-t-il.
À ce sujet, l’Italie n’a d’ailleurs plus de temps à perdre. Dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, elle s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 et à la neutralité climatique d’ici 2050. L’arrivée au pouvoir des partis d’extrême droite, aux racines eurosceptiques, pourrait-elle remettre en cause ces engagements ? Giorgia Meloni, qui a qualifié le Pacte vert de « fondamentalisme climatique », dit en tous cas vouloir peser dans les négociations européennes pour « protéger les intérêts du système industriel et productif national ».
Cette année, le territoire et l’économie italienne ont été touchés de plein fouet par les conséquences du changement climatique : sécheresse, effondrement du glacier de la Marmolada dans les Dolomites et inondations répétées. Ces catastrophes ont causé des pertes humaines. Des menaces que même l’extrême droite, tant attachée aux intérêts nationaux, ne pourra plus ignorer, espère Stefano Cafiani.