En cinq jours, j’ai réduit mon empreinte écologique

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Alimentation Déchets Eau et rivièresL’empreinte écologique mesure en hectares la part de la planète « utilisée » pour produire les ressources que nous consommons. Si nos modes de vie sont trop gourmands pour que la Terre s’en sorte indemne, il existe des moyens pour réduire notre ponction. Que notre reporter a commencé à appliquer au quotidien.
« Si l’ensemble de la population mondiale avait la même empreinte que vous, il faudrait 2,83 planètes », m’explique-t-on, à la fin du test sur le site suisse de WWF, avant de m’indiquer sèchement : « Soyez vigilant. » De mon côté de l’écran, c’est la consternation : je découvre que mon impact environnemental est atrocement élevé. Pour rappel, notre empreinte écologique se calcule en hectares. Il s’agit de mesurer la surface de planète qui est « utilisée » pour produire l’ensemble des ressources consommées quotidiennement (alimentation, vêtements, habitations…) et absorber les déchets générés. Bref, l’empreinte est intrinsèquement liée à notre façon de nous nourrir ou encore de nous déplacer. Végétarienne depuis cinq ans, je mange majoritairement bio et j’évite de mettre le chauffage trop fort en hiver (même si ça, c’est surtout pour des raisons budgétaires). Bref, j’étais persuadée de m’en sortir pas trop mal. Là, c’est sûr qu’avec 12,34 tonnes annuelles de CO2, je fais figure de mauvaise élève quand la moyenne mondiale avoisine les 7 tonnes de CO2 par habitant.
Désemparée, je scrute mon appartement à la recherche d’un coupable. Je lorgne mes piles de journaux entassés, avant de réaliser avec effroi que le sèche-linge tourne en même temps que le lave-vaisselle. Pendant une semaine, j’ai ainsi décidé de cibler mes « angles morts écolos » pour réduire au maximum mon impact environnemental. Histoire de changer mes (mauvaises) habitudes du quotidien, mais surtout de réussir à passer en dessous des deux planètes nécessaires à notre existence.
LUNDI : « Le chauffage idéal, c’est 16 °C la nuit et 19 °C la journée »
Selon le ministère de la Transition écologique et solidaire, mon logement serait le suspect no 1. C’est lui qui alourdit, en France, l’empreinte écologique : devant les transports et l’alimentation, il est le premier responsable des émissions de gaz à effet de serre des ménages français. En ce qui me concerne, je suis dubitative. Mon appartement, surnommé « la grotte » pour son absence de lumière du jour, est une construction récente (donc bien isolée) dans le nord de Paris, munie de doubles vitrages, la surface ne fait que 28 m2 (pour deux), mon réfrigérateur et mon lave-vaisselle arborent une étiquette verte énergie A+++, et le chauffage n’est pas électrique…
Pourtant, je pourrais encore réduire mon impact environnemental, estime une conseillère info-énergie, appelée à la rescousse. « En tant que locataire, tu dois surtout développer les écogestes, cela ne sert à rien de te lancer dans des gros travaux, m’explique Camille. Mis bout à bout, ces petits actes du quotidien représentent de grosses économies. » Pour la planète, mais également pour mon portefeuille. Le plus gourmand en énergie dans un logement, sans surprise, c’est le chauffage. « Tu pourrais demander au propriétaire d’isoler les murs avec de la laine de verre, mais tu perdrais de l’espace, réfléchit-elle à voix haute. Dans ton cas, il faut que tu joues plutôt sur la température en veillant à limiter la chaleur à 16 °C la nuit et à 19 °C la journée. » Je jette un coup d’œil à mon thermostat, qui m’indique 21 °C. C’est mal parti. « Dans l’idéal, il faudrait que tu programmes ton chauffage, pour être sûre de ne pas faire d’écart de températures. » Autres recommandations : éloigner le réfrigérateur et le congélateur de sources éventuelles de chaleur, comme le four, le radiateur ou la lumière du soleil, pour éviter la surconsommation d’énergie, et penser à bien choisir le programme éco du lave-vaisselle.
La conseillère cible ensuite les appareils électriques qui envahissent mon appartement. Ses remarques sont sans appel. « Oublie définitivement le mode veille ou veille prolongée de ta télévision et de ton ordi, car cela consomme environ 10 % d’électricité en plus, glisse-t-elle. Surtout, pense à bien débrancher les chargeurs. » Et éteindre ma box la nuit. « C’est comme dégivrer son congélo, les gens n’y pensent pas, mais c’est beaucoup en matière de consommation énergétique à long terme. »

En pratique — J’ai réduit le chauffage et investi dans des multiprises, « pour tout éteindre d’un coup le soir » et des ampoules à LED, « qui consomment beaucoup moins d’électricité », comme me l’a indiqué Camille.
MARDI : « Comment ça, plus de tomates en hiver ? »
Ce matin, je me penche sur ce que je connais le mieux : le contenu de mon réfrigérateur. Pour réduire mon empreinte écologique dans la durée, les conseils des copains sont unanimes : « Change ton alimentation. » Ne consommant ni viande ni poisson, j’ai déjà limité les dégâts, car c’est clairement ce qui pèse le plus dans la balance. Pour produire un kilo de bœuf, plus de 13.000 litres d’eau sont nécessaires ; par comparaison, il en faut 590 pour 1 kilo de pomme de terre…
Pour le moment, c’est l’heure du tri. Au milieu des panais et des poireaux, j’ai vite identifié les coupables, soit six tomates, une aubergine, deux avocats et le reste d’un plat cuisiné (des raviolis). Premier constat : les légumes de saison sont très présents dans les esprits, mais nettement moins dans mon assiette. Deuxième constat : manger une ratatouille début décembre, c’est désastreux pour l’environnement. Bon, je m’en doutais un peu, mais pas à ce point-là. Une tomate cultivée en hiver, c’est 20 fois plus de gaz à effet de serre, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). En cause ? La forte consommation énergétique nécessaire pour chauffer les serres en hiver ou, sinon, l’acheminement des tomates cultivées à l’étranger. Et l’aubergine ne s’en sort pas mieux.
Concernant les deux avocats, c’est encore pire. Importés majoritairement du Mexique, le premier producteur mondial devant la République dominicaine et le Pérou, les avocats nécessitent 1.000 litres d’eau pour en produire un kilo (soit à peine trois fruits…).

En pratique — À partir d’aujourd’hui, je troque les tomates et les avocats contre des courges spaghetti. Cela me coûte beaucoup moins cher et surtout, je réduis mon empreinte écologique de 300 m2, selon le WWF.
MERCREDI : En banque, l’argent à l’odeur des gaz à effet de serre
Ce matin, j’ai pris un Velib, plutôt que le métro. En réalité, c’est comme si j’utilisais quotidiennement une « petite moto », tout ça parce que j’ai un peu d’épargne à la banque ! C’est une calculette en ligne qui me l’a appris : mise en place par le cabinet-conseil en développement durable Utopies, elle calcule l’empreinte écologique de l’argent qui « dort » à la banque. « 5.000 euros sur un compte en banque moyen ou placé en assurance vie polluent autant que l’utilisation d’un 4x4 », écrivait ainsi Stanislas Dupré dans son ouvrage publié en 2010, Que font-ils de notre argent ?
J’ai beau ne plus jamais prendre l’avion, au bout du compte, je pollue malgré moi. « Les banques françaises se servent majoritairement de notre argent pour financer les énergies fossiles ou des pipelines de gaz de schiste, elles ont donc une empreinte carbone particulièrement importante », affirme Lucie Pinson, de l’association Les Amis de la Terre. Selon un rapport publié en novembre 2017 par cette association ainsi que d’autres organisations internationales, le Crédit agricole, Société générale et Natixis (entre autres) continuent de financer « le secteur des sables bitumineux à des niveaux bien supérieurs à ceux nécessaires pour respecter l’objectif climatique de 1,5 à 2 °C ». De son côté, BNP Paribas a financé depuis 2005, directement ou non, pour plus de 15 milliards d’euros de projets dans le secteur du charbon. Pour Lucie Pinçon, « en tant que client, on est responsable malgré nous ».
En pratique — Je transfère mon épargne vers une banque éthique comme la Nef et mon compte courant vers le Crédit coopératif ou la Banque postale. « Comme ça, votre empreinte environnementale baissera et votre argent sera utilisé à bon escient. »
JEUDI : « Mousseurs », « brise-jets »… des astuces pour réduire sa consommation d’eau
Comme tous les matins, je passe sous la douche. Dix minutes en moyenne, voire plus si c’est le jour où je me lave les cheveux. Entre ça, la cuisine, le lave-vaisselle, les tisanes et la machine à laver, un Français consomme en moyenne près de 150 litres d’eau par jour, soit plus de 50 m3 par an. C’est beaucoup, mais cela peut être facilement corrigé, selon Camille, ma conseillère info-énergie attitrée. « Avec quelques astuces, tu peux quasiment réduire ta consommation d’eau d’un tiers », m’assure-t-elle.
La priorité est d’investir dans des dispositifs hydroéconomes, encore trop méconnus. « C’est simple, c’est pas cher, et ça donne vite des résultats », résume Camille. Première étape, les aérateurs d’eau, également appelés « mousseurs » ou encore poétiquement « brise-jets ». Vissés sur les robinets, « ils injectent des bulles d’air dans l’eau pour réduire ta consommation, le débit reste similaire, mais ta consommation est réduite de moitié ». Pour la douche, le fonctionnement est le même, sauf qu’il s’agit de remplacer mon pommeau habituel, par une « douchette » à économie d’eau, qui peut diminuer le débit « à 7 litres par minute, quand les pommeaux traditionnels sont plus proches des 16 litres », selon 60 millions de consommateurs.
Autre astuce : « Installe une bouteille en plastique remplie dans le réservoir de ta chasse d’eau pour diminuer son volume. » Alors qu’une chasse d’eau classique peut consommer jusqu’à 12 litres d’eau potable, cette combine permet de limiter le gaspillage.

En pratique — J’ai investi dans des hydroéconomes et surtout, j’ai installé une bouteille d’eau dans le réservoir, comme Camille me le conseillait. Conséquence ? En cumulant ces différents dispositifs et en faisant attention à ne pas laisser mes robinets ouverts inutilement, je peux espérer économiser près de 20 m3 d’eau par an.
VENDREDI : Apprendre à refuser les futurs déchets
Dans mon frigo, il me reste toujours le plat cuisiné (des raviolis, pour ceux qui n’auraient pas suivi), dont je ne sais trop quoi faire. Une seule chose est sûre, son emballage finira forcément dans ma poubelle. Tout comme mes deux bouteilles d’eau gazeuse, les pots de yaourt, les briques de lait, l’aluminium qui entoure les restes d’un repas, la conserve déjà ouverte qui traîne, la multitude de magazines entassés… Selon l’Ademe, « le traitement des déchets par incinération ou par stockage se traduit par des rejets dans l’air de gaz à effet de serre et de polluants divers ». De fait, en France, seulement 40 % des déchets sont recyclés.
Nous produisons chacun en moyenne près de 350 kg de déchets chaque année. Chez moi, cela se traduit par environ un sac-poubelle par semaine. « C’est quand même beaucoup, me confirme Maya. Moi, j’en suis à un par mois et je trouve ça encore trop. » La bénévole à l’association Zero Waste me donne quelques conseils pour commencer : « L’idée, c’est de créer de nouvelles habitudes de consommation car, pour ne pas jeter, il faut avant tout éviter que les déchets ne viennent à toi. » Plutôt que de me lancer tout de suite vers un compost, elle m’explique qu’il faut y aller par étapes : « Évite d’acheter des légumes sous vide dans les supermarchés et commence par faire tes courses en vrac dans les marchés et les Biocoop, en utilisant tes propres contenants. »
L’autre conseil essentiel, c’est d’« apprendre à refuser ». De la publicité qui envahit ma boîte aux lettres, à la paille ou la touillette en plastique que l’on me propose dans un bar, en passant par les échantillons gratuits à la pharmacie et les sacs en plastique qui font de la résistance malgré leur interdiction, il faut que je pense à systématiquement décliner l’offre de ce surplus de plastique et de papiers dans mon quotidien.

En pratique — À partir d’aujourd’hui, j’opte pour une gourde, plutôt que des bouteilles en plastique et j’investis dans des contenants pour faire mes courses en vrac. Et je colle (enfin) un autocollant « stop pub » sur ma boîte aux lettres. Prochaine étape : installer un compost sur ma minuscule terrasse et réaliser mes propres produits d’entretien.
SAMEDI : Le bilan de la semaine
Bilan de la semaine : j’ai bel et bien réussi à diminuer mon empreinte écologique de moitié, passant à 6,36 tonnes de CO2 annuelles. Sans faire excessivement d’efforts et avec de nombreux conseils pratiques, je suis descendue à 1,46 planète, comme me l’apprend le test du WWF. Prochaine étape ? Me débarrasser définitivement de mon frigidaire, mais ça, c’est une autre histoire.