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TribuneÉnergie

Eoliennes et infrasons : voilà les réponses pour s’entendre

Parmi les nombreux débats au sujet des nuisances supposées ou fondées des éoliennes figure celui sur les infrasons. L’auteur de cette tribune, s’appuyant sur les données scientifiques disponibles, fait le point sur les questions soulevées par cette caractéristique acoustique.

Michel Frangeul est membre de l’association Courants alternatifs à Acigné, près de Rennes (Ille-et-Vilaine). L’association milite pour que le projet de parc éolien sur la commune intègre une participation citoyenne, tout en contribuant au débat sur l’énergie et sur les éoliennes.


Un projet éolien en cours d’étude dans notre commune suscite des débats souvent vifs. Comme le problème des infrasons est l’un de ces sujets polémiques sur l’éolien, il semble utile de s’informer sur ce domaine en essayant de trier le vrai, le faux et l’inconnu… Cette recherche est complexe d’abord parce que le sujet lui-même est très technique, mais aussi parce que cette question donne lieu, côté anti-éolien, à toutes les surenchères et que, a contrario, les entreprises éoliennes sont plutôt silencieuses, ce qui ne favorise pas un dialogue serein.

Alors que les textes à charge contre les infrasons éoliens sont faciles à trouver sur la multitude de sites anti-éoliens qui envahissent le Net, les études contradictoires sont à rechercher dans les bases de données scientifiques et les revues d’acoustique, ce qui est moins facile.

L’association Courants alternatifs propose donc sur son site le téléchargement d’une synthèse argumentée sur ce sujet, en se limitant uniquement au domaine des infrasons, le problème des éventuelles nuisances sonores dans le domaine audible étant à traiter par ailleurs.

Ce texte de plus de vingt pages, fondé sur une recherche bibliographique importante, tente d’apporter un certain nombre de réponses à des questions habituelles sur les infrasons et les éoliennes, réponses que l’on peut résumer comme suit :

Ce qui est vrai

  • Les infrasons peuvent être dangereux : Oui, mais les pathologies identifiées et prouvées concernent des niveaux très élevés d’exposition à la limite du seuil d’audibilité, liés à des pratiques professionnelles et bien supérieurs aux infrasons éoliens ou naturels ;
  • Les éoliennes émettent des infrasons : Oui, mais essentiellement sur des fréquences spécifiques entre 0,7 et 4,9 hertz (Hz) et à un niveau très comparable à celui des infrasons naturels avec lesquels la vie s’est développée sur terre ;
  • Les infrasons se propagent plus loin que les sons audibles : Oui, comme toutes les basses fréquences, mais la littérature spécialisée précise néanmoins que l’énergie du signal est divisée par deux à chaque fois que l’on double la distance. La nature spectrale des fréquences des éoliennes permet d’extraire ces signaux du bruit naturel en utilisant des méthodes de traitement du signal sophistiquées, y compris à des kilomètres de distance ;
  • Les infrasons traversent les murs sans atténuation : Oui, pour les très basses fréquences (quelques dixièmes de hertz), mais c’est aussi vrai pour les infrasons émis par le ressac des vagues sur la plage en bord de mer, ça n’a rien de spécifique aux éoliennes.
Les niveaux naturels relevés d’infrasons peuvent être considérables, notamment en très basse fréquence ou en bord de mer.

Ce qui est faux

  • Les infrasons éoliens viennent perturber un environnement vierge : Non, les infrasons naturels sont permanents et détectables partout. Les mesures montrent que les niveaux naturels relevés peuvent être considérables, notamment en très basse fréquence ou en bord de mer (et pourtant, personne ne songe à faire évacuer Saint-Malo ou Brest).

Ce qui fait polémique

  • Les études scientifiques prouvent que les infrasons éoliens provoquent des maladies : Non, il n’y a aucun consensus sur ce sujet, bien au contraire. En supposant que le « mal des éoliennes » existe réellement, il n’y a rien qui puisse mettre en cause les infrasons éoliens, très comparables en niveau aux infrasons naturels.

Les points qui nécessiteraient sans doute des études complémentaires

  • Des sensibilités individuelles aux infrasons pouvant toucher une part infime de la population (un peu comme les électrosensibles) : rien de prouvé, mais pourquoi pas.
  • La modulation de fréquences audibles (donc 20 Hz et au-delà) par des fréquences plus basses (du domaine infrasonore) provoquant un bruit modulé gênant soulevé par certains auteurs : il s’agit là d’un domaine important, mais touchant les sons audibles, pas les infrasons, même si un amalgame à ce sujet est assez fréquent.

Cette synthèse pourra paraître partielle et même partiale pour certains, elle apporte néanmoins des éléments argumentés permettant de penser que la mise en cause des infrasons comme responsables d’un éventuel « mal des éoliennes » n’est pas fondée dans l’état actuel des connaissances.

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