Frites, fromage, miel... Ces aliments qui pourraient nous manquer cet hiver

La récolte française de pommes de terre de cette année sera très affectée par le climat torride de cet été. - CC BY 2.0 / Edsel Little / Flickr
La récolte française de pommes de terre de cette année sera très affectée par le climat torride de cet été. - CC BY 2.0 / Edsel Little / Flickr
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La chaleur et la sécheresse ont affecté l’agriculture française. Au point que certains produits, comme les fromages ou les légumes, pourraient être absents des rayons cet automne. Ou alors bien plus chers.
Allons-nous manquer de fromage ou de pommes de terre cet hiver ? La question peut prêter à sourire, mais n’est pas si loufoque.
Depuis le début de l’été, la France subit des canicules à répétition, et une sécheresse persistante. Des conditions climatiques qui ont un impact direct sur la production agricole. Reporterre dresse une liste (non exhaustive) des aliments menacés par le manque d’eau.
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Le fromage
Dans le Cantal, le Salers est une des premières victimes collatérales de la sécheresse. Ce fromage fermier est fabriqué à partir de lait de vache cru et entier. Pour respecter le cadre de son appellation d’origine protégée (AOP), les vaches laitières doivent être nourries exclusivement à l’herbe. Sauf que ce n’est plus possible : les pâturages du département sont secs. Tout a grillé.
Depuis le 12 août, la production de Salers est donc stoppée, pour une durée indéterminée. « [Si les vaches étaient nourries] avec plus de foin, la pâte serait plus blanche, on aurait moins d’arômes. Notre produit a quand même une certaine notoriété auprès des consommateurs, on ne veut pas la casser », a expliqué à contre-cœur Laurent Lours, responsable de l’AOP, au micro de France Bleu Pays d’Auvergne.
Face à cet arrêt forcé, il sera plus compliqué de trouver du Salers cette année en magasin. Mécaniquement, les prix vont augmenter, pour tenter de compenser la perte financière des éleveurs. « Pour 1 000 litres de lait transformés en Cantal [une autre variété de fromage], nous gagnons 200 euros de moins qu’avec le Salers », dit Laurent Lours à France 3 Auvergne-Rhône-Alpes.

La production de Salers est menacée à cause de son cahier des charges très spécifique, mais beaucoup de fromages sont concernés par la sécheresse. « Il est probable [que les vaches] soient moins nourries à l’herbe que les années précédentes », a indiqué Thomas Dantin, représentant des trois indications géographiques protégées (IGP) de Savoie (emmental, tomme et raclette), dans un communiqué.
En outre, le stock des fourrages secs, dédiés à l’alimentation des animaux cet hiver, est d’ores et déjà plus bas que les années précédentes. « Il va falloir vendre des animaux parce qu’on ne va pas pouvoir tous les nourrir. C’est ce qui nous fait craindre une forte baisse de production de lait à l’automne », a prévenu Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait, dans le journal Libération.
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Le miel
« Dans l’Hérault, les récoltes d’été ont été totalement catastrophiques, sur les miels de châtaignier et de bruyère », se désole Paul Galzin, apiculteur et administrateur de l’Unaf (Union nationale de l’apiculture française).
Pour fabriquer du miel, les abeilles doivent récolter du nectar sur les fleurs. Sauf que lorsque les plantes à fleurs manquent d’eau, la floraison est moins abondante. Pire, en cas de stress hydrique intense, les plantes ferment leurs glandes nectarifères. « Elles produisent peut-être des fleurs, mais il n’y a pas de nectar à l’intérieur », résume Paul Galzin. Résultat : les abeilles n’ont rien à butiner, elles récoltent peu (ou pas) de nectar, et ne font pas de miel. « Sur les récoltes d’été, en faisant le ratio quantité de miel par colonie, j’ai récolté entre quatre et cinq fois moins que l’année dernière », poursuit l’apiculteur.
Les situations varient selon les localisations des ruches, mais globalement, en France, « tous les apiculteurs souffrent de la sécheresse », assure-t-il. Les stocks de miel (généralement venu de l’étranger) sont importants, une pénurie n’est pas à craindre. Mais dans les mois à venir, il faut s’attendre à des augmentations de prix lors du passage en caisse — notamment pour les miels locaux et artisanaux.
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Le piment d’Espelette
Au Pays basque, la récolte a commencé début août. Bien plus tôt que prévu. À cause du soleil de plomb et des fortes chaleurs, les piments d’Espelette ont mûri plus vite que d’habitude. Conséquence : les voilà plus petits, tâchés, prêts à être jetés par les producteurs.
« Ça fait des semaines que la pluie n’est pas au rendez-vous. Il n’y a plus d’eau disponible dans les dix ou quinze premiers centimètres du sol », déplorait Panpi Olaizola, président du syndicat AOP Piment d’Espelette, au micro de France Bleu Pays basque. Face à cette situation, les producteurs de « l’or rouge » ont obtenu une dérogation pour irriguer exceptionnellement leurs champs. Mais « personne n’est vraiment bien équipé » parmi la profession, relève Panpi Olaizola.
La récolte va s’échelonner jusqu’en octobre. D’ici là, les producteurs attendent la pluie avec impatience. Si l’on peut d’ores et déjà craindre des pertes financières pour les agriculteurs, et une hausse des prix pour les consommateurs, le bilan de la saison ne pourra vraiment se dresser qu’à ce moment-là.

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Les pommes de terre
Même le nord de la France n’échappe pas à la sécheresse cette année. Là, les producteurs de pommes de terre sont désemparés. « [À cause] des fortes chaleurs, les croissances se sont stoppées. Les pommes de terre ont arrêté de pousser », témoigne pour France 2 Guillaume Traisnel, agriculteur à Linselles (Nord), devant ses plants grillés par le soleil. Une situation inquiétante, quand on sait que la région des Hauts-de-France produit à elle seule 60 % des pommes de terre du pays.
« Ce qui est certain, c’est qu’il n’y aura pas suffisamment de pommes de terre pour satisfaire l’ensemble de la demande », a déclaré Geoffroy d’Evry, président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre, au journal Libération. Outre le secteur alimentaire, les pommes de terre servent aussi dans les domaines de la papeterie et de l’emballage. Une situation qui, là encore, laisse craindre une hausse des prix.
La liste des cultures touchées par la sécheresse pourrait encore s’allonger. Fin juillet, Reporterre était allé à la rencontre de paysans drômois : leurs courgettes, poivrons et aubergines avaient brûlé au soleil. Dans l’Aisne, le manque d’eau a freiné la production des betteraves sucrières. Bref, rares sont les champs épargnés.