« Hydro-furieux » : les défenseurs de l’eau se mettent en réseau

Aux Résistantes, sur le plateau du Larzac, le 5 août 2023. - © David Richard / Reporterre
Aux Résistantes, sur le plateau du Larzac, le 5 août 2023. - © David Richard / Reporterre
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Luttes Eau et rivièresBassines, industries polluantes, nucléaire... Les combats pour l’eau sont multiples. Pour « gagner en efficacité », des dizaines de collectifs se sont réunis au sein du réseau Hydre.
Du 3 au 6 août, près de 150 collectifs des luttes locales de France se sont réunis au Larzac. La rédaction de Reporterre était sur place pour vous faire vivre ce rassemblement historique.
La Couvertoirade (Aveyron), reportage
Le moment était « historique », selon les participants. Ce samedi 5 août, sous le chapiteau rouge des Résistantes, une centaine de personnes ont tenu la « première assemblée générale des luttes sur l’eau ».
Mégabassines, croisières, nucléaire, mines, pesticides… « L’eau est un sujet vaste, les combats multiples, et il n’est pas facile de fédérer autour de ce sujet », a insisté François, du collectif Hydremonde.
Venus des quatre coins de la France, plus d’une trentaine de collectifs étaient pourtant présents sur le causse du Larzac. Avec un objectif : créer un réseau, baptisé Hydre, pour dynamiser leurs combats.

L’idée de ce rassemblement a germé au sein de la Fondation Danielle Mitterrand, qui se bat pour le droit à l’eau. « On s’est rendu compte qu’il manquait un espace de rencontre pour les luttes locales », dit Héloïse, salariée de la fondation.
Même constat dans certains milieux militants. « La gestion de l’eau est un sujet complexe, avec un millefeuille administratif, des tas d’instances différentes à comprendre, observe Anne, de Bassines non merci. Il faut des compétences scientifiques, juridiques… autant mutualiser ! »
« Être plus efficace et moins s’épuiser »
L’envie de créer une plateforme d’entraide et de partages d’expériences a ainsi pris forme début 2023. Comment infiltrer les instances de gestion de l’eau ? Quelles sont les connaissances scientifiques sur les impacts des barrages ou des pesticides ? Comment utiliser la loi sur l’eau pour monter un recours juridique ?
Autant de questions que se posent nombre de militants. « Il s’agit d’être plus efficace et de moins s’épuiser », dit Anne. En clair, de ne pas réinventer l’eau chaude.
Car si elles connaissent un renouveau, portées par l’accélération du changement climatique, les luttes pour l’eau s’inscrivent dans une longue histoire. En France, le premier grand combat — et la première victoire — pour protéger la Loire remonte aux années 1980. Occupation des berges du fleuve, recours juridique, désobéissance civile : tous les ingrédients étaient déjà présents pour empêcher la construction d’un énorme barrage.
Expériences et réinventions
Il s’agit donc de capitaliser sur les expériences et les acquis du passé. Mais aussi de réinventer des modalités de lutte. « Les stratégies du passé ne sont pas forcément transposables », prévient Roberto Epple, un des protagonistes du combat pour une Loire vivante.
Pour lui, une donnée nouvelle est apparue : un monde agricole « en train de se suicider », qui plonge dans une fuite en avant productiviste. Comment construire des ponts avec les agriculteurs ? « Peut-être ont-ils besoin de notre aide », avance le retraité.

Autre obstacle rencontré par les collectifs : la mainmise de « baronnies locales » sur la ressource. « On constate une surreprésentation de la FNSEA [Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles] dans toutes les instances de gestion de l’eau », note Julien Le Guet, de Bassines non merci. Commissions locales de l’eau, comités de bassin… « Ils ont une politique d’occupation de la chaise vide, ils sont partout », poursuit le militant.
Quand ce n’est pas à la FNSEA, beaucoup de militants se heurtent au pouvoir des multinationales de l’eau — Nestlé à Vittel, Danone à Volvic, Veolia dans nombre de municipalités. Là encore, des échanges d’information, des enquêtes communes pourraient permettre de renforcer les combats.
Outillage et « aqua-thèque »
Encore en cours de formation, le réseau Hydre — ou « Hydro-furieux » — vise ainsi à « outiller et accompagner les collectifs ». Sessions de formation, « aqua-thèque » numérique, appels à mobilisation communs.
« L’idée n’est pas de créer une entité qui surplomberait les luttes et leur donnerait une perspective stratégique, mais de partir de la base et des besoins de chacun », insiste Héloïse, de la Fondation Danielle Mitterrand.
Tel l’animal mythologique à plusieurs têtes, le réseau Hydre se veut polymorphe, fluide… et combatif. « L’eau est devenue un sujet central, dit Anne. Le gouvernement, les entreprises… tout le monde veut s’emparer et récupérer le sujet. Il faut unir nos forces pour pouvoir faire le poids. »
Première échéance pour le jeune rassemblement : le convoi de l’eau, du 18 au 27 août, entre les Deux-Sèvres et Paris.