Justice climatique : à la COP27, les Occidentaux tergiversent

À la COP27, en Égypte. La question des pertes et dommages est au cœur des débats. - @FannyPetitbon / Twitter
À la COP27, en Égypte. La question des pertes et dommages est au cœur des débats. - @FannyPetitbon / Twitter
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COP27 Climat : de COP en COPÀ mi-parcours, aucune décision majeure n’a été prise à la COP27. La question de la solidarité climatique, soit l’aide financière accordée par les pays occidentaux aux moins riches, est au cœur des débats.
La solidarité attendra. Devant les dirigeants réunis en ouverture de la COP27 qui se tient à Charm-El-Cheikh jusqu’au 18 novembre, le chef de l’ONU Antonio Guterres a pourtant été clair : « L’humanité a le choix : coopérer ou périr. Il s’agit soit d’un pacte de solidarité climatique, soit d’un pacte de suicide collectif ». Mais à mi-parcours, « les négociations ont peu avancé », a résumé la directrice du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), Lola Vallejo, lors d’un point presse le 13 novembre.
1 — Pertes et préjudices : peu d’avancée
Pour la première fois, les négociations autour du financement des « pertes et préjudices » pour les pays les plus pauvres sont à l’ordre du jour. Mais « il n’y a pas de progrès très clairs », regrette Lola Vallejo. Et aucun mécanisme de financement n’a été formalisé dans les négociations.
« Les pays riches utilisent des manœuvres dilatoires pour bloquer les débats sur cette question », a fustigé le porte-parole de Greenpeace Clément Sénéchal. Si Emmanuel Macron a coupé court au débat en proposant un dialogue de « hauts sages » dans le cadre du FMI (Fonds monétaire international) au printemps prochain, cinq pays européens se sont montrés plus volontaires. Au total, 244,5 millions ont été promis par l’Allemagne, la Belgique / Wallonie, l’Autriche, le Danemark et l’Écosse. La Nouvelle-Zélande a aussi annoncé débloquer 20 millions de dollars (19,3 millions d’euros) pour les pertes et dommages.
Une bien maigre récolte, face aux 100 milliards de dollars (97 milliards d’euros) que les pays développés avaient promis de verser chaque année à compter de 2020. D’autant plus qu’un rapport commandé par la présidence de la COP27 publié le 8 novembre montre que les États du Sud ont en réalité besoin de 2 000 milliards de dollars pour financer leur action climatique.
Bien qu’il s’agisse d’un « engagement symbolique important », le directeur de l’Iddri Sébastien Treyer estime que les montants récoltés seront « insuffisants ». C’est la raison pour laquelle les États s’intéressent désormais à une refonte du système financier mondial, analyse-t-il. À court terme, elle autoriserait la Banque mondiale à prendre plus de risques pour financer l’action climatique. À long terme, il pourrait s’agir de réformer les banques régionales de développement. Les seules capables de mobiliser des fonds suffisants, selon Sébastien Treyer.
2 — Réduction des émissions : aucune remise à niveau
Sur le volet des réductions des émissions de gaz à effet de serre, seuls vingt-neuf États ont rehaussé leurs ambitions, dont l’Inde, la Turquie et le Mexique. Globalement, « la remise à niveau attendue des NDC [les contributions volontaires des États] n’aura pas lieu », prédit Lola Vallejo. La nouvelle étude du Global carbon project montre même que les émissions de CO₂ et de méthane pourraient atteindre des records en 2022.

3 — La sortie des fossiles discutée
Une bonne nouvelle : la sortie des fossiles (et non plus uniquement du charbon) est sur la table des négociations. En 2021, pour la première fois, le Pacte de Glasgow — adopté lors de la COP26 — a invité les États à accélérer leurs « efforts en vue de la réduction progressive de l’électricité produite à partir du charbon non adossée à des dispositifs de captage ou de stockage de carbone et des subventions inefficaces aux énergies fossiles ». Une rédaction qui laissait toutefois la porte ouverte à la compensation carbone — le financement de projets réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Cette année, la sortie des fossiles est poussée par l’Inde, gros consommateur de charbon, mais également par l’Union européenne, consommatrice de pétrole et de gaz, ainsi que par la coalition des petites îles. Une évolution de syntaxe que Sébastien Treyer juge plus équitable, dans la mesure où les pays en voie de développement sont davantage dépendants du charbon — car moins cher — que les pays développés.
La place allouée à la séquestration du carbone inquiète toutefois les ONG. D’autant plus que la COP28 se déroulera l’année prochaine sous l’égide des Émirats arabes unis. Ceux-ci pourraient pousser cette option afin de continuer à profiter de leurs ressources fossiles. Les entreprises des énergies fossiles sont d’ailleurs venues en masse, à Charm-El-Cheikh. Sur place, le porte-parole de Greenpeace Clément Sénéchal a dénoncé « une marée noire de lobbyistes des industries fossiles, plus nombreux que les délégations nationales des dix pays les plus impactés par le réchauffement climatique ». Selon le décompte des associations, vingt-neuf pays ont inclus des défenseurs des combustibles fossiles dans leurs délégations nationales. Elles représentent 200 personnes.
Autre point fortement critiquable : le développement de « crédits carbone volontaires ». Antonio Guterres a présenté les « lignes rouges » contre l’écoblanchiment des acteurs non étatiques, soit la fin de nouveaux investissements aux fossiles, des compensations carbone “bon marché” et de la déforestation. Le rapport est clair : les entreprises ne doivent pas acheter des crédits carbone pour atteindre leur neutralité carbone mais la considérer comme complémentaire à leur action.
4 — Biodiversité : 112 États s’engagent
À quelques semaines de la COP15 sur la biodiversité, une coalition de 112 États s’est engagée à protéger les forêts et les écosystèmes (zones humides, mangroves, tourbières ou fonds marins). Les présidents colombien et vénézuélien ont également appelé à la création d’une vaste alliance pour protéger l’Amazonie, la plus grande forêt tropicale de la planète, menacée de déforestation. Le président Lula da Silva, fraîchement élu à la tête du Brésil, doit s’exprimer le 16 novembre. Il y a un mois, il plaidait pour le zéro déforestation.
Les négociateurs ont encore une semaine pour aboutir à un accord équilibré à la COP27.