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Agriculture

L’Accueil paysan, des vacances autrement

Depuis trois décennies, l’association Accueil paysan développe les liens entre tourisme et agriculture paysanne. Ses adhérents défendent la reconnaissance d’un statut de « paysan accueillant aménageur ».

Accueil paysan est un groupement d’acteurs et d’actrices rurales, principalement dans la paysannerie, qui partagent toutes la même conviction : le développement d’une agriculture paysanne associée au tourisme durable peut permettre aux paysannes de vivre décemment.

Éliane Genève, fondatrice de l’association, affirme que pour « que les paysannes soient encore là demain », il faut qu’ils et elles diversifient leurs activités. La survie du monde paysan est reliée selon elle à la défense d’un projet agroécologique [1]. L’accueil est alors apparu comme une manière engagée et conviviale de valoriser un mode de vie tout en assurant un équilibre économique, en parallèle aux activités agricoles. Lors des 30 ans de l’association [2], la volonté d’accompagner la création d’un nouveau métier, paysan-accueillant-aménageur, a été réaffirmée.

Le mouvement Accueil paysan a été fondé en 1987 par une dizaine de paysannes souhaitant valoriser leurs produits fermiers et proposer gîte et couverts en plus de leur activité de production agricole. Accueil paysan milite pour que l’accueil soit reconnu comme partie intégrante de l’activité paysanne. Françoise, fromagère dans les Alpes-de-Haute-Provence, précise que cet accueil n’est pas permanent et se fait en parallèle des activités paysannes. Il se concentre principalement sur les périodes de vacances scolaires.

Chez elle, ce sont surtout des familles avec enfants qui viennent. Stéphane, éleveur dans l’Indre, propose lui un camping à la ferme pendant la belle saison. Les personnes qui séjournent chez lui n’y arrivent pas par hasard, et comme dans les autres accueils paysans, viennent par intérêt pour les activités et la vie à la ferme. Stéphane insiste sur cet objectif de l’accueil : faire redécouvrir le lien à la terre : « C’est aussi un moyen de militer, en transmettant des choses aux gens. » Et il précise : « Tout le monde doit pouvoir partir en vacances » : car les prix sont aussi pensés pour être accessibles au plus grand nombre. C’est un mode de vie et des convictions qui sont partagées. « Pour nous, Accueil paysan, c’est une sorte de filtre. Les gens qui viennent chez nous sont très intéressés. Ce ne sont pas des citadins qui ont peur d’une araignée ! » enchérit Françoise.

Une alternative au modèle de développement intensif de l’agriculture 

Ce mouvement s’est développé en proposant une alternative au modèle de développement intensif de l’agriculture. Cette alternative est valorisée dans les rencontres entre vacancieres bien souvent citadines et les accueillantes, à travers des visites à la ferme, mais aussi de nombreux échanges. Françoise et Nicolas reçoivent au moins une quinzaine de groupes de vacanciers par an. Il n’est pas rare que des personnes reviennent et que des liens se tissent entre accueillantes et accueillies. Ces « vacances autrement » permettent de valoriser les métiers paysans, et de rompre l’isolement de certaines.

La promotion de l’agriculture paysanne passe aussi par les produits. Promotion des circuits courts, de la vente à la ferme, en marché de plein air… C’est la vente directe qui est privilégiée, jusque dans les assiettes des accueillies, et qui permet l’équilibre financier ! L’agriculture paysanne, comme l’accueil, accompagne par ailleurs la création d’emplois, car elle nécessite plus de main-d’œuvre que l’agriculture conventionnelle. Christiane, productrice de lait à comté dans le Jura se félicite d’avoir évolué au cours de sa carrière vers une agriculture durable puis paysanne. Si elle n’avait pas connu l’agriculture paysanne, elle se serait agrandie. Au lieu de cela, avec ses enfants, elle a valorisé les produits de son travail, développé la vente à la ferme et l’accueil paysan, et pu embaucher une personne supplémentaire.

Le mouvement Accueil paysan s’est lancé avec des chercheuses dans un gros travail de recherche-action depuis 2014, afin de mieux appréhender les liens entre l’accueil à la ferme et les pratiques agroécologiques, pour construire un « référentiel métier ». Aujourd’hui, il est très difficile de faire admettre aux administrations la pluralité des activités agricoles. Un statut clair aiderait à la reconnaissance du métier de « paysan accueillant aménageur ». S’appuyant sur des principes d’éducation populaire, une grande enquête a été réalisée en 2015 par les adhérentes du réseau, formées pour l’occasion [3]. Les premiers résultats insistent sur l’importance de la mise en place d’une agriculture de services, pionnière dans la diversification des activités agricoles. Plusieurs personnes, comme Philippe Lacube, paysan en Ariège, revendiquent aujourd’hui le terme « d’entrepreneur en milieu rural » . Cette implication de l’association dans la construction d’un nouveau métier va de pair avec un discours engagé sur l’accueil et la préservation de l’environnement. « Ça fait partie du métier de paysan d’accueillir, c’est même une mission », conclut Stéphane.


HISTOIRE D’UNE DYNAMIQUE DE L’ACCUEIL

Le réseau Accueil paysan compte aujourd’hui environ 1.200 membres, actifs ou retraités. Il est animé par cinq salariées au niveau national et une vingtaine au niveau local. L’organisation d’Accueil paysan se fait dans une pratique de démocratie participative et de formation permanente.

  • Dates clefs
    • 1987 : création de l’association Accueil paysan
    • 1992 : édition du premier guide de vacances répertoriant 1.200 adhérentes
    • 1998 : reconnaissance par les ministères de l’Agriculture et du Tourisme
    • 2003 : structuration du réseau en trois échelons (départemental, régional, national)
    • 2004 : création de l’Association des amis d’Accueil paysan
    • 2006 : lancement d’une dynamique pour l’accueil social
    • 2012 : premières rencontres internationales

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