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Santé

L’Anses confirme le potentiel nuisible des masques Dim

Saisie en urgence par le gouvernement sur les masques Dim traités à la zéolithe d’argent et de cuivre, l’autorité sanitaire a estimé que « dans les conditions réelles de port des masques traités, tout risque sanitaire ne peut être exclu ». Ne reposant pas sur une analyse matérielle des masques, l’avis de l’Anses, s’il confirme le problème, ne conclut pas l’affaire.

Mi-octobre, Reporterre enquêtait sur l’inquiétude de médecins et de chercheurs concernant les masques traités à la zéolithe d’argent et de cuivre, un produit biocide, potentiellement toxique pour l’humain, et distribués aux enseignants et à une grande partie de l’administration. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a été saisie en urgence par le ministère de la Transition écologique pour expertiser les risques sanitaires liés au port de ces masques. À peine dix jours plus tard, l’Anses a présenté mercredi soir 28 octobre ses premières conclusions dans un Avis à lire ci-dessous :

  • Le rapport de l’Anses

Sommée de répondre en urgence aux questions sanitaires, l’Anses a procédé à un examen à marche forcée. « Nous n’avons pas nous-mêmes examiné les masques. Dans les délais impartis, ce n’était pas ce qui nous était demandé », indique à Reporterre Aurélie Chézeau, adjointe à la direction pour le pilotage, la stratégie et le développement des missions de l’Anses liées aux biocides. Le temps a également manqué pour réaliser une analyse de la bibliographie scientifique sur le sujet.

Pour établir son avis, l’Anses ne s’est appuyée que sur les évaluations disponibles des zéolithes d’argent et de cuivre et des zéolithes d’argent déjà réalisées par les autorités publiques, et validées par l’Agence européenne des produits chimiques (Echa), et sur les informations techniques fournies par la société Hanes France, société-mère de la marque Dim. Des données qui « n’étaient pas toutes assorties des rapports d’essais expérimentaux, et n’ont par conséquent pas pu faire l’objet d’une vérification de la part de l’Anses », relève le rapport.

« Les risques sanitaires ne peuvent pas être écartés »

À l’aide de ces données, l’Anses a formulé deux scénarios types du port du masque pour évaluer les risques liés à l’exposition aux zéolithes d’argent et de cuivre par inhalation et voie cutanée. L’une considérant le respect scrupuleux des consignes d’utilisation : masques préalablement lavés, portés 8 heures par jour. Le second imaginant un port successif, dans la même journée, de masques neufs sans lavage préalable. Conclusions ? L’Anse écarte « la potentialité d’effets nocifs immédiats et graves », avant de conclure que « les risques liés au port de masques de la marque Hanes ne peuvent être exclus compte tenu de l’ensemble des incertitudes ». On lit notamment page 7 :

Le port du masque est susceptible d’entraîner une exposition par inhalation. En cas de transfert de particules de zéolithe dans l’air inhalé, compte tenu des effets observés dans l’étude expérimentale chez le primate, dans des conditions d’exposition comparables, une inflammation pulmonaire réversible ne peut être exclue. »

Si le respect scrupuleux des consignes de port du masque « permet de limiter les risques », l’Anses souligne que, « dans des conditions plus réalistes », les risques existent :

En prenant en considération des situations d’exposition qui peuvent exister dans la vie courante (...) l’Anses considère que des effets toxicologiques à moyen terme tels que l’accumulation d’ions argent Ag+ dans les organes peuvent résulter de ces expositions, et que des risques sanitaires ne peuvent donc être totalement écartés. »

Des lacunes dans l’examen des substances biocides

L’avis de l’Anses révèle une autre information intéressante. L’un des points de frictions du dossier concerne la classification des zéolithes d’argent entre les catégories de types de produits 2 et 9 de l’Echa. D’après ce classement, les types de produits (TP) TP 2 concernent les « désinfectants et produits algicides non destinés à l’application directe sur des êtres humains ou des animaux. [Ils sont] Utilisés [entre autres usages] pour être incorporés dans les textiles, les tissus, les masques, les peintures et d’autres articles ou matériaux, afin de produire des articles traités possédant des propriétés désinfectantes ». Or, l’Union européenne a interdit l’utilisation de la zéolithe d’argent et de cuivre dans les produits de type 2. Dim affirme pour sa part que « l’utilisation du traitement à base de zéolithe d’argent et de cuivre, qui assure la conservation du masque, est réalisée dans le cadre de la catégorie TP 9 », du tableau de l’Echa. Cette catégorie concerne les « produits de protection des fibres, du cuir, du caoutchouc et des matériaux polymérisés ».

Dans son analyse, l’Anses révèle que « pour les TP 4 et 9, les évaluations de ces deux substances actives ne sont pas encore finalisées. Ainsi, ces deux substances peuvent a priori être utilisées pour protéger les fibres dans les tissus traités (TP9) ». Si aucune décision n’a donc été prise sur cette classification dans le cadre du programme d’examen européen des substances actives des produits biocides, ce n’est pas parce que son utilisation ne cause aucun risque à l’être humain, mais faute d’information suffisante, les évaluations n’étant pas terminées. Pour remédier à cette lacune, l’Anses recommande « que tout soit mis en œuvre au niveau européen pour que l’évaluation des substances actives biocides inscrites au programme d’examen soit menée à bien dans les meilleurs délais ». Une saine volonté, mais qui risque de nécessiter plus qu’une injonction : comme l’a indiqué l’Echa à Reporterre, « le programme de réexamen devrait être achevé d’ici à 2024 ».

Un traitement biocide non requis pour les masques de protection

Par ailleurs, le classement en TP 9 des masques Dim (par Dim lui-même) intrigue. « La réglementation s’applique aux émetteurs sur le marché de produits biocides, donc des firmes. Ce sont elles qui doivent définir le type de produit pour le bien qu’elles commercialisent en fonction des revendications », explique Aurélie Chézeau.

Comme le note l’Anses dans son analyse, le traitement virucide n’est d’ailleurs pas une obligation des masques de protection :

Les bénéfices attendus pour l’utilisateur du masque d’un traitement impliquant des composés de l’argent mériteraient d’être précisés : en effet, le traitement chimique par des substances actives biocides n’est pas un prérequis pour se conformer aux exigences techniques demandées pour un masque de protection en tissu. »

Pourquoi ce classement en TP9 par Dim ? La société affirme que cela serait à des fins de conservation des masques. Or le traitement au zéolithe d’argent et de cuivre, à savoir de l’Agion AMB-10 Antimicrobial, est mis en avant par d’autres enseignes sur le marché étasunien pour ses qualités virucides, et non pas conservatrices des tissus [1]

Il s’agit d’ailleurs de l’unique produit de la gamme Dim traité aux zéolithes d’argent et de cuivre. Pourquoi cette singularité ? Interrogé à ce sujet, ni l’enseigne ni sa société-mère, Hanes, n’ont répondu aux questions de Reporterre.

L’expertise de l’Anses clôt-elle l’affaire ? « C’est un avis définitif, indique Aurélie Chézeau, nous avons répondu à la question, qui était de faire une estimation des risques liés à l’utilisation de ces masques ». Une estimation qui conclut donc au potentiel nuisible des masques Dim. Mais l’Anses n’a pas réalisé des analyses précises, qui seraient bien nécessaires. L’affaire n’est pas finie...

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