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Quotidien

L’Europe bannit les microplastiques dans les cosmétiques

Le 26 avril 2023, le comité européen Reach a voté pour l'interdiction des petites particules de plastique dans les cosmétiques, ainsi que dans d’autres produits tels les terrains de sport synthétiques.

Ils rendent la peau douce, mais polluent l’environnement. Les microplastiques disparaîtront des cosmétiques d’ici... douze ans. L’industrie n’est pas pressée de perdre ce précieux atout.

Crèmes de jour, maquillage, gels douche, baumes à lèvres… De très nombreux produits de beauté contiennent des microplastiques. Bonne nouvelle : les États membres viennent enfin de s’accorder pour interdire ceux « ajoutés intentionnellement » par les fabricants. Le 26 avril, le comité Reach qui évalue les risques des substances chimiques a voté, après un premier report de la décision en mars, pour leur interdiction dans les cosmétiques, ainsi que dans d’autres produits (comme les terrains de sport synthétiques).

« On estime qu’en vingt ans, la restriction proposée empêcherait le rejet dans l’environnement d’environ un demi-million de tonnes de microplastiques », précise la Commission européenne qui se félicite du vote de ce texte, qui sera définitivement adopté après un examen de trois mois par le Parlement européen et le Conseil. Malgré l’existence d’alternatives moins polluantes, la plupart des fabricants continuent d’intégrer des polymères dans leurs tubes et leurs pots.

L’Alliance Rethink Plastic – qui regroupe diverses ONG environnementales comme Plastic Soup Foundation, No Plastic in my sea, Client Earth ou encore Surfrider – est également satisfaite de cette décision. Cependant, elle réclame qu’elle soit mise en œuvre plus rapidement. « Les produits de maquillage peuvent continuer à contenir des microplastiques jusqu’à douze ans après l’adoption de la restriction », regrette l’Alliance. Douze ans pendant lesquels les consommateurs continueront à mettre des microparticules de plastique en contact direct avec leur peau et leurs muqueuses, et à les rejeter ensuite dans les eaux. Sauf à savoir éviter les produits qui en contiennent.

Du polyéthylène dans les eye-liners et les rouges à lèvres

Quand on parle de microplastiques, on pense tout de suite aux produits exfoliants ou de gommage. En France, les microbilles plastiques sont déjà interdites depuis 2018 dans tous les « produits cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage ». Restent tous les produits non rincés… « Ces dernières années, les grandes entreprises de cosmétiques ont remplacé les particules de polyéthylène par des alternatives destinées au gommage, mais ces entreprises ne mentionnent pas qu’il peut y avoir des dizaines d’autres types de microplastiques dans leurs produits », prévient Plastic Soup Foundation. L’organisation cite, par exemple, le polyéthylène présent dans les eye-liners, les mascaras, les rouges à lèvres, les poudres et les produits de soin.

« Il n’est pas facile de les identifier au sein des listes d’ingrédients »

Certes, les fabricants sont tenus de mentionner chaque ingrédient sur l’emballage. Pour autant, « comme les matières "plastiques" en cosmétique peuvent exister sous différentes formes, il n’est pas toujours facile de les identifier au sein des listes d’ingrédients, explique Julien Kaibeck, fondateur du Mouvement Slow Cosmétique, dans un article de blog. Les plastiques liquides notamment, sont les plus insidieux. » Selon lui, certains termes peuvent toutefois permettre de les repérer : « polymer », « poly-ethylene », « propylene », les suffixes « -icone » ou « -oxane » qui désignent des silicones…

Des substances plus faciles à travailler que les produits « naturels »

Pour Plastic Soup Foundation, « la seule garantie pour les clients qu’un produit de soin soit réellement sans microplastiques et nanoplastiques provient de la marque elle-même ». Car des marques font déjà sans plastique. C’est le cas de Weleda, Léa Nature ou encore Beauty Kitchen, qui ont plaidé, au côté de Rethink Plastic, en faveur de l’interdiction des microplastiques. Elles expliquent dans une lettre ouverte à la Commission européenne avoir choisi « de manière proactive et volontaire d’investir nos ressources dans la recherche et le développement qui ne dépendent plus de l’industrie des microplastiques ».

Toucher velouté, effet non gras, “peau de pêche”... « L’amélioration de la texture des produits ou la modification de leur aspect sensoriel sont des raisons très souvent invoquées par les marques », relève Surfrider. Selon l’association, ces arguments permettraient en réalité de cacher aux consommateurs la véritable raison de leur utilisation : « Ils sont très peu chers et bien plus faciles à travailler (odeur, couleur, etc.) que les produits dits naturels. Bien plus économiques donc. » On comprend pourquoi l’industrie n’est pas pressée de modifier ses formulations.

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